Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 5 juin 2014 à 15h00
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Article 6

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Sur ce point, il y a une double cohérence : celle de l’opposition et la nôtre. Nous, nous ne croyons pas, et nous l’assumons, à une justice automatique, mécanique, à l’aveugle. C’est dans cette logique que nous sommes, parce que nous croyons que l’efficacité est liée au fait que les juridictions prononcent des décisions en toute connaissance de cause. C’est totalement éclairées qu’elles peuvent prononcer la peine la plus adaptée pour que celle-ci soit le plus efficace et éviter la récidive.

Je vous rappelle, puisque vous faites comme si vous l’ignoriez, que les peines sont prononcées pour une certaine durée qui, un jour, arrive à échéance. Les personnes qui ont été condamnées reviennent dans le corps social. Ce n’est pas une volonté, ce n’est pas une lubie, ce n’est pas une espérance, ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité de droit : la peine est prononcée pour une durée.Les personnes vont donc revenir dans le corps social.

Jusqu’à maintenant, avec les sorties sèches, c’est-à-dire la non-préparation de la sortie, il n’y avait pas de contraintes, pas d’encadrement, pas d’accompagnement. Nous savons que ce sont des facteurs qui aggravent la récidive. Ces personnes reviennent de toute façon dans le corps social, et quand elles reviennent dans le corps social, elles sont potentiellement plus dangereuses que si elles ont été prises en charge, accompagnées, encadrées, contraintes.

Avec le mécanisme de révocation automatique du sursis, les magistrats eux-mêmes nous disent qu’ils ont souvent découvert après coup que des sursis avaient été révoqués. Nous ne croyons ni à la justice mécanique et automatique, ni à la justice à l’aveugle. Il faut que le magistrat sache qu’il y a un sursis. Il peut le révoquer, ce n’est pas interdit. Nous supprimons seulement le caractère automatique de la révocation.

D’ailleurs, le sursis avec mise à l’épreuve – une disposition plus lourde que le sursis simple, convenez-en – n’est pas révoqué automatiquement. Si vous êtes logiques et cohérents, vous devez convenir qu’il vaut mieux que la juridiction connaisse l’existence de ces sursis simples et qu’elle décide éventuellement, si elle l’estime justifié, de les révoquer puisqu’elle peut le faire. Ce que nous supprimons, c’est tout simplement l’automatisme de la révocation.

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