Intervention de Michel Ménard

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Ménard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits proposés pour l'enseignement scolaire ayant été présentés de manière détaillée par ma collègue Carole Delga, je ne rappellerai que les lignes de force du budget 2013, avant d'évoquer le thème d'investigation de mon rapport.

À structure constante, les crédits inscrits au titre de la mission budgétaire « Enseignement scolaire » la première de l'État en volume, augmentent, en volume toujours, de 2,89 % pour atteindre 64 milliards d'euros.

Entre 2007 et 2012, les taux d'encadrement des élèves se sont détériorés suite à la suppression de plus de 70 000 postes dans l'éducation nationale. Selon un rapport de l'OCDE, la France a désormais le taux d'encadrement le plus bas des trente-quatre pays membres pour ce qui est de l'école primaire.

La politique de ces dernières années a été particulièrement préjudiciable dans les zones les plus en difficulté. Le schéma d'emplois proposé pour 2013 traduit bien la priorité éducative réaffirmée par le Président de la République à l'occasion de la clôture de la concertation sur la refondation de l'école. Il marque l'arrêt des suppressions d'emplois au ministère de l'éducation nationale.

Avec l'ouverture de 22 100 postes aux concours externes de recrutement, il met en oeuvre le remplacement de tous les départs à la retraite et permet la création de 8 700 nouveaux emplois. Outre qu'il renforcera l'encadrement des élèves, le schéma d'emplois proposé permettra de mieux accompagner l'entrée dans le métier d'enseignant. En effet, à la suite de l'organisation d'un deuxième concours en 2013, ce sont 11 476 équivalents temps plein de stagiaires qui seront créés à la prochaine rentrée en vue de rétablir l'année de formation professionnelle initiale supprimée par le précédent gouvernement. Les effets délétères de cette décision sont bien connus. Ainsi, ce seront 21 350 postes qui seront ouverts au concours pour les étudiants en première année de master.

Je tiens également à souligner que 6 000 emplois d'avenir professeur permettront à des étudiants boursiers de troisième année de licence et de première année de master d'obtenir une aide financière. Ainsi, ils pourront continuer leurs études supérieures tout en se destinant aux métiers du professorat.

L'enseignement agricole n'est pas oublié dans ce schéma d'emplois puisque, comme l'a rappelé Carole Delga, il bénéficie de la création de 200 postes d'enseignants.

Par ailleurs, le projet de budget intègre l'extension, en année pleine, des mesures d'urgence mises en place à la rentrée 2012, en particulier la création de 1 500 emplois d'AVS-i, les auxiliaires de vie scolaire individuels des élèves handicapés. Au total, grâce au collectif budgétaire et au budget proposé pour 2013, le nombre de ces AVS-i augmentera de 20 % entre juin 2012 et septembre 2013.

J'aborde ainsi le thème spécifique de mon avis budgétaire, à savoir la scolarisation des enfants handicapés dans le primaire. J'ai en effet souhaité examiner les conditions de mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 sur le handicap dans le premier degré, car c'est à ce niveau que l'intégration de ces enfants est devenue une réalité. Je ne ferai pas un bilan quantitatif de cette avancée, mon rapport y consacrant de nombreux développements, j'évoquerai plutôt les scories qui affectent la qualité du processus de scolarisation des enfants handicapés dans le degré d'enseignement supposé être le plus performant.

Ces scories sont, hélas !, légion, à commencer par le traitement des demandes adressées aux MDPH qui, faute de critères clairs d'évaluation, traitent de manière inégale des situations équivalentes. Ainsi, chaque commission des droits et de l'autonomie ayant sa jurisprudence, dans certains départements moins de 20 % des élèves handicapés bénéficient d'un accompagnement alors que dans d'autres ce taux dépasse 40 %. En outre, les MDPH peuvent rendre leurs décisions soit au moment de la rentrée scolaire, ce qui fait que l'enfant n'est pas toujours accompagné début septembre, soit très tardivement. On m'a cité des cas de décisions notifiées au bout de six mois, voire un an, ce qui est évidemment insupportable pour les parents. D'autres MDPH peuvent statuer sur des centaines de cas, voire plus de 1 000, en une même séance. C'est dire les attentes suscitées par le GEVA-Sco, le guide d'aide à la décision pour les MDPH sur les parcours de scolarisation des enfants présentant un handicap, conçu par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la direction générale de l'éducation scolaire, qui sera opérationnel à la prochaine rentrée. Cet instrument est d'autant plus attendu qu'on estime que seules 20 % des MDPH seraient en mesure de rédiger, via leurs équipes pluridisciplinaires, le projet personnel de scolarisation, qui doit encadrer le parcours de formation de l'enfant.

