Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du 6 novembre 2012 à 17h15
Commission des affaires économiques

Pierre-Franck Chevet :

Sur la question du rôle respectif de l'ASN et du Gouvernement sur les décisions de fermeture de centrale, je fais miens les propos de M. Lacoste, selon lesquels l'ASN peut demander la fermeture d'un réacteur pour des raisons de sûreté et le Gouvernement pour toute autre raison. Cela étant, je n'ai pas encore lu le rapport Gallois.

S'agissant de la centrale de Fessenheim, M. Lacoste n'a pas dit qu'elle n'était pas irréversible : il s'est seulement exprimé sur les délais de procédure, qui seraient en effet de l'ordre de cinq ans.

L'achèvement du chantier de l'EPR est un enjeu majeur, auquel l'ASN accorde une attention particulière. Il s'agit d'un deuxième réacteur de ce genre, à côté du projet en cours en Finlande. Sa mise en service est prévue en 2016.

Madame Massat, le coût de 10 milliards d'euros de remise à niveau résulte d'une évaluation de la part des exploitants au regard de la façon dont ils ont traduit les préconisations de travaux formulées par l'ASN, sachant que celle-ci n'a pas à faire ce type de chiffrage : il ne s'agit donc que d'une première estimation.

Quant à la question de la sous-traitance, elle n'est pas nouvelle : un incident classé au niveau 3 de l'échelle de gravité est ainsi survenu au début des années 1990 dans la centrale de Gravelines, où, à la suite d'une erreur de maintenance, les soupapes du circuit primaire ont été bloquées pendant un an. Il a donné lieu à de nombreuses réflexions sur l'organisation de la maintenance et la sous-traitance. Le principe de base, fixé par tous les textes nationaux et internationaux, est la responsabilité première de l'exploitant en matière de sûreté sur tous les actes portant sur ses installations, y compris les actes de design. Si la sous-traitance n'est pas une mauvaise chose dans l'absolu, surtout quand il s'agit de faire appel à des compétences très particulières, les contrôles de l'exploitant doivent pouvoir s'exercer pleinement sur toute la chaîne des services. À cet égard, les propositions faites par certains opérateurs de limiter le nombre de leurs sous-traitants me paraissent aller dans le bon sens : elles correspondent à la position prise par l'ASN, qui a récemment adopté un certain nombre de textes pour améliorer la situation dans ce domaine.

S'agissant du pôle européen, il convient que les responsabilités soient clairement identifiées : de même qu'il ne peut y avoir deux exploitants, il ne peut y avoir trente-six gendarmes ! Si les autorités politiques désignaient un jour un autre gendarme, européen ou international, il faudrait éviter toute confusion avec des instances nationales.

Par ailleurs, je suis favorable à la parité, sachant qu'aucun des commissaires dirigeant l'ASN n'est nommé par le président de celle-ci. Par ailleurs, un des trois directeurs généraux adjoints est une femme. Cela étant, les compétences demandées sont celles d'ingénieurs scientifiques : or la part des femmes dans les écoles de formation correspondantes reste de l'ordre de 10 à 15 % – laquelle se reflète dans les organigrammes. Nous devrons donc être vigilants à cet égard.

Monsieur Baupin, je vous laisse la responsabilité de vos propos sur la consanguinité du corps des mines ! Je ne peux nier que j'en suis issu, mais j'ai fait un certain nombre de choix professionnels et ceux-là seuls m'engagent.

Je suis tout à fait disposé à exercer un pouvoir de sanction de façon indépendante – comme j'ai d'ailleurs déjà été amené à le faire.

Ma position a toujours été de devoir rendre compte – c'est-à-dire expliquer publiquement des décisions – ainsi que d'être en mesure de rendre des comptes en cas de problème.

Cela étant, je suis ouvert à une tierce expertise. Concernant la centrale de Fessenheim, j'ai d'ailleurs approuvé, il y a vingt ans, l'idée d'avoir recours à celle-ci sur la résistance de la cuve et de la faire payer par l'État. Au-delà de l'expertise propre à l'administration exercée de façon satisfaisante par l'IRSN, la tierce expertise peut par exemple être utile sur des problèmes spécifiques où l'on ne dispose pas de la compétence nécessaire.

Monsieur Blein, il est en effet important de développer les exercices de mise en situation en cas d'accident : ils permettent aux organismes concernés de mieux se préparer. J'ai à cet égard vécu à la centrale de Fessenheim les premiers exercices associant la population, mais ce type d'opérations n'est pas facile car il faut tenir compte des contraintes de chacun. L'accident de Fukushima doit nous conduire à aller plus loin dans ce domaine.

Monsieur Marc, il faut sans doute que nous gagnions encore en clarté dans nos explications, même si la matière est assez aride. Cela étant, la transparence ne suffit pas : susciter des débats est aussi une bonne manière de mieux faire comprendre les problèmes.

Quant aux relations avec les autres autorités de sûreté nucléaires, elles sont nombreuses : au-delà de WENRA, l'ASN a beaucoup de rapports bilatéraux, y compris avec les pays limitrophes.

Monsieur Pellois, il est vrai que le démantèlement de la centrale de Brennilis prend du temps : le dernier épisode ayant conduit l'ASN à différer cette opération est lié au fait que l'installation ICEDA située en Rhône-Alpes, vers laquelle devaient être envoyés les déchets issus des démantèlements, n'avait pas obtenu d'autorisation.

Quant à ITER, il s'inscrit dans un avenir lointain : je ne suis pas sûr, si je suis nommé, que dans le mandat de six ans non renouvelable qui me serait confié, j'aie l'occasion de me prononcer sur ce projet – lequel devrait prendre 60 ou 70 ans pour aboutir.

Monsieur Laurent, concernant la prolongation des réacteurs au-delà de 40 ans, je rappelle que deux composants ne sont pas remplaçables : la cuve et le bâtiment entourant le réacteur. L'autre question essentielle – sur laquelle nous nous distinguons de l'approche américaine – est de savoir quels standards de sûreté on retient, sachant que, pour l'ASN, on doit se fonder sur le référentiel dit de troisième génération, qui est plus exigeant, par symétrie avec les installations industrielles classiques, où le principe des meilleures technologies disponibles s'applique, mais aussi dans la mesure où l'une des alternatives possibles est de construire un réacteur de troisième génération de type EPR.

Monsieur Sordi, l'ASN n'a pas de rôle à jouer en matière de substitution ou de mesures compensatoires, mais la direction générale de l'énergie et du climat conduit des travaux dans ce domaine.

Les actions postérieures à l'accident de Fukushima propres à la centrale de Fessenheim doivent être menées dans le délai prescrit par l'ASN. Deux échéances principales sont prévues à cet égard : le recours à une source froide de secours, d'ici fin 2012, et l'épaississement du radier, d'ici l'été prochain. Si elles n'étaient pas respectées, il faudrait arrêter la centrale.

Madame Bonneton, sur les aspects de santé, l'une des questions importantes est de savoir comment on assure le suivi dosimétrique d'agents ou d'intervenants travaillant aussi à l'étranger. Il existe pour ces personnes un danger lié au cumul des doses reçues dans des pays différents que nous devons parvenir à traiter. Il faut aller plus loin dans ce domaine.

Quant aux 10 milliards de travaux demandés après l'accident de Fukushima, ils recouvrent de nombreux aspects. Je citerai notamment – au-delà de ce que j'ai déjà indiqué sur la centrale de Fukushima – deux améliorations majeures : la nécessité d'avoir un noyau dur, c'est-à-dire de préserver de toute agression externe des moyens à part permettant d'assurer à eux seuls le fonctionnement du réacteur dans des conditions correctes en cas d'accident, et le recours à une force d'action rapide partagée – sous réserve de la compatibilité des moyens de secours.

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