Intervention de Anne Paugam

Réunion du 28 mai 2014 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement, AFD :

Je vous remercie pour vos questions et vos propositions pour améliorer la communication de l'AFD. Je redis mon entière disponibilité pour échanger avec vous. Nous veillerons en outre à suivre de manière plus régulière le travail parlementaire et à dispenser une information plus réactive aux groupes d'amitié et aux missions d'information.

Ma position sur le rééquilibrage entre aide multilatérale et bilatérale n'a pas varié depuis ma dernière audition. Je souhaite, comme vous, ce rééquilibrage. Celui-ci a été amorcé grâce à la taxe sur les transactions financières. J'aimerais pouvoir compter sur cette ressource, d'autant qu'elle sert notamment à financer des initiatives en matière de santé des femmes et des enfants ainsi qu'en matière de démographie, mais sa pérennité est incertaine. Au-delà de 2015, les enveloppes qui sont aujourd'hui fléchées vers l'initiative de Muskoka ne sont pas garanties.

Je suis d'accord avec vous, dans un monde idéal, il faudrait plus de dons pour les pays pauvres prioritaires. Mais, je le répète, cela ne diminuera pas la part des prêts car le don ne chasse pas le prêt, y compris dans les pays pauvres. Parmi les 16 pays pauvres prioritaires, certains ne reçoivent pas que des dons, heureusement. En 2013, 600 millions d'euros de financement de l'AFD ont ainsi été mis en place. En tout état de cause, il n'est pas possible d'affecter une partie du résultat à l'enveloppe de dons.

L'AFD est à la fois une banque et une agence de développement, ce qui représente une richesse pour la France. Les Britanniques, qui ne fonctionnent qu'avec des dons, se privent ainsi d'intervenir en Inde tandis que nous y intervenons sans coût pour l'Etat. Les Japonais et les Allemands ont un modèle mixte comme le nôtre. Si les dons méritent d'être renforcés, peut-on pour autant renoncer aux instruments d'influence économique et écologique que sont les prêts sous prétexte que les dons sont insuffisants ? Il ne faut pas opposer les deux outils.

Il y a une incompréhension au sujet de PROPARCO. L'ensemble des principes et orientations énoncés dans le COM vaut pour le groupe, y compris PROPARCO, qui intervient dans le respect des règles de sécurité financière du groupe. En revanche, les indicateurs chiffrés s'appliquent à la seule maison mère AFD, sauf mention expresse du groupe AFD. Cela n'a pas de sens par exemple d'imposer à PROPARCO de consacrer 85 % des ressources provenant du budget de l'État à l'Afrique alors que celle-ci ne reçoit pas un euro de l'État.

La moitié de l'activité de PROPARCO en 2013 se situait en Afrique, et 30% de ses interventions doivent avoir un co-bénéfice climat.

Afin de dissiper les malentendus, je propose que le directeur général de PROPARCO m'accompagne lors d'une des prochaines séances de travail avec la commission. J'espère ainsi vous convaincre que cette filiale est un très bon outil pour le développement de l'Afrique.

S'agissant des pays en situation de fragilité, le chiffre du COM ne résume pas l'activité de l'AFD. Nous essayons d'adapter nos moyens d'intervention aux circonstances. Au Mali, nous avons dépassé les objectifs en termes d'engagement et de décaissement. L'année dernière, le financement de projets a représenté plus de 200 millions d'euros dont 50 millions ont été décaissés. Nous avons mis en place des opérations dans le Nord, parfois de montant modeste, qui améliorent le quotidien des populations, comme le rétablissement de l'électricité à Gao ou la réouverture de la BNDA. Nous avons aussi travaillé avec l'opération Serval, par exemple sur le pont de Tassiga.

En Centrafrique, les financements ont repris rapidement en les adaptant à la situation. Ils concernent des travaux à haute intensité de main-d'oeuvre à Bangui pour occuper les jeunes notamment. Nous avons également proposé la création d'un fonds multibailleur, le fonds Bêkou, proposition qui a été reprise par le Commission européenne. Nous sommes attentifs à sa mise en place rapide et à son efficacité. Un amendement dans le projet de loi précité va nous permettre de franchir une étape bienvenue en facilitant la mise en place rapide de fonds comme le fonds Bêkou.

Le dialogue avec les parlementaires en mission est très utile pour adapter nos méthodes de travail et renseigner les équipes sur place. Je rappelle à l'attention de ceux qui ont regretté une approche technocratique, que l'AFD est une institution de développement, avec une culture d'ingénieurs et de financiers. Il me revient d'articuler celle-ci avec les préoccupations diplomatiques, politiques et sécuritaires mais notre connaissance de ces domaines peut être enrichie par le dialogue avec les élus en charge de ces sujets.

Au sujet de l'aide liée, nous ne sommes pas candides, nous ne vivons pas hors-sol. Nous savons que, dans la compétition économique mondiale, certains ne respectent pas les règles du jeu et se soustraient aux critères de l'OCDE dans une certaine opacité.

L'AFD mise sur les stratégies indirectes. Jamais elle ne s'est autant investie dans la diplomatie économique. L'agence travaille avec Ubifrance et les chambres de commerce. Elle a mis en place des ateliers pour identifier la valeur ajoutée des entreprises françaises dans les secteurs correspondant aux objectifs stratégiques de l'agence. Le choix des secteurs bénéficiant de financements de l'AFD est ainsi éclairé par la capacité des entreprises françaises à se positionner. Nous n'avons cependant pas la garantie que les entreprises seