Cela tient à des difficultés de maîtrise d'oeuvre et de gestion industrielle. La maîtrise d'oeuvre est assurée par AREVA TA. Le CEA, maître d'ouvrage, n'a jamais réussi à obtenir de planning engageant de sa part. Il y a un environ deux ans, AREVA TA nous a fait part de certaines difficultés et nous a annoncé que l'échéance de 2014 ne pourrait être tenue, ce que nous pressentions nous-mêmes. Nous avons alors créé une plate-forme réunissant AREVA TA, les équipes du CEA et les principaux fournisseurs. Ces négociations ont abouti, en 2011, à la signature d'une convention, qui reportait la divergence du RJH de la fin de l'année 2014 au début de 2016 et prévoyait que les éventuels surcoûts seraient supportés par AREVA TA si ce délai n'était pas tenu.
Or, à l'automne 2012, AREVA TA, qui est non seulement maître d'oeuvre mais aussi fournisseur du bloc-pile – coeur du réacteur, en acier, qui supporte le combustible et permet son refroidissement –, nous a informés que son sous-fournisseur, la société CNIM, avait décidé de dénoncer le contrat, parce qu'elle estimait qu'AREVA TA ne lui avait pas fourni les éléments nécessaires à la réalisation de l'opération. À ma connaissance, CNIM, pourtant une entreprise de taille intermédiaire, a accepté de payer 7 millions d'euros de dédit. C'est dire combien elle estimait supérieur à cette somme le risque qu'elle courait. Je précise qu'on m'avait demandé, en 2011, de faire une avance de trésorerie pour acquérir la matière nécessaire à la réalisation du bloc-pile.
À la fin de l'année 2012, lors d'une réunion au plus haut niveau – entre la direction générale d'AREVA, celle d'AREVA TA et moi-même, assisté de mes équipes –, on nous a annoncé que ces difficultés induiraient un délai supplémentaire de six mois au maximum. Les équipes du CEA estimant de leur côté ce délai à vingt-quatre mois, j'ai demandé que le planning soit consolidé. Un délai a été accordé jusqu'au mois de juillet 2013, afin de trancher entre ces deux scénarios, sur la base d'un véritable projet industriel permettant de remédier aux difficultés. Au mois de juillet 2013, on nous a informés que l'achèvement du projet devait être reporté non plus à 2016, mais à 2018, puis, sans justification supplémentaire, à 2020. En outre, AREVA TA a demandé au CEA de prendre en charge l'intégralité des surcoûts induits par la prolongation du contrat. Or le travail de 100 ingénieurs pendant un an supplémentaire coûte environ 10 millions d'euros. Compte tenu du nombre d'ingénieurs impliqués dans le projet ASTRID – plusieurs centaines –, les surcoûts risquaient d'être très élevés. Le CEA a donc refusé de prendre cet engagement, qui serait revenu à renoncer à la convention de 2011, qui le protégeait. La crise a atteint son paroxysme à la fin de l'année 2013, au moment où AREVA TA a dû établir ses comptes et décider d'y inscrire ou non certaines provisions au titre du projet ASTRID. Finalement, les comptes d'AREVA TA ont été rejetés tant par les commissaires aux comptes que par le CEA.
Nous avons alors mis en place un comité des sages réunissant quatre experts d'AREVA et quatre du CEA, qui se reconnaissaient mutuellement pour leur haute qualité professionnelle, et se sont engagés à chercher les meilleures solutions techniques et organisationnelles. Ils ont travaillé d'arrache-pied et ont remis leur rapport définitif le 21 janvier 2014. Celui-ci a été validé de manière consensuelle par la direction générale d'AREVA et par moi-même. Les experts ont conclu que, contrairement à ce qu'avait affirmé AREVA TA, il était possible de réaliser techniquement et industriellement le bloc-pile. Ils ont estimé que le réacteur pourrait être achevé, au plus tôt, en octobre 2019, mais que cette échéance demandait à être confirmée, le maître d'oeuvre devant établir, à cette fin, un planning robuste, ce à quoi il s'emploie aujourd'hui. Enfin, ils ont jugé que l'année 2014 serait critique pour la réussite du projet, et qu'il convenait de séparer la négociation sur les aspects techniques et organisationnels des questions financières et contractuelles, ce qui a été fait.
En complément a donc été créé un groupe de travail financier comprenant deux représentants d'AREVA et deux du CEA non impliqués dans les discussions contractuelles. Il a travaillé lui aussi de manière consensuelle et a rendu son rapport le 11 avril dernier. Il a réalisé, comme cela lui avait été demandé, une estimation du coût global à terminaison, au-delà des coûts déjà provisionnés par le CEA, en distinguant les coûts avérés des coûts pour aléas. Nous sommes désormais engagés dans une négociation sur le partage de ces coûts. Parallèlement, M. Bernard Duprat, délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, ancien directeur de l'exploitation et de l'ingénierie chez EDF, a été mandaté par le Premier ministre Jean Marc Ayrault, pour conduire une revue de projet. Celle-ci a vocation à consolider les différents éléments issus des travaux d'AREVA et du CEA que je viens de citer.