Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 5 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Après l'article 18

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je partage totalement les explications données dans les exposés, lesquels n’étaient absolument pas sommaires, mais profonds, de ces amendements. Comme l’a précisé le rapporteur, et nous en avons aussi débattu en commission, la disposition concerne les très longues peines. Le Gouvernement a choisi de consacrer ce texte de loi aux délits et de ne pas y introduire des dispositions intéressant les mineurs et celles concernant les longues peines, en dehors de l’examen de la situation de tous les condamnés détenus auxdeux tiersde leur peine.

Comme l’a précisé le rapporteur, les mesures de sûreté, et pas seulement la rétention de sûreté, sont incluses dans le périmètre de la mission conduite par Bruno Cotte. Il est certain qu’en termes de calendrier, j’ai voulu, parce que le travail est lourd, donner du temps. J’ai demandé que ses travaux soient remis fin 2015, date qui paraît lointaine, mais, considérant la charge de travail, cette commission sera contrainte de travailler de façon dense. J’ai, en conséquence, mobilisé l’administration et un comité d’écriture siège à ses côtés.

Il n’y a pas, là non plus, de divergence d’appréciation sur la nature de la mesure, que l’on se place d’un point de vue philosophique ou juridique. Les extraits des propos de Robert Badinter lus par Matthias Fekl nous servent de référence depuis que se tient ce débat au Parlement. Il est simplement nécessaire de savoir comment on répond, en droit et en politique publique, à des situations peu nombreuses, convenons-en, mais lourdes.

En termes de politique publique, des mesures en matière de structures sanitaires, de politique de santé et de suivi des personnes n’ont en effet pas été prises alors qu’elles auraient dû l’être. S’agissant du droit, vous vous souvenez que le débat a soulevé des protestations fondées et argumentées. Le texte avait d’ailleurs été déféré au Conseil constitutionnel et suite à la décision de ce dernier, les dispositions ont été réécrites, ce qui a provoqué un enchevêtrement s’agissant de la rétention de sûreté, de la surveillance de sûreté et de la surveillance socio-judiciaire.

Par conséquent, il est nécessaire de réécrire les dispositions. Il existe, en effet, des cas peu nombreux, je le répète, mais lourds qui nécessitent que des dispositions puissent être prises. Pour cette raison, on peut concevoir la suppression, mais comprenons que cela n’entraîne pas strictement la suppression de la rétention de sûreté : leur imbrication a des effets sur les deux autres dispositifs que je viens d’évoquer.

J’entends bien que les travaux de la commission Cotte nous renvoient à fin 2015, ce qui est peu satisfaisant en termes de délai. Considérant toutefois qu’il s’agit de la totalité des travaux qui doit être achevée fin 2015, il n’est pas à exclure que la commission Cotte soit en mesure de faire des propositions avant fin 2015.

J’aurais pu me contenter de vous répondre que le Gouvernement a décidé de réserver ce texte aux délits et que, par conséquent, la disposition proposée par ces amendements ne trouve pas sa place dans le projet de loi, mais je n’aurais pas été honnête avec vous. La politique exige par respect et par honnêteté de préciser clairement ses positions.

L’abrogation de la rétention de sûreté s’impose, j’en suis absolument persuadée. Les raisons pour lesquelles elle doit l’être ont été très clairement exposées par les trois députés qui ont défendu ces amendements. Le Gouvernement ne veut toutefois pas inclure cette mesure dans le texte d’aujourd’hui qui est consacré aux délits.

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