Il faut du coeur pour faire la loi, c’est vrai, mais il faut aussi de l’esprit, et de la cohérence. L’article L. 721-1 du code de procédure pénale prévoit déjà qu’ « une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui passent avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles, ou en justifiant de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation ».
Cela ne règle pas totalement le problème de l’illettrisme, qui est souvent compliqué par la durée de la peine. Des enseignants interviennent dans les établissements pénitentiaires ; nous avons d’ailleurs signé il y a quelques mois, avec George Pau-Langevin, qui était alors ministre de la réussite éducative – elle est actuellement ministre des outre-mer –, une convention pour renforcer l’intervention de l’éducation nationale dans les établissements pénitentiaires, notamment afin d’y lutter contre l’illettrisme. Une des difficultés que me signalent régulièrement ces enseignants tient à la durée de l’enseignement. Souvent, les personnes précaires et fragiles qui sont le plus fortement illettrées sont incarcérées pour de courtes durées. En effet, les délits qu’elles commettent ont souvent un faible degré de gravité – même si toutes les infractions ont toujours un degré de gravité certain.
Cela rend vraiment difficile de mener un effort sur la durée. Certaines associations essaient de poursuivre leur action hors de la prison, d’orienter les personnes quand elles en sortent. La vraie difficulté est donc d’arriver à combattre l’illettrisme des personnes condamnées à des peines d’une durée brève.
Je crois que ce sujet est très sérieux. Nous faisons déjà beaucoup en la matière. Nous avons ainsi signé des conventions avec les mairies pour renouveler périodiquement le stock de livres des prisons – en effet, malheureusement, nous n’avons pas assez d’argent pour alimenter les bibliothèques aussi souvent que nécessaire. Ces conventions nous fournissent des fonds de livre pour une durée donnée.
Je suis donc évidemment très favorable à des mesures incitatives. L’article L. 721-1 du code de procédure pénale en est déjà une. Pour le reste, votre proposition causerait une distorsion d’égalité, ce qui la rend difficile à accepter. C’est donc bien à regret que je donne un avis défavorable à cet amendement.