Intervention de Yannick Moreau

Séance en hémicycle du 4 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Moreau :

Avec l’article 3, vous inversez l’ordre des choses. La juridiction devra désormais motiver les peines de prison ferme non aménagées. Pourquoi faire si peu confiance à l’institution judiciaire ? Avez-vous peur qu’elle fasse trop bien son travail et applique trop justement la loi ? Cet article consacre le droit à l’impunité du délinquant, vu comme une victime du système, que le juge doit, par définition, relâcher. Pour la majorité, nous l’avons bien compris, l’homme naît bon, c’est la prison qui le corrompt.

L’article 3 illustre parfaitement l’idée générale de votre loi laxiste. Pour lutter contre la surpopulation carcérale, vous proposez une solution radicale : tout faire pour ne pas remplir les prisons. Je m’opposerai à l’adoption de cet article qui fera de la prison l’exception. Le rôle de la peine, comme l’a souligné notre collègue Julien Aubert, n’est-il pas de punir, de sanctionner et de rétablir l’équilibre causé par l’infraction ?

Dans l’éventail de la réponse pénale, la prison ne doit pas être l’unique solution, j’en conviens, mais elle doit être une solution et non une option facultative. Entendez-vous le cri des Français qui ne se reconnaissent plus dans cette justice rendue en leur nom ? En effet, 77 % des Français estiment que la justice fonctionne mal. Comment les en blâmer alors que nous savons que 2,6 millions d’affaires ne sont pas poursuivies par la justice et que les délais de procédure, faute de moyens, sont interminables et incompréhensibles pour la plupart de nos compatriotes ?

Votre réforme est dangereuse pour nos compatriotes et la France. Elle mettra des milliers de détenus en liberté. Elle permettra à des milliers de délinquants, y compris les coupables d’agressions sexuelles, de se retrouver face à face avec leurs victimes sans qu’ils soient passés par la case prison. Elle ouvrira toujours plus de droit à sortir au condamné et toujours moins d’attention, d’écoute et de protection aux victimes qui ne sont que l’accessoire de votre pseudo-réforme.

Grâce à vous, madame la ministre, les délinquants de France ont de beaux jours devant eux. Là où les Français réclament plus de sévérité, le maintien, voire le renforcement des peines plancher, vous les supprimez. Là où les Français demandent l’application de peines de prison ferme claires et la suppression des remises de peines automatiques, vous instaurez la contrainte pénale. Là où les Français veulent empêcher la récidive des crimes les plus graves en élargissant le cadre de la perpétuité réelle, vous désarmez les magistrats.

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