Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 27 mai 2014 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Les incidents qui se sont déroulés à Kidal sont en réalité le reflet des problèmes auxquels l'Afrique centrale est confrontée depuis 60 ans et plaident pour une solution rapide de sortie de crise.

Cette zone échappe totalement au contrôle de l'armée malienne. Quant à l'armée française, elle s'est arrêtée aux portes de la ville, qui se trouve donc entièrement aux mains du MNLA. L'accord signé le 18 juin à Ouagadougou prévoyait certes le cantonnement des combattants du nord du pays et un redéploiement des forces de sécurité du Mali dans la zone, le tout sous l'encadrement de la MINUSMA et de la force française Serval. Mais la zone ne sera pas sous contrôle en l'absence d'un véritable accord avec le MNLA, qui seul pourra pacifier le pays.

La situation sécuritaire s'est améliorée depuis un an. Le pays reprend confiance et le Gouvernement ne veut qu'une chose, c'est « remonter le drapeau ». Mais cela suppose une réconciliation du Nord et du Sud et je ne suis pas certain que l'opinion malienne y soit favorable.

Nous avons entendu des versions contradictoires sur le déroulement de la visite du Premier ministre à Kidal et les raisons de son échec. Le Chef d'État-major de l'armée malienne a accablé les militaires français. Dans les faits, la force Serval est intervenue, à la demande des autorités maliennes, pour fournir une escorte armée à l'hélicoptère de la MINUSMA transportant le Premier ministre malien et sa délégation. Le 18 mai dans la matinée, la force a de nouveau escorté l'hélicoptère transportant la délégation officielle malienne sur son trajet retour vers Gao.

L'armée malienne, incapable d'une opération intégrée, a ensuite été envoyée à Kidal sans préparation, conduisant au désastre que l'on sait. L'échec de cette opération a signé le divorce patent des deux armées et renforcé le sentiment anti-français. La France est désormais considérée par une partie de la population comme complice des terroristes.

L'opération Serval doit théoriquement toucher à sa fin et les 1 600 hommes qui sont sur le terrain devraient désormais être affectés à la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT). Mais la bascule du PC de Serval vers N'Djamena, qui était planifiée fin mai, a été reportée. La France risque donc de s'engluer dans ce conflit et d'être instrumentalisée à des fins politiques. Il nous faut à tout prix éviter qu'Ibrahim Boubacar Keïta nous utilise dans la lutte qui l'oppose aux Touaregs.

Que faire pour cela ? D'abord et avant tout, ne pas rester « mariés » avec la politique intérieure malienne, ce qui passe par le transfert de la responsabilité de ce dossier à l'ONU, qui d'ailleurs dispose des moyens financiers dont nous manquons. Ensuite, travailler à un plan de sortie de crise, surtout si nous voulons prendre part aux travaux du Département de la sûreté et de la sécurité (DSS) de la MINUSMA.

J'aimerais rapidement évoquer l'état préoccupant de nos forces armées. Notre matériel est ancien – à titre d'exemple, je rappelle que nos VAB ont 50 ans d'âge, et se dégrade vite. Ce n'est pas en réduisant les crédits du budget de la défense que nous pourrons les renforcer. Les VBCI n'ont toujours pas été livrés. Quant aux 500 millions d'euros de surcoût liés aux crises malienne et centrafricaine, ils ne sont pour l'heure pas budgétés.

Pour terminer, il semble que les Maliens aient décidé de sous-traiter leur sécurité à la France. Il me semble donc nécessaire de recadrer notre stratégie au Mali, sans quoi nous allons nous perdre dans un conflit qui risque de durer des années. Au passage, je souligne l'absence totale d'effets induits de l'intervention française sur la signature de contrats, que ce soit dans le domaine de l'énergie ou de l'eau. Faut-il rappeler à titre d'exemple que la fourniture de nourriture de la MINUSMA est assurée par une entreprise suisse ?

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