Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 7 mai 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt sur les assurances agricoles :

Je commencerai par un point très rapide sur le premier sujet mentionné par le président Brottes : les plans stratégiques élaborés dans le cadre de FranceAgriMer ont été présentés dans leurs grandes lignes, mais ne seront définitivement arrêtés qu'en juin ; j'espère donc pouvoir vous les exposer lors de la deuxième lecture du projet de loi d'avenir, qui devrait avoir lieu avant l'été. En tout état de cause, vous en serez les premiers destinataires.

Aléas de marché, aléas climatiques et aléas sanitaires peuvent tous avoir des conséquences très lourdes sur les revenus des agriculteurs. Depuis mai 2012, un certain nombre de mesures ont été mises en oeuvre dans le cadre des lois de finances. Ainsi, après les déclarations du Président de la République au Salon des productions animales-Carrefour européen – SPACE – de septembre 2012, les mécanismes de déduction fiscale pour investissement (DPI) et de déduction fiscale pour aléas (DPA) ont été revus, comme le souhaitaient les agriculteurs, dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2012. Mais le projet de loi d'avenir est l'occasion d'une réflexion plus générale, dont je veux vous faire part aujourd'hui.

Au niveau européen, les outils ont changé. Une organisation commune de marché (OCM) unique a remplacé les OCM par production ; elle est assortie d'un filet de sécurité pour les productions qui connaîtraient une crise ou des difficultés particulières. D'autre part, l'assurance récolte et le fonds de garantie contre les calamités ont été préservés ; s'y est ajouté un fonds de mutualisation sanitaire, qui semble bien fonctionner.

En matière d'assurance, l'État doit accompagner des choix qui dépendent des exploitants ; mais c'est un système mutualiste, plutôt qu'assurantiel, qu'il nous faut bâtir : si les exploitants devaient prendre individuellement à leur charge la prime du risque encouru, ils ne pourraient s'assurer dans certaines régions particulièrement exposées aux événements climatiques.

Aux dispositifs que j'ai rappelés, il faut en ajouter d'autres, déjà connus : le fonds d'allégement des charges, l'exonération de taxes sur le foncier non bâti, l'allégement de cotisations sociales et des dispositifs fiscaux de lissage des revenus imposables.

La logique que nous voulons suivre consiste à étendre le système de mutualisation aux différents types de risques : inondations, sécheresses et autres aléas climatiques, pertes de récolte ou de fourrage, autant d'événements qui impliquent des dépenses très variables. Les ressources du fonds contre les calamités, issues des cotisations, ne sont pas toutes utilisées, et heureusement car il y a nécessité de constituer des réserves, les dépenses pouvant varier de 20 ou 30 millions d'euros à 100, voire 130 millions comme en 2011 après l'épisode de sécheresse.

Le système de couverture publique repose, depuis 2011, sur un juste équilibre entre les crédits de l'État et ceux de l'Union européenne. Nous avons fait le choix, après un dialogue avec les professionnels, d'un transfert du premier vers le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), opération qui devrait permettre de mobiliser quelque 100 millions d'euros.

Nous souhaitons donc la mise en place d'un système mutualiste visible et le maintien des dispositifs existants, mais aussi la création d'un « contrat socle », à la conception duquel s'attelle un groupe de travail réunissant les différents assureurs. Ce contrat, en adossant les financements publics à des garanties privées, permettra à tous les exploitants de bénéficier d'une couverture minimale, définie en fonction des types de production ; aujourd'hui, faut-il le rappeler, seulement 20 à 25 % des agriculteurs sont assurés pour leur récolte.

L'objectif est la présentation d'un paquet global avant l'été ; reste à négocier les contrats socles, à savoir les conditions de prime et de couverture proposées par les établissements financiers, étant entendu que les primes devront être les moins élevées possibles pour rester accessibles au plus grand nombre. Sans doute convient-il également de changer de paradigme : un événement climatique important n'entraîne pas seulement une perte de revenus, mais aussi et peut-être surtout une perte de la capacité de production. C'est le maintien de cette capacité, autrement dit de la possibilité de remettre l'exploitation en état de marche, qu'il faut avant tout garantir. En ce sens, la couverture doit être aussi large que possible en sorte que les agriculteurs ne se retrouvent plus contraints d'arrêter leur activité, ayant perdu tout leur capital, comme il est arrivé en Ariège, malgré la mobilisation du fonds de garantie contre les calamités.

L'une des difficultés, pour les compagnies d'assurances et les établissements financiers, est que les cotisations ne couvrent pas les indemnités versées au titre de l'assurance récolte, celles-ci pouvant monter à des niveaux très élevés avec la récurrence d'événements climatiques. Et la difficulté est d'autant plus grande qu'aujourd'hui, un opérateur assume presque à lui seul la garantie. Dans cette phase où l'équilibre du modèle assurantiel agricole reste à trouver, la puissance publique doit jouer tout son rôle. Mais le besoin essentiel est un besoin de réassurance – d'autant que les normes de Bâle III, notamment en matière de fonds propres, ont un coût pour les établissements financiers ; une réunion aura lieu sur ce sujet, la semaine prochaine, entre la Caisse centrale de réassurance et ces établissements, en vue, je l'espère, d'un accord dans les prochaines semaines.

Le transfert du premier vers le deuxième pilier de la PAC permettra de financer une partie de la couverture assurantielle des agriculteurs ; ce sujet, au passage, intéresse l'évolution de la PAC : aujourd'hui, les aides à l'hectare garantissent une partie des revenus, mais d'aucuns se demandent si l'un des objectifs d'une politique agricole ne devrait pas être de garantir un revenu aux agriculteurs, indépendamment des fluctuations du marché – ce qui suppose un système mutuel.

La DPA et la DPI pourront être rediscutées dans le cadre des projets de loi de finances ; au sein du ministère, des services consultent les professionnels sur l'évolution de ces dispositifs, notamment au regard des taux d'intérêt de retard sur la réintégration de la DPA après sept ans, taux qui doivent être dissuasifs pour éviter l'optimisation mais sans pénaliser les agriculteurs qui constituent des provisions en vue des années difficiles.

Les contrats socles pourront bien entendu varier en fonction des types de production ; la palette offerte doit donc être la plus large possible afin de couvrir tous les risques. D'autre part, nous maintiendrons, je le répète, les dispositifs existants, quitte à faire évoluer, dans le cadre nouveau que nous proposons, le fonds de garantie contre les calamités qui, par ailleurs, donne toute satisfaction.

L'objectif est de mettre en oeuvre ce cadre entre 2015 et 2018, trois années de test avant une extension éventuelle. En effet, compte tenu de la situation des finances publiques, l'État n'est pas en mesure d'apporter les abondements nécessaires à une couverture de la totalité des agriculteurs ; d'où le transfert du premier vers le deuxième pilier de la PAC. Reste qu'à ce stade, l'objectif d'une couverture totale n'est pas atteint. À cet égard, une clause de révision de la PAC en 2017, prise en compte dans le projet de loi d'avenir, permettra d'augmenter le prélèvement sur le premier pilier, afin d'étendre le système, s'il a fait ses preuves, grâce à un abondement supplémentaire du deuxième pilier. En attendant, l'idée est de mettre le dispositif en place dans les deux ans qui viennent.

Les deux grandes questions d'ingénierie financière qui restent sur la table sont, je le répète, les contrats socles et le mécanisme de réassurance, négocié avec la Caisse centrale de réassurance. Les discussions sont longues, techniques et difficiles, mais elles avancent et devraient aboutir d'ici à l'examen en deuxième lecture du projet de loi d'avenir.

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