Avis également défavorable, tout en prenant en considération l’intention de M. Fenech. J’appelle son attention sur le fait que, contrairement à ce qu’il affirme, il n’y a pas de vide juridique. L’affirmer serait prendre le risque de fragiliser des procédures existantes. Une soixante de procédures sont en cours portant sur des départs ou des intentions de départ en Syrie. Comme vous le savez, le Gouvernement a mis en place le 24 avril dernier un numéro vert pour permettre aux familles de signaler qu’elles ont des raisons de penser qu’un départ se prépare, et tout un dispositif piloté par le préfet est alors prévu. Depuis l’ouverture de cette ligne, nous avons reçu entre dix et quinze appels par jour ; cinquante appels se sont révélés utiles et ont permis aux forces de police, sous l’autorité du préfet, de procéder à des investigations.
Je vous rappelle également que la loi du 21 décembre 2012 a renforcé l’arsenal et permis de mieux armer l’État dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, il s’agit d’un travail interministériel, l’instruction ayant été signée par trois ministres : celui des affaires étrangères, celui de la justice et celui de l’intérieur. Nous continuons à travailler dans le cadre de cette action interministérielle.
Nous avions d’ailleurs envisagé d’introduire une disposition ciblant les entreprises individuelles dans ce projet de loi pénale, mais cette mesure mérite d’être travaillée avec beaucoup de précision afin de ne pas affaiblir l’arsenal dont nous disposons déjà, de ne pas l’altérer par une mesure supplémentaire. C’est en tout cas l’avis des nombreux juges d’instruction que nous avons consultés, et l’écriture de la mesure n’est pas suffisamment bien ficelée pour l’instant. Mais, ainsi qu’il l’a précisé, le ministre de l’intérieur sera de façon imminente en situation de présenter des dispositions.
Enfin, pour l’information de la représentation nationale – nous aurons probablement l’occasion de revenir sur ce sujet de façon plus précise – il convient de ne pas surestimer la question de la radicalisation qui peut survenir dans les établissements pénitentiaires, sous peine de sous-estimer la radicalisation qui survient ailleurs. Je rappelle que lors de l’enquête portant sur l’attentat de Sarcelles, une douzaine de personnes ont été interpellées à Strasbourg ou dans le sud mais que seulement deux avaient un parcours carcéral. Ce n’est donc pas seulement dans les établissements pénitentiaires que survient la radicalisation.
En tout état de cause, nous avons un plan de détection de la radicalisation dans nos établissements pénitentiaires. En juin 2012, nous avons renforcé les effectifs du renseignement pénitentiaire. J’ai à nouveau recruté sept agents supplémentaires en juin 2013. Nous avons réorganisé les directions interrégionales afin de disposer de fonctionnaires spécialisés. Nous disposons ainsi d’un correspondant dans chaque établissement. Ces fonctionnaires formés jusque-là par l’École nationale de l’administration pénitentiaire et, depuis quelques mois, par le GIGN, font un travail important de suivi. Huit cents personnes sont en effet suivies sous l’angle du grand banditisme, de la criminalité organisée ou du terrorisme international et quatre-vingt-dix personnes sont suivies au titre de la radicalisation de l’islam.
Ce qui est important, c’est d’assécher le terreau. Parmi les façons de le faire, il y a la création de postes d’aumôniers, c’est le terme générique, intervenant dans les établissements pour les religions catholique, protestante, israélite et musulmane. Nous avons donc créé, comme vous le savez puisque vous avez voté ce budget, quinze équivalents temps plein, ce qui nous a permis de couvrir trente établissements supplémentaires : quinze en 2013 et quinze en 2014. Cela permet à des imams formés et agréés d’assurer l’exercice du culte dans les établissements pénitentiaires. En effet, la radicalisation ne se fait pas par des imams agréés mais par des individus qui s’improvisent directeurs de conscience et pratiquent le prosélytisme.
Le renseignement pénitentiaire et la présence des imams sont l’un comme l’autre nécessaires car, parmi les personnes susceptibles de radicalisation, certaines sont dans une situation personnelle et sociologique de grande fragilité et de grande vulnérabilité. Il y a donc un travail à faire en direction de ces personnes, ce que nous faisons par plusieurs voies, allant jusqu’à l’alignement des tarifs de cantine entre les établissements soumis à gestion déléguée et les établissements publics : cela peut sembler très prosaïque, mais nous intervenons sur tous les fronts afin d’éviter que des personnes se perdent dans cette folie consistant à se radicaliser, à assassiner et à se perdre soi-même, constituant un danger général pour la société.
Pardonnez-moi d’avoir été un peu longue, mais je pense qu’il était de mon devoir d’informer la représentation nationale.