Intervention de Christian Eckert

Réunion du 3 juin 2014 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

La présentation du projet de loi de règlement pour 2013 ouvre une période de plusieurs semaines au cours de laquelle nous aurons le plaisir d'échanger et de débattre à de multiples occasions sur les questions budgétaires.

Le projet de loi de finances rectificative sera déposé par le Gouvernement le 11 juin prochain : il actualisera les prévisions de recettes et de dépenses de l'État pour 2014 ainsi que la prévision de déficit public fixée par l'article liminaire. Ensuite, le débat d'orientation des finances publiques sera l'occasion d'un nouvel échange sur les perspectives budgétaires pour les années à venir.

Avant ces échéances, et conformément au principe de chaînage vertueux mis en place par les concepteurs de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF –, nous nous intéressons aujourd'hui à l'évolution budgétaire constatée en 2013 et plus généralement aux comptes 2013 de l'État.

Je vous livre quelques résultats sur lesquels je ne doute pas que nous pourrons nous accorder. Les efforts consentis par nos concitoyens payent : le déficit public est passé de 4,9 % du PIB en 2012 à 4,3 % en 2013 ; le déficit de l'État a baissé de 87,1 milliards d'euros en 2012 à 74,9 milliards d'euros en 2013, soit une diminution de 12,2 milliards d'euros. Cette amélioration du déficit intervient alors que la croissance est faible, limitée à 0,3 %. En conséquence, la diminution du déficit structurel est nettement plus marquée, elle atteint 1,1 % du PIB. Fin 2013, le déficit structurel a été ramené à 3,1 % du PIB, soit quasiment le plus bas niveau, avec l'année 2006, depuis 2002. En d'autres termes, au 31 décembre 2013, les déséquilibres budgétaires accumulés pendant une décennie ont été corrigés.

S'agissant de la dépense, quelques chiffres d'exécution permettent de démontrer que celle-ci est parfaitement tenue, grâce à un effort très important. La croissance de la dépense publique en valeur a été limitée à 2 %, soit le plus bas niveau depuis 1998.

Les dépenses nettes du budget général de l'État sur le périmètre dit « zéro valeur », c'est-à-dire y compris prélèvements sur recettes et hors charge de la dette et pensions, ont été inférieures de 144 millions d'euros au montant fixé par l'autorisation parlementaire ; si l'on y ajoute la charge de la dette et les pensions, la sous-exécution est de 3,5 milliards d'euros sur le périmètre dit « zéro volume ».

Je souhaite répondre par anticipation à deux objections.

La maîtrise de la dépense est confirmée, y compris en incluant les dépenses exceptionnelles : sur ce périmètre élargi, qui couvre donc toutes les charges du budget général – dépenses nettes et prélèvements sur recettes –, la dépense n'augmente que de 2,2 milliards d'euros en 2013. Cette augmentation est intégralement due à la forte croissance, de 3,4 milliards d'euros, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, dont 1,8 milliard d'euros résultent de l'apurement de dettes accumulées sur le budget communautaire depuis 2007. Sans cette forte hausse du prélèvement sur recettes, les dépenses de l'État auraient diminué en 2013 par rapport à 2012.

Seconde objection que j'anticipe : les résultats satisfaisants en matière de maîtrise de la dépense seraient dus à la modération des taux d'intérêt auxquels l'État emprunte. C'est incontestable, les taux d'intérêt sont demeurés à un niveau particulièrement bas en 2013 : la charge de la dette en témoigne, puisqu'elle a été inférieure de 2 milliards d'euros à la prévision. Toutefois, cette évolution des taux n'est pas un facteur exogène, elle ne tombe pas du ciel ; elle est le signe de la confiance des créanciers de l'État dans sa signature et donc dans la politique économique et budgétaire menée par le Gouvernement et la majorité depuis 2012. Enfin, sur le périmètre des dépenses « zéro valeur », la dépense est également tenue en deçà de l'autorisation parlementaire.

Tous ces éléments d'exécution confirment que la dépense publique en général et la dépense de l'État en particulier ont été maîtrisées en 2013. La Cour des comptes ne dit pas autre chose dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire.

S'agissant des recettes de l'État, j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de l'audition, la semaine dernière, de M. Didier Migaud au cours de laquelle cette question a été au coeur des débats.

Premier constat : les recettes fiscales nettes de l'État ont augmenté de 15,6 milliards d'euros en 2013 par rapport à 2012. Cette hausse est due aux mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2012, puis de la loi de finances pour 2013. Ces mesures n'étaient pas seulement justifiées par des considérations budgétaires mais aussi par la volonté du Gouvernement et de la majorité de rétablir la progressivité du système fiscal, qui avait été fortement entamée pendant dix ans.

Je veux rappeler quelques-unes de ces mesures : d'une part, celles relatives à l'impôt sur la fortune – ISF – ainsi qu'aux droits de succession et de donation, l'instauration de la tranche d'impôt sur le revenu à 45 %, l'imposition des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu ; d'autre part, la limitation des reports de déficit et de la déductibilité des charges financières dont bénéficient les grandes entreprises.

Chacun peut en convenir, l'amélioration de la situation des finances publiques n'est pas aussi nette que ce que nous escomptions. Mais cet écart est dû d'abord et surtout à la différence entre la prévision et l'exécution des recettes fiscales, dont la première raison est une croissance moins forte qu'anticipé. Je rappelle quelques faits : la prévision de recettes fiscales nettes de la loi de finances pour 2013 était de 298,6 milliards d'euros ; cette prévision a été revue à 290,4 milliards d'euros, en avril, à l'occasion du programme de stabilité, puis à 287,8 milliards lors du dépôt du projet de loi de finances – PLF – 2014. Elle est demeurée quasiment inchangée en loi de finances rectificative – LFR – de fin d'année, à 287,5 milliards d'euros.