Quant à l'accompagnement humain de ces élèves, j'ai pu constater à quel point il pouvait être affecté par deux facteurs. Le premier est le manque de formation et le nombre insuffisant d'enseignants spécialisés. Les connaissances de base font souvent défaut, ce qui peut conduire à des situations à peine croyables, comme le cas de cette enseignante accueillant dans sa classe un enfant présentant des troubles envahissants du développement, et qui a reçu pour seule consigne de le ceinturer lorsqu'il connaissait une crise. Quant au manque d'enseignants spécialisés, il me suffira de dire que, dans certains départements, plus de la moitié des classes pour l'inclusion scolaire sont confiées à des non-spécialistes.

Le deuxième facteur tient aux problèmes de qualité et de continuité que pose l'accompagnement assuré par les EVS et les AVS. En tant qu'élus, nous sommes tous confrontés à ce problème. Or, pour les MDPH, l'attribution d'auxiliaires de vie scolaire individuels est une sorte de fuite en avant : le nombre d'élèves handicapés ainsi accompagnés a augmenté de 168,2 % entre 2006 et 2011, alors que cette solution n'est pas toujours la plus adaptée pour améliorer l'autonomie de l'élève, même si, bien entendu, elle rassure aussi bien les familles que l'école.

Il est vrai aussi que les AVS et les EVS, surtout ceux recrutés sur contrat aidé, sont une variable d'ajustement commode. Dans le même temps, ces dispositifs ont clairement atteint leurs limites humaines, financières et juridiques. Sur ce dernier point, j'appelle votre attention sur le fait que d'anciens AVS ont déposé de multiples recours, qui aboutissent tous à des condamnations, contre les établissements qui les ont recrutés et n'ont pas respecté les obligations de formation fixées par la loi. Aussi, en septembre dernier, l'Éducation nationale devait-elle payer 2,5 millions d'euros en contentieux et ce n'est pas terminé !

Alors, que faire ? Je n'évoquerai que quelques-unes des vingt propositions formulées dans le rapport.

D'abord, il faut impérativement fixer un cadre d'emploi à ces accompagnants, au plus tard l'année prochaine, en créant soit deux métiers – les auxiliaires de vie devant être distingués des assistants pédagogiques –, soit un seul métier, l'essentiel étant de favoriser des recrutements pérennes par des employeurs associatifs ou publics. J'évoque dans mon rapport plusieurs scénarios, sans conclure, car aucun d'entre eux ne bénéficie, pour l'heure, d'un réel consensus.

Ensuite, un socle de formation dans le domaine des besoins éducatifs particuliers devrait être assuré à tout futur professeur. Les personnels chargés de la cantine et des activités périscolaires devraient également acquérir quelques connaissances de base, avec l'appui des associations.

En outre, les CLIS devraient être davantage spécialisées, afin d'éviter le phénomène des classes fourre-tout : les classes destinées aux élèves « DYS » qui présentent des troubles des fonctions cognitives accueillent parfois, aujourd'hui, des handicapés moteurs.

Enfin, la rédaction des projets personnalisés de scolarisation devrait être déléguée à l'Éducation nationale, tout en préservant le pouvoir d'approbation des MDPH, et des moyens devraient être dégagés pour harmoniser le rythme de fonctionnement de ces deux acteurs, afin que, début septembre, chaque enfant puisse être accueilli dans de bonnes conditions.

Sur ce sujet, comme sur celui des rythmes scolaires, vous avez appelé, monsieur le ministre, à des efforts partagés et à beaucoup de courage. J'espère que tous, élus locaux et nationaux, organismes publics et associations, nous saurons entendre cette invitation.

La commission des affaires culturelles et de l'Éducation a donné un avis très favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

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