Intervention de élisabeth Hubert

Réunion du 3 juin 2014 à 16h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile, FNEHAD :

J'ai volontairement gardé un peu sous le boisseau les difficultés. Mais je rappelle qu'environ un tiers des établissements d'hospitalisation à domicile connaissent des difficultés financières et que nous commençons à connaître les premiers redressements, voire liquidations judiciaires. Pour la première fois depuis qu'existe l'hospitalisation à domicile, depuis la fin des années 1950, le premier quadrimestre a été mauvais et notre activité stagne. Nous allons essayer de savoir pourquoi car il y a une volonté générale de développer le « hors hôpital » et nous disposons d'une circulaire qui nous est favorable. Sachez en tout cas que, sur le plan tarifaire, nous sommes dans un univers contraint, qui n'a pas bougé depuis 2006.

Si nous pouvons répondre aux sollicitations des familles, des patients, des infirmiers ou des travailleurs sociaux, la prescription d'un médecin est obligatoire. Dans quatre cas sur cinq, la démarche fait suite à une hospitalisation conventionnelle et, dans un cas sur cinq, elle résulte directement d'un médecin généraliste.

Il est vrai que l'hospitalisation à domicile n'est pas bien connue du grand public, faute d'efforts de communication suffisants. Nous essayons de combler cette lacune.

Je précise par ailleurs que notre couverture de l'ensemble du territoire français est récente. Désormais, tous les départements sont dotés d'au moins un établissement d'hospitalisation à domicile. J'avoue m'être autocensurée car je pensais que si l'on parlait beaucoup dans les grands médias de l'hospitalisation à domicile, on risquait de ne pouvoir satisfaire certaines demandes dans des endroits difficiles, faute d'établissement. Mais nous souhaitons aujourd'hui aller davantage de l'avant, notamment en nouant avec les représentants des patients et des familles une démarche plus active de communication. Les usagers participent d'ailleurs à nos commissions.

Les établissements hospitaliers sont beaucoup moins réticents qu'on ne le pense. Leurs dirigeants sont conscients qu'il faut avoir moins recours aujourd'hui à l'hébergement. Mais le fait pour un médecin de ne pas avoir son patient sous la main est une révolution culturelle en termes de confiance. Or faire bouger les lignes en matière de formation des professionnels de santé est difficile.

Nous comptons en notre sein des médecins coordonnateurs, salariés souvent à temps partiel, des infirmières coordonnatrices, des aides soignants et des assistantes sociales et nous faisons appel à des professionnels libéraux tels que les kinésithérapeutes ou les diététiciens quand nous en avons besoin. Mais nous n'avons pas de remède miracle pour attirer les personnels médicaux et nous sommes aussi confrontés à de grandes difficultés de recrutement dans certains territoires.

Il est vrai que notre activité est mal connue, pas enseignée et guère identifiée. Nous comptons également y remédier.

S'agissant des expérimentations PAERPA, nous pouvons y participer, mais nous ne bénéficions pas des dérogations tarifaires et organisationnelles car nous sommes des établissements de santé. Nous sommes cependant éligibles aux fonds d'intervention régionaux (FIR) – même si les crédits ont tendance à être orientés vers les pratiques ambulatoires et les pôles de santé – ainsi qu'aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

Nous prenons en charge plus de 110 000 malades par an, ce qui représente 850 millions d'euros pour le budget de l'assurance maladie, soit plus d'1 % du budget de l'hospitalisation en France. Si nous étions complètement ignorés par les MIGAC jusqu'ici, une récente circulaire budgétaire rappelle aux ARS que nous pouvons aussi en bénéficier. Nous avons largement diffusé l'information et encouragé nos établissements à déposer des dossiers pour être éligibles.

Nous travaillons beaucoup avec les organisations de soins palliatifs et, dans certains cas, nous mutualisons nos personnels, notamment nos médecins coordonnateurs. Un médecin de soins palliatifs a en effet toute vocation à être médecin coordonnateur.