In fine, l'exécution ressort à 284 milliards d'euros, soit un écart de 14,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale – LFI –, et de 3,7 milliards par rapport à la dernière prévision de loi de finances.

Les écarts entre prévision et exécution ne sont pas contestables. Ils ne sont toutefois pas sans précédent. En 2008, l'écart entre la prévision de recettes fiscales nettes de la LFI et l'exécution a été de 11,8 milliards d'euros ; en 2009, il a atteint 45,2 milliards d'euros, soit trois fois plus que pour 2013. Pour quelle raison de tels écarts ont-ils été constatés en 2008 et 2009, puis en 2013 ? Pour une seule et même raison : le retournement de la conjoncture économique. En 2007, la croissance du PIB a atteint 2,4 %, puis le cycle s'est retourné : la croissance a ralenti à 0,2 % en 2008 pour devenir négative en 2009. En 2011, elle s'est élevée à 2,1 %, puis a chuté à 0,3 % en 2012, pour stagner au même niveau en 2013.

L'explication de l'écart constaté en 2013 est donc la même que pour les écarts observés en 2008 et 2009 : le retournement de la conjoncture économique. Le référé de la Cour des comptes sur les prévisions de recettes fiscales publié en mars dernier le confirme : les écarts, à la baisse ou à la hausse, entre prévision et exécution de recettes correspondent à des périodes de ralentissement ou d'accélération de la croissance.

La Cour des comptes a elle-même sous-estimé les moins-values de recettes dans ses prévisions. Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2013, elle estimait que, sur la base d'une croissance du PIB de 0,1 %, les risques de moins-values de recettes fiscales par rapport à la prévision du programme de stabilité étaient compris entre 0 et 4 milliards d'euros. La croissance a finalement atteint 0,3 % et, en dépit de cette activité plus soutenue, la moins-value constatée par rapport à la prévision du programme de stabilité a atteint 6 milliards d'euros, soit moitié plus que la prévision la plus pessimiste de la Cour.

Pour conclure sur cette question, je souhaite contester formellement les doutes sur la sincérité de la prévision. La sincérité ne s'apprécie pas au regard de l'écart entre la prévision et l'exécution, sans quoi le budget 2009 serait sans doute le plus insincère de l'histoire. Elle est une notion juridique précisément définie : l'article 32 de la LOLF dispose que la sincérité s'apprécie « compte tenu des informations disponibles ». La prévision de la LFI a été fixée compte tenu des informations disponibles à l'automne 2012, puis actualisée tout au long de l'année pour prendre en compte les informations nouvelles : d'abord lors du programme de stabilité, pour intégrer l'effet base découlant de l'exécution 2012 moins bonne que prévu ; ensuite à l'occasion du dépôt du PLF 2014, pour prendre en compte les résultats de l'acompte de juin d'impôt sur les sociétés et les premières émissions d'impôt sur le revenu ; enfin, en LFR de fin d'année, pour intégrer les informations obtenues par les premières régularisations d'impôt sur le revenu. J'ajoute que le Conseil constitutionnel, saisi du grief d'insincérité par les sénateurs de l'opposition, l'a rejeté.

Enfin, sur les comptes de l'État pour l'année 2013, le travail d'amélioration de la qualité de nos comptes, engagé depuis la mise en oeuvre de la LOLF, s'est poursuivi avec la certification des comptes de l'État. Cinq réserves ont été émises cette année, soit deux de moins que l'année précédente, la réserve sur l'évaluation du patrimoine immobilier de l'État et celle sur les passifs non financiers ayant été levées. Nous sommes désormais parvenus, grâce à un gros effort de l'ensemble des administrations concernées, à un suivi fiable des engagements hors bilan de l'État, sujet auquel votre Commission s'est déjà intéressée. Cet apport majeur de la comptabilité patrimoniale de l'État nous permettra de piloter efficacement nos engagements dans les années à venir. Je rappelle que la France est le seul État de la zone euro dont les comptes sont certifiés, ce qui est un gage de crédibilité supplémentaire pour les investisseurs internationaux.

L'assainissement des finances publiques s'est poursuivi en 2013 : le déficit public a continué à se réduire, le déficit structurel a retrouvé son plus bas niveau en une décennie, la dépense a été strictement maîtrisée. Pourtant, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique et de son impact sur les recettes publiques et sur leur élasticité, le déficit structurel a été, en 2013, supérieur de 0,5 % à la prévision de la loi de programmation des finances publiques, conduisant au déclenchement de la procédure de correction des écarts.

La loi organique de 2012 impose au Gouvernement de tenir compte de cet écart dans le projet de loi de finances pour 2015. Toutefois, dès les textes financiers rectificatifs qui seront prochainement déposés, le Gouvernement proposera à la représentation nationale un ensemble de mesures conduisant à la réalisation de 4 milliards d'euros d'économies dès 2014 pour entamer la résorption de l'écart constaté en 2013. Cet effort, qui porte sur l'ensemble des administrations publiques, sera complété dans les textes financiers pour 2015 qui, selon la trajectoire du programme de stabilité, devront prévoir 21 des 50 milliards d'euros d'économies annoncées par le Gouvernement.

J'anticipe toutefois sur les discussions que nous aurons dans les semaines et les mois à venir.

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