Tout à l’heure, nous allons examiner les amendements déposés sur cet article. Or, je voudrais appeler votre attention sur le fait que l’argumentaire fourni sur ces amendements a changé entre le passage en commission et l’examen en séance – sauf dans le cas de Mme Maréchal-Le Pen, qui est restée sur sa ligne, même si elle n’est pas présente ce soir.
En commission, il nous avait semblé comprendre que nos collègues remettaient en cause la démarche d’individualisation des peines au motif qu’ils considéraient qu’il fallait juger le fait et non la personne qui l’avait commis. Vous en trouverez la confirmation dans les propos échangés en commission.
Or l’idée que l’on juge la personne est le principe fondamental du droit. Souvenez-vous de cette histoire de porc pendu, au XVIe siècle, en Grande-Bretagne : c’est un exemple fameux de l’absolutisme des processus. Plus près de nous, et d’une manière plus singulière, vous vous souvenez certainement du cri de Victor Hugo qui accusait la France de faillir à ses valeurs : il disait à ses contemporains que, non seulement ils arrêtaient et amenaient devant le juge la mère ayant volé du pain pour nourrir ses enfants, alors même qu’ils avaient été incapables de leur en fournir, mais qu’en plus ils la faisaient condamner. Voilà ce qui est en jeu quand on considère qu’il faut juger la personne et non le fait.
Je me permets encore de faire observer un point important : si l’on jugeait simplement le fait et non la personne, il n’y aurait pas d’excuse de minorité, ni d’excuse de provocation, ni même de légitime défense. En effet, ce qui excuse l’acte commis, ce sont les éléments qui enlèvent l’exigence de sanction de la société parce que celle-ci a reconnu un élément supérieur.
Selon moi, il faut continuer à oeuvrer pour l’individualisation des peines, qui n’est pas la même chose, je me permets de le dire, que la personnalisation de la sanction ; il ne faut pas les confondre. Nous parlons bien ici de l’individualisation. Cela signifie que le juge, qui a en face de lui une personne, va juger cette dernière en se fondant sur la totalité des éléments qu’il peut recueillir, dont la gravité de l’acte, mais aussi celle de la situation de la victime et l’ensemble des paramètres qui ont pu conduire cet homme ou cette femme à commettre des choses inacceptables. Voilà ce qu’est l’individualisation.
Voilà pourquoi il convient de rappeler, en tête de ce dispositif législatif, à cette place dans le code pénal et après avoir consacré l’idée selon laquelle il faut donner une finalité et une fonction à la peine, les raisons pour lesquelles ladite peine ne peut pas ne pas être inspirée par l’exigence d’individualisation. Ce sont là les fondamentaux du droit, qu’il nous revient, chers collègues – je me permets de le dire car je sais que vous en êtes convaincus – de protéger et de rappeler ici. Il ne faut pas laisser s’insinuer, dans notre pays, l’idée selon laquelle seul l’acte compte.
Une « justice radar » – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, légitime, bien entendu, dans les processus contraventionnels, condamnerait tout le monde. Cela n’est pas acceptable. Voilà le sens de l’individualisation, que je tenais à rappeler ici.