Intervention de Virginie Duby-Muller

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » est par son volume la première de l'État avec 64 milliards d'euros. L'école et la jeunesse sont au coeur de la politique du Gouvernement. Soit ! Par ailleurs, monsieur le ministre, on nous dit que vous êtes habité par votre poste, que vous savez parler aux enseignants, que c'était le rêve de votre vie. Soit ! Même dans l'opposition, au regard des enjeux liés à l'école de demain, on ne peut que se réjouir de ces deux bonnes nouvelles.

Néanmoins vous me permettrez, après avoir noté les bons points de votre refondation à venir, de pointer les limites et les inquiétudes qu'elle suscite : elle risque de passer à côté des 150 000 jeunes qui sortent chaque année de l'école sans diplôme, ce qui compromettrait leur avenir professionnel et ferait gonfler les rangs des « NEET » – Not in Education, Employment or Training.

Au registre des bons points figure votre habile concertation qui a eu pour résultat d'imposer le consensus sur des mesures préconisées depuis plusieurs années par les classements du programme international pour le suivi des acquis des élèves, le PISA. Il est en effet essentiel de réformer l'école en profondeur : l'éducation est le creuset de la République et cette réforme doit se faire à partir de fondations solides. Toutefois, les nouvelles fondations que vous entendez bâtir sont bancales et ne favoriseront pas la réussite. Si nous partageons le même diagnostic, je ne partage donc pas votre thérapeutique.

S'agissant ainsi de la réforme des rythmes scolaires qui vient corriger ce qui était une anomalie française, permettez-moi cette simple interrogation : quid du financement, de la négociation et des compensations ?

S'agissant du renforcement des moyens du primaire, parent pauvre de notre système éducatif et pourtant fondement de toute scolarité, la priorité a été mise sur la grande section de maternelle et l'école primaire. On peut néanmoins être sceptique sur l'opportunité de rajouter de nouvelles matières qui vont entrer en concurrence avec les matières fondamentales en termes d'horaires. L'éducation à la santé, l'éducation à la sexualité et à la lutte contre les stéréotypes à partir de six ans, l'éducation aux médias et à l'information, la morale laïque : tout cela était-il justifié et raisonnable ? À côté d'une bonne maîtrise des fondamentaux, ne fallait-il pas plutôt mettre l'accent sur l'anglais, matière où la France reste un cancre ? Elle occupe en effet le vingt-troisième rang sur cinquante-quatre pays, ce qui correspond à un niveau de maîtrise très moyen, et se situe très loin derrière les pays scandinaves. Des études récentes ont pourtant démontré qu'avoir une population avec un bon niveau d'anglais est un signe de développement pour un pays.

S'agissant de l'amélioration de la formation des enseignants, je ne peux que souscrire aux mesures prévues. Comme mon collègue Frédéric Reiss l'avait souligné en 2011 dans son rapport d'information, la mastérisation était un peu trop académique et pas assez pédagogique. Ne craignez-vous pas toutefois que la diversité de vos recrutements soit source de problèmes et que la qualité du recrutement s'en ressente ?

En commission, vous avez affirmé : « pour ce qui est du recrutement, l'essentiel est de redonner au métier d'enseignant sa valeur, sa place au sein de la société ». Mais il semblerait que vous faites le contraire. N'aurait-il pas mieux valu, à la suite de Luc Chatel, maintenir le niveau d'études et continuer à revaloriser les rémunérations ?

Pour finir, alors que l'effet « maître » est reconnu par tous, permettez-moi de douter de vos gadgets pédagogistes – fin des devoirs à la maison, suppression des mauvaises notes – et de souligner leur nocivité. Le suivi personnalisé de l'enfant, avec ou sans notes et sanctions, a fait ses preuves dans tous les pays.

À cet égard, j'aimerais évoquer l'enseignement privé. Le programme « Enseignement privé du premier et du second degré » est le seul à stagner alors que le projet annuel de performance précise que « l'État réaffirme vis-à-vis des établissements privés sous contrat les mêmes exigences » que pour le public. Est-ce à dire que le privé doit faire aussi bien avec moins de moyens ?

La régionalisation du service public de l'orientation semble une bonne idée pour se rapprocher du terrain. Allez-vous aussi laisser l'école et l'entreprise se rapprocher et favoriser l'apprentissage ?

L'accent mis sur l'obligation de la formation continue des enseignants nous paraît également être une bonne chose. La formation continue est, en effet, le canal principal de diffusion des meilleures pratiques. Cela permettra d'y intégrer la formation au handicap qu'évoque M. Ménard à la fin de son rapport pour avis centré sur la scolarisation des enfants handicapés dans le primaire.

Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai que si votre budget est plein de bonne volonté, son contenu n'est pas à la hauteur de l'ambition affichée : il se cantonne à une logique de moyens et privilégie une approche quantitative et égalitariste. Pour favoriser la réussite, il aurait dû s'inscrire dans une culture qualitative et de résultat qui aurait valorisé le mérite.

Être un bon philosophe, monsieur le ministre, ne fait pas de vous un bon architecte car lorsque les fondations sont mauvaises, le résultat n'est que cosmétique et la reconstruction ratée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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