Cela étant, les réseaux sont plus positionnés en formation, en appui, en support, alors que nous sommes concentrés sur les interventions, sachant que les soins, les médicaments et l'appui que nous délivrons – sous forme de matériel ou de prestations sociales – sont solvabilisés soit par la tarification à l'activité, soit par les aides que nous activons.

La télémédecine et la télésanté constituent un sujet important. Elles engendreront une révolution de nos pratiques. Nous pourrions dès lors considérer que 35 000 médecins généralistes en France suffisent, sous réserve qu'ils soient mieux répartis.

Mais ces méthodes supposent une adaptation des systèmes d'information, sachant que nous avons imaginé le complexe en omettant d'instituer le plus simple, c'est-à-dire de faire en sorte qu'un ou plusieurs hôpitaux travaillant ensemble, la pratique ambulatoire, les établissements de l'hospitalisation à domicile et les professionnels qui interagissent soient dotés de systèmes capables de communiquer entre eux et de permettre une interopérabilité.

Le dossier médical personnel (DMP) n'a pas encore été très développé. En revanche, le dossier pharmaceutique, qui résulte d'une initiative de la profession, constitue une vraie réussite. Si nous n'y avons pas encore accès, des expérimentations sont lancées avec les EHPAD et certains établissements hospitaliers, sous couvert du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, et nous devrions pouvoir le faire, moyennant le règlement de certains problèmes techniques.

Au-delà de cette première étape, la télémédecine et la télésanté supposent une capacité de consulter à distance et à avoir, non un médecin, mais une infirmière. C'est le cas notamment dans le domaine des plaies ou de pansements complexes, y compris pour des patients en HAD ou à domicile.

Ces moyens pourraient également être utilisés pour certains malades en soins palliatifs. Cela implique la capacité de communiquer via un objet connecté avec le patient et la pompe à morphine, et que l'infirmière coordonnatrice puisse à distance, non seulement avoir accès au dossier, mais également donner son accord sur une injection de produits. Pour des patients habitant dans des régions isolées, cela ne serait pas une vue de l'esprit !

Mais nous avons encore des « trous » en termes de réseau, certaines zones n'ayant pas encore la 3G.

En tout cas, nous encouragerons nos établissements à déposer des dossiers de financement au titre de l'hôpital numérique, ce qui n'est pas simple pour des petites structures comme les nôtres. Nous verrons si ces demandes ont été prises en compte, que cela soit pour le circuit du médicament, pour la télésanté ou les systèmes d'information.

S'agissant de la confidentialité des données, nous avons moins de contraintes que le secteur ambulatoire – notamment sur la communication de celles-ci entre médecins et infirmières –, dans la mesure où nous sommes un établissement de santé et travaillons en équipes de soins. Le problème se pose néanmoins pour nous vis-à-vis des équipes sociales. Or, pour nos professionnels qui ont des réunions régulières de coordination, associant médecins, infirmiers et assistantes sociales, la communication de certains éléments sont indispensables pour que le patient soit bien pris en charge. Des améliorations juridiques sont certainement possibles dans ce domaine, sachant que les associations ont beaucoup évolué pour davantage partager l'information.

Je ne pense pas qu'il faille créer davantage d'établissements d'hospitalisation à domicile. On tend cependant à leur demander de mieux couvrir la totalité de leur territoire. Nous estimons en effet que tous les patients doivent avoir une réponse, ce qui implique de faire appel à des trésors d'imagination en termes d'organisation. C'est la raison pour laquelle nous travaillons étroitement avec les professionnels libéraux, notamment les infirmières libérales, sachant que ce sont nos règles et nos principes de qualité et de sécurité qui s'appliquent.

