Vous rappelez à juste titre, monsieur le Président, les constats communs que nous dressons face à la radicalisation de certains individus et à leur passage à l'acte. Nous souhaitons tous combattre le terrorisme, dans le respect des libertés et de l'État de droit, et je vous remercie de l'avoir rappelé dès le début de notre débat.
La présence ce matin du ministre de l'Intérieur dans notre Commission exprime en outre toute sa mobilisation dans cette lutte contre le terrorisme, sur laquelle l'actualité nous invite précisément à trouver sereinement un consensus.
Nous disposons déjà d'un arsenal antiterroriste complet et il ne faudrait pas laisser croire aux Français que nous en sommes encore à tâtonner au début de notre réflexion sur ce sujet. Cet arsenal s'est construit au fil des ans : tous les deux ou trois ans, en effet, nous discutons de dispositifs antiterroristes – la dernière fois était en 2012 et nous apprenons qu'un nouveau texte sera bientôt présenté en conseil des ministres.
Les écologistes préfèrent discuter sur le texte gouvernemental plutôt que sur la proposition de loi de M. Larrivé, qui comporte des dispositions problématiques. Il est, à cet égard, intéressant de s'interroger sur la doctrine gouvernementale. La proposition de loi introduit en effet des dispositions qui avaient déjà été rejetées par la majorité dans le débat de 2012, non par dogmatisme, mais parce que nous considérions qu'elles n'étaient pas techniquement réalisables et posaient plusieurs problèmes de respect de l'État de droit et des libertés fondamentales. Je rappelle également que la loi sur la consommation du 17 mars 2014 a abrogé l'article 18 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, qui permettait potentiellement à l'autorité administrative de bloquer des sites internet au nom de divers motifs.
Comme l'a relevé Mme Bechtel, le texte ne règle pas la question de la proportionnalité, ni celle du blocage administratif, que nous avons déjà abordée à de nombreuses occasions.
Monsieur le ministre, l'article 6 de la loi du 21 juin 2004, relatif au blocage administratif des sites pédopornographiques, avait fait consensus, mais les spécialistes des aspects techniques de l'internet avaient souligné la difficulté de mener à bien ce blocage. Introduisant un débat sur l'internet et les libertés fondamentales, tenu dans l'hémicycle à la demande du groupe écologiste, Mme Fleur Pellerin, alors ministre déléguée chargée de l'économie numérique nous a répondu très clairement qu'il n'y aurait jamais de décret d'application de cet article. Or, quand une difficulté technique dure plus de quatre ans, c'est qu'il s'agit d'un peu plus que d'une difficulté technique.
J'ai également eu un débat croisé avec les ministres et les parlementaires sur la doctrine du Gouvernement en matière de blocages administratifs. Peut-on confier à des entreprises privées un rôle de police qui est une attribution de l'État régalien ? Le passage par l'autorité judiciaire est nécessaire pour l'ensemble de ces questions. C'est la position que l'opposition soutenait lors de la discussion des lois LOPPSI et j'ai le souvenir des interventions enflammées de Mme Sandrine Mazetier défendant le recours à l'autorité judiciaire.
Sans a priori sur la lutte contre le terrorisme, force est de constater que des efforts financiers au profit des cyberpatrouilles sont nécessaires, et parfois plus efficaces que des dispositifs aujourd'hui impossibles ou susceptibles de remettre en cause nos libertés et l'État de droit.