Le présent amendement, que j’ai déposé avec un certain nombre de mes collègues, s’inscrit dans la logique de ceux déposés par MM. Coronado et Dolez.
Il vise à supprimer les dispositions relatives aux mesures de surveillance et de rétention de sûreté introduites par la loi du 25 février 2008, et jugées à l’époque « inacceptables » par toute la gauche, de manière quasiment unanime.
Rappelons que les mesures de surveillance et de rétention de sûreté permettent à la justice pénale d’imposer des mesures restrictives ou privatives de liberté à une personne, non plus au regard des actes que cette dernière a effectivement commis, mais en raison d’actes qu’elle pourrait peut-être un jour commettre.
Ces dispositions portent ainsi gravement atteinte aux principes mêmes de la justice et du droit républicain. Pour reprendre la référence cinématographique de M. Coronado, elles transposent dans notre droit des conceptions que l’on croirait tout droit sorties du film Minority report, dans lequel des gens sont retenus non pas pour des choses qu’ils ont faites mais pour des actes qu’ils pourraient commettre et même, si ma mémoire est bonne, pour ce qu’ils pensent pouvoir faire un jour.
Comme l’a rappelé l’ancien garde des sceaux, M. Robert Badinter : « Depuis la grande révolution, seule la justice a le pouvoir d’emprisonner un homme à raison d’une infraction commise ou éventuellement, à titre exceptionnel, à raison d’une infraction dont il est fortement soupçonné d’être l’auteur. [… ] Pas de prison, pas de détention sans infraction : tel est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles. [… ]
Pourquoi est-il essentiel ? [… ] Parce que, depuis les Lumières et la Révolution, nous considérons [… ] que l’être humain est doué de raison. S’il viole la loi, expression de la volonté générale, c’est précisément parce qu’il est doué de raison et il doit répondre de ses actes devant les juges. La justice dans une démocratie repose sur une certaine idée de la liberté humaine et de son corollaire : la responsabilité de celui qui viole la loi ». Tels ont été les propos de Robert Badinter devant le Sénat, publiés au compte rendu analytique du 30 janvier 2008.
C’est cependant sur cette conception fondamentale qu’est revenue la loi du 25 février 2008. Désormais, une personne peut être enfermée, pour une durée potentiellement illimitée, non parce qu’elle est jugée coupable, mais parce qu’elle est jugée potentiellement « dangereuse » pour la société.
Or, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait constaté en 2008 qu’il s’agissait d’une « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique » et rappelé que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ».
Cette méconnaissance grave des fondements de notre justice criminelle est d’autant plus inacceptable que la législation française prévoit la possibilité de prononcer, outre des peines, des mesures de suivi pour s’occuper de ces individus.
Il s’agit, non pas de nier le droit de la société à se protéger, mais de rappeler que les dispositions existent déjà, qu’il s’agisse de la réclusion criminelle à perpétuité, des mesures de suivi psychiatriques ou de soins, qui peuvent être imposées jusqu’à trente années après la libération. En cas de non-respect des obligations et interdictions, les juges de l’application des peines peuvent ordonner la réincarcération de l’intéressé.
À l’image de l’agitation communicationnelle qui a trop souvent tenu lieu de politique pénale au cours des dix dernières années, les mesures introduites en 2008 ne servent donc concrètement à rien. Nous l’avons rappelé à maintes reprises : vingt-sept lois pénales en dix ans, dont un tiers adopté uniquement sous le coup de l’émotion, souvent médiatique.
À l’image de cette pratique générale du droit, qui a transformé notre droit républicain en outil de propagande politique, parfois électorale, les mesures introduites en 2008 sont inefficaces. Or, l’efficacité est l’un fil directeur du présent projet de loi.
Ces dispositions minent notre droit républicain sans apporter le moindre commencement de protection supplémentaire aux citoyens et à la société.
Inacceptables dans leur principe, ces dispositions se sont, en outre, révélées « hasardeuses et incertaines », comme l’a indiqué le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, nommé en 2008, dans un avis publié au début de cette année.
À cette occasion, je tiens à saluer M. Delarue,…