Intervention de François Loncle

Réunion du 27 mai 2014 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Loncle, rapporteur :

Nous étions sur place lorsque les très graves événements de Kidal se sont produits. Nous avons maintenu notre déplacement car la gravité des faits justifiait qu'il y ait un regard parlementaire sur cette crise. Notre programme a d'ailleurs été respecté totalement et même renforcé d'entretiens qui n'avaient pas été prévus initialement. Grâce à l'armée française, nous sommes allés à Gao, où la situation, comme à Tombouctou, est relativement calme, s'améliore depuis un an, et n'a rien à voir avec Kidal.

Quelques mots en premier lieu sur les événements de Kidal. Après être allé à Tombouctou, le Premier ministre, Moussa Mara, s'est rendu à Kidal le 17 mai, pour une réunion au gouvernorat puis il a rejoint le camp de la MINUSMA afin de quitter la ville en hélicoptère. Une fois le cortège parti du gouvernorat, ce dernier est tombé entre les mains de groupes armés. De violents combats ont eu lieu, une trentaine d'otages ont été pris, six préfets et sous-préfets ont été exécutés ; il y a eu 35 morts en tout. La MINUSMA a obtenu un cessez-le-feu et la libération des otages, mais cela a été un fiasco total pour les forces maliennes et le Mali, compte tenu de la volonté des autorités de remettre les choses en ordre dans cette zone. Je fais un aparté pour souligner que nous avons libéré trois régions où il y avait des terroristes. Kidal est resté aux mains du MNLA, mouvance armée qui lutte pour l'indépendance de l'Azawad. Faire de Kidal un cas particulier lorsque nous y avions des otages était compréhensible, c'était aussi utile pour les contacts que nous pouvions y avoir. Dès lors que cette question est réglée, il n'est plus compréhensible que l'on considère que Kidal doive rester toujours sous la coupe de cette mouvance et que la France et les Nations Unies s'abstiennent d'y mettre bon ordre. Le pouvoir malien nous reproche aujourd'hui notre inertie.

Le deuxième événement grave est intervenu mardi lorsque le pouvoir malien a essayé de laver cet affront en envoyant les forces armées, 1500 hommes. Cela a été fait dans l'improvisation la plus totale, les combats ont été engagés sans doute imprudemment. Cela s'est traduit par une débandade et les militaires se sont repliés sur Tombouctou et Gao. Le pouvoir dit que le feu vert du gouvernement n'avait pas été donné, mais on ne sait pas ce qu'il en est, et l'ONU a été critiquée, la France un peu aussi, pour n'avoir pas été suffisamment en appui. Tout cela est très mal vécu par tout le monde, car on a l'impression d'avoir reculé de quelques mois par rapport à tout le travail de la sécurisation de la région. La MINUSMA et les FAMA se renvoient la balle.

On assiste aussi à une résurgence de sentiments anti-français à cause de cet échec, de la part des jeunes, et même du pouvoir ; il y a des manipulations sur cette question et c'est un comble, lorsqu'on sait l'implication de notre pays au Mali ! Pierre Lellouche reviendra sur les dysfonctionnements divers, en posant la question de savoir si ce qui s'est passé n'est finalement pas un mal pour un bien.

S'agissant de Serval, les militaires ne sont plus que 1600, après avoir été 4000. Ils sont pour la plupart à Gao et vont être redéployés dans une configuration à venir sur la Bande Saharo-sahélienne, la BSS, comme Jean-Yves Le Drian l'a annoncé. C'est un nouveau dispositif qui concernera plusieurs pays, avec des pôles à N'Djamena et à Ouagadougou et non le seul Nord-Mali. Mille soldats seront à Gao.

Le gros d'AQMI a été éliminé, il y a eu quelque 1000 tués ; je rappelle qu'en 2012, on estimait qu'AQMI comptait environ 300 terroristes. Il y a eu dispersion des mouvances terroristes, afflux de ceux de Libye, qui ont profité du chaos pour essaimer dans le Nord Mali, dont Kidal, à 24 heures de la Libye.

S'agissant de l'armée, à titre personnel, compte tenu de ce que nous avons vu sur place, j'approuve totalement la lettre de Jean-Yves Le Drian sur le budget militaire : il faut respecter ce qu'il demande ou dire clairement que l'on n'est plus en mesure de faire d'OPEX.

Pour le reste, la question politique est extrêmement délicate : la gouvernance reste problématique, je renvoie à la question de l'achat du Boeing présidentiel, pointé par le FMI, à celle de la démission du Premier ministre Ly, qui avait une image d'intégrité. Cela fait des dégâts dans l'atmosphère de la politique intérieure malienne. Le nouveau Premier ministre en est conscient. Il faut mener à bien la lutte contre la corruption, procéder à la décentralisation, mener à bien la réconciliation qui devait intervenir selon les accords de Ouagadougou dans les 60 jours après l'élection présidentielle, mais qui n'a été qu'à peine entamée. Un haut représentant vient d'être nommé, qui s'est engagé à publier une feuille de route d'ici à dix jours pour lancer le processus et à engager avec les groupes armés, les populations du Nord, les Touaregs, un processus de négociation pour le développement. Mais il y a un retard considérable.

Le jugement global est que la France continue d'agir au mieux, elle a sauvé le pays. La communauté internationale s'est engagée, il faut que les responsables maliens soient attentifs aux attentes françaises et internationales qui sont des plus légitimes, compte tenu des moyens engagés, de nos morts aussi. Il n'est pas acceptable qu'il y ait ces manifestations contre notre pays, et que les retards soient aussi nombreux pour la réconciliation, comme pour le lancement des actions de développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion