Intervention de Sébastien Denaja

Réunion du 7 novembre 2012 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Le fait même que nous discutions de cette proposition de loi témoigne de l'osmose entre la majorité nouvelle de l'Assemblée nationale et celle du Sénat. Notre majorité semble d'ailleurs gagner du terrain au sein de cette Commission, tout au moins sur ce texte !

Il faut abroger le conseiller territorial pour plusieurs raisons. D'abord pour respecter le vote des citoyens, puisque cette mesure faisait partie des engagements du président de la République. Ensuite parce que la réforme faisait reculer la démocratie en méprisant le pluralisme, en annihilant au niveau régional et départemental tous les efforts consentis depuis des années en matière de parité – comme tous ici le reconnaissent –, et en défendant une conception bien paradoxale de la démocratie locale et de la logique décentralisatrice elle-même : alors que la décentralisation consiste à rapprocher le lieu de décision des citoyens, on prétendait développer la démocratie en réduisant le nombre d'élus ! S'y ajoutait l'archaïsme d'une institutionnalisation du cumul des mandats au moment même où nos concitoyens attendent des élus, notamment des parlementaires, qu'ils y renoncent – ce que nous ferons. La loi, a dit M. Poisson, avait le mérite d'ouvrir le débat. Mais la loi n'est-elle pas plutôt censée y mettre un terme, pour un certain temps au moins.

Le texte traduisait aussi une conception particulièrement hasardeuse de l'architecture institutionnelle locale. M. Morel-A-L'Huissier a opportunément rappelé l'article de Géraldine Chavrier dans l'Actualité juridique – Droit administratif, qui confortait d'ailleurs l'article de Gérard Marcou dans la Revue française de droit administratif, sur la tutelle de fait qu'instituait la réforme.

La logique de celle-ci, enfin, était indécelable et ses résultats très aléatoires. Certains signalaient le risque de « cantonalisation » de l'intérêt régional sous l'effet du mode de scrutin quand d'autres évoquaient l'absorption des départements par les régions. Nous ne saurons jamais ce qu'il en serait résulté – et tant mieux !

La loi n'est pas faite pour lancer des processus incrémentaux, aléatoires et hasardeux, mais pour fixer des cadres. On se demandait qui de la région ou du département serait le prédateur de l'autre. Le législateur doit toutefois demeurer modeste : nous ne légiférons sans doute pas pour l'éternité.

Cette réforme allait à l'encontre de la lisibilité et de toute volonté de clarification des compétences : comment les répartir de manière rationnelle, dès lors qu'on ignore si tel ou tel échelon sera maintenu ou supprimé à l'avenir ?

Elle était, en outre, particulièrement coûteuse. On mettait en avant la suppression d'un certain nombre d'élus, mais il allait falloir acheter, louer ou construire de nouveaux bâtiments pour installer des hémicycles locaux de la taille du Sénat – pour plus de 300 conseillers territoriaux en Île-de-France, par exemple – et l'indemnité du conseiller territorial allait être revalorisée de 20 % par rapport à celle d'un conseiller régional.

Son abrogation permet de poser des bases claires pour les débats à venir.

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