Les liens avec les maisons et pôles de santé seront nécessairement importants à l'avenir, même si nous avons des territoires plus vastes, de 120 000 à 150 000 habitants au moins. Reste que, même si le patient est adressé par un hôpital, nous ne pouvons le prendre en charge si le médecin traitant n'a pas donné son accord. Je me bats pour que ce principe soit respecté et, chaque fois qu'il est possible, le médecin généraliste est pleinement acteur de la prise en charge thérapeutique de son patient. Cependant, pour des malades exigeant un suivi particulièrement important, le médecin coordonnateur interagit largement avec ce praticien, toujours en accord avec lui. L'un ne se substitue pas à l'autre, même si on rencontre de plus en plus de difficultés à la fois pour des raisons de démographie mais aussi parce que des médecins généralistes refusent d'aller voir des patients en HAD.

Pour de nouvelles prises en charge, nous pouvons constituer un sas, sachant que les professionnels hospitaliers n'ont pas toujours confiance vis-à-vis des professionnels libéraux, les établissements hospitaliers étant de plus en plus contraints par divers indicateurs et la certification. Mais nous avons des modes de prise en charge qui pourront demain être assumés à notre place par des professionnels de l'ambulatoire organisés.

Quant à la dialyse à domicile, elle ne fait pas partie de nos pratiques. Mais cette question m'est de plus en plus souvent posée, au motif que les dispositifs de dialyse à domicile sont insuffisamment développés. Il faudra que nous nous penchions sur ce chantier.

Sur nos 300 établissements, les établissements publics représentent plus de 40 %, les établissements associatifs la même proportion, les établissements privés et commerciaux correspondant aux 20 % restant. Mais nous avons pour tous les mêmes autorisations, réglementations et financements.

Un objectif nous a été donné en termes de recours à l'hospitalisation à domicile il y a quelques mois par voie de circulaire : alors que nous avons actuellement 13 500 patients pris en charge, ce nombre devrait passer à 30 000 en 2018. Or, en 2005, on avait déjà dit qu'en 2010, il devrait y en avoir 15 000 ! Nous avons donc un peu de mal à atteindre ce type d'objectif.

Cela dit, nous avons davantage d'outils aujourd'hui, comme les ARS ou le fait que, dans les contrats d'objectifs et de moyens des établissements hospitaliers, soit prévu un indicateur de suivi du taux de recours à l'hospitalisation à domicile. Cela veut dire que les établissements qui veulent s'en dispenser ne pourront pas le cacher.

Nous avons aussi des objectifs tendant à diversifier nos modalités de prise en charge : si nous pouvons augmenter le nombre de nos malades en fin de vie, nous pouvons faire également davantage pour d'autres pathologies.

Les relations avec les centres hospitaliers et l'hospitalisation de jour soulèvent en effet des conflits d'intérêts. Quand j'évoque la chimiothérapie à domicile, certains interlocuteurs me disent en effet que l'hospitalisation de jour leur rapporte de l'argent.

Si, pour la chirurgie courte, la fin des bornes basses devrait concourir à recourir davantage à l'hospitalisation à domicile, il va bien falloir à un moment ou un autre revoir le mode de financement pour ne pas être en conflit d'intérêts avec des personnes souhaitant travailler avec nous.

C'est le problème des urgences, les directeurs d'établissement ne souhaitant pas réduire le recours à celles-ci dans la mesure où elles leur permettent d'équilibrer leur budget. Or il est difficile de faire bouger les lignes dans ce domaine.

Monsieur Costes, si nous sommes plutôt une voie en devenir, nous demeurons assez faibles. En effet, 30 % des médecins que nous avons interrogés ne savaient pas qu'ils pouvaient prescrire l'hospitalisation à domicile. Nous devons donc faire preuve de beaucoup plus de pédagogie en la matière.

Par ailleurs, quand j'ai pris la présidence de notre fédération, vingt départements n'avaient aucun établissement d'hospitalisation à domicile, ce qui, encore une fois, n'est plus le cas aujourd'hui. Notre présence dans tous les départements doit concourir à mieux faire connaître notre offre de soins.

Enfin, nous n'avons pas été excellents en communication, d'autant que cette offre est compliquée. Nous travaillons d'ailleurs avec la Haute autorité de santé sur le périmètre de l'hospitalisation à domicile, de manière à ce qu'il soit plus lisible par nos interlocuteurs.

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