Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, chers collègues, l'Éducation nationale a beaucoup souffert lors du précédent quinquennat. Les coupes budgétaires systématiques ont eu des conséquences graves sur les personnels mais aussi – c'est l'essentiel – sur nos enfants et nos jeunes. Pour toute personne consciente de l'enjeu que représente une scolarisation réussie pour l'avenir des jeunes générations, il était urgent d'agir. Je commence donc par vous remercier, madame et messieurs les ministres, car les orientations que vous présentez témoignent de votre sincère volonté de changement, que nous soutenons.

Au nom des députés écologistes, je salue votre détermination à placer l'éducation au rang des priorités. Ce budget, en augmentation de 2,9 % pour 2013, en témoigne. En cette période de restrictions budgétaires, il s'agit d'un signal fort en faveur d'une nouvelle approche et ce budget servira de socle pour mener à bien les premières réformes de la refonte de l'école.

Je souhaite tout d'abord vous faire part de notre satisfaction en ce qui concerne l'augmentation des moyens consacrés au renforcement de l'encadrement des élèves. Dès la rentrée 2012, ce sont 1 000 emplois de professeurs des écoles qui ont été créés, 100 conseillers principaux d'éducation et 1 500 emplois pour accompagner les élèves en situation de handicap. Derrière ces chiffres, n'oublions pas qu'il y a de vraies attentes et des réalités dans la vie quotidienne.

À Amiens, par exemple, des parents d'élèves et des enseignants de l'école Saint-Leu, que je connais bien, se sont mobilisés tout l'été pour le maintien d'une classe à l'école maternelle. Et grâce à ces ouvertures de postes, nous avons obtenu gain de cause : la classe a été sauvée. Croyez-moi, ce n'est pas rien pour le quotidien des parents et des enfants de ce quartier. Malheureusement, d'autres classes n'ont pu être sauvées : les coupes budgétaires aveugles des gouvernements précédents ont laissé des traces. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – « Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Pour 2013, le budget qui nous est présenté va bien sûr plus loin : c'est l'arrêt total des suppressions d'emploi dans l'Éducation nationale et la création de milliers d'autres. Nous espérons que cette nouvelle gestion des effectifs permettra de mettre en place dès 2013 la pré-scolarisation que vous avez annoncée en septembre, madame la ministre déléguée.

Nous partageons la volonté de légiférer sur cet enjeu. Dans les milieux défavorisés et les zones en difficultés, la scolarisation des moins de trois ans est un très bon moyen pour lutter contre l'échec scolaire. Pour autant, n'oublions pas que la maternelle n'est ni une crèche bis, ni une pré-école élémentaire. Il ne s'agit pas d'en faire le lieu de l'apprentissage de la compétition et de la dictature des notes, il s'agit d'un lieu de socialisation et d'apprentissage du vivre ensemble.

Bien sûr, cette évolution doit s'intégrer dans une refonte globale de l'école, sans oublier le nécessaire développement de l'offre en établissements d'accueil pour les jeunes enfants. Pour leur part, les députés écologistes demandent la mise en place d'un réel service public de la petite enfance.

Il existe une continuité dans le parcours de l'enfant puis de l'élève qui nécessite une vision globale et un travail commun des trois ministères concernés.

Pour en revenir aux créations de postes, je salue la réforme de la mastérisation. Sous le précédent gouvernement, la suppression de la formation professionnelle des futurs enseignants, conjuguée à la suppression de postes, a eu des effets catastrophiques sur l'attrait des métiers de l'enseignement, provoqué l'éviction des étudiants issus des milieux les plus modestes et a nui à la préparation des futurs professeurs. Mettre de nouvelles recrues face à une classe, sans préparation et accompagnement adéquats, a mené à la catastrophe. Et les mettre ainsi en situation d'échec, c'est aussi faire peser sur nos enfants les conséquences de choix politiques dramatiques !

C'est pourquoi nous soutenons la décision d'organiser une véritable formation professionnelle des futurs enseignants, avec une mise en responsabilité progressive, dans le cadre des futures écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Mais, parce que nous souhaitons que le temps de formation soit entièrement dédié à former les étudiants à leur futur métier, nous estimons qu'il est nécessaire de les dégager du bachotage lié à toute préparation de concours. Placer le concours à la fin de la première année de master risque de réduire ce temps de formation à une préparation de concours. C'est pourquoi nous préconisons d'organiser un concours en fin de troisième année de licence, ou au moins en deux temps : une épreuve d'amissibilité en fin de licence et l'épreuve définitive en fin de première année de master.

Bien sûr, pour permettre à des étudiants de se former réellement, la question du pré-recrutement demeure essentielle. Et c'est également un enjeu pour que cette profession soit à nouveau ouverte à celles et ceux qui n'ont pas les moyens d'accomplir des études supérieures.

Vous le savez, les écologistes souhaitent qu'une allocation d'autonomie soit mise en place pour l'ensemble des étudiants. Pour nous, le coup de pouce du Gouvernement aux étudiants boursiers devrait être plus accentué. Ma collègue Isabelle Attard aura l'occasion de développer ce point demain, lors de l'examen du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais déjà, lors des débats sur les emplois d'avenir professeur, nous avions suggéré de soutenir les étudiants socialement défavorisés par un système de bourses conséquent et d'intégrer ces « contrats professeur » au nouveau dispositif de formation professionnelle qui est organisé.

N'oublions pas la formation continue des plus de 600 000 enseignants en exercice. Il convient de former régulièrement, tout au long de la carrière et de la vie, l'ensemble des personnels des établissements et pas seulement les professeurs.

Il pourrait aussi être intéressant de regarder ce qui se fait dans d'autres pays. Je pense par exemple aux sessions de formation commune à l'ensemble des enseignants d'un même établissement, se déroulant sur place. Les projets d'établissements devraient s'intéresser davantage encore à cet aspect-là de la formation.

Bref, la formation continue nécessite d'être revalorisée.

Pour en revenir très précisément au budget qui nous est présenté, permettez-moi quelques mots sur les 53 millions inscrits pour les internats d'excellence. Ces établissements ont été critiqués dès leur création et on peut s'interroger sur l'intérêt de les maintenir, alors qu'ils ne proposent que 4 200 places et que ce sont 120 000 jeunes qui sortent du système scolaire chaque année sans aucun diplôme. Pour les députés écologistes, c'est la lutte contre l'échec scolaire globalement qui doit guider nos choix budgétaires et être au coeur de la refondation de l'école.

Dans ce cadre, la révision des rythmes scolaires doit être un outil au service de la lutte contre l'échec scolaire et de l'intégration de tous à l'école. Il est indispensable d'organiser différemment les journées d'école, de prévoir plus de temps pour le périscolaire, d'imaginer des partenariats avec des associations locales, de construire des projets collectifs, de travailler avec des artistes locaux... L'école doit s'ouvrir sur l'extérieur et sur son environnement. On ne peut plus avoir une vision cloisonnée et fermée de notre école.

D'ailleurs, notre souhait de donner aux parents un véritable rôle va dans ce sens. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous sommes favorables à ce qu'un statut officiel de parent délégué voie le jour.

S'agissant des rythmes scolaires, les initiatives des personnels et des établissements doivent être encouragées. Bien entendu, il ne serait pas admissible que les différences de moyens dont disposent les collectivités territoriales se répercutent sur les activités proposées. C'est pourquoi nous serons vigilants sur la mise en place d'un système de péréquation.

Donner plus de place au périscolaire et revoir les rythmes scolaires doit aussi être l'occasion d'initier des réformes pédagogiques. Aujourd'hui, que constate-on ? Après une heure d'histoire, faire une heure de sport, puis une heure de littérature... Cette succession de séquences disciplinaires sans cohérence est-elle bien raisonnable ? Nous souhaitons au contraire privilégier une approche par projets. Il faut repenser les contenus et les programmes en conséquence. Nous souhaitons encourager le développement de projets pédagogiques innovants transversaux et hors les murs, au profit de la réussite pour tous.

Dans ce cadre, et parce que nous estimons que l'école doit être le lieu de l'apprentissage de l'égalité et du vivre ensemble, nous pensons que la lutte contre les discriminations, l'homophobie et le sexisme doivent trouver leur place dans les programmes.

Un volet spécifique sur la déconstruction des stéréotypes de genre devrait aussi être inclus dans la formation des enseignants.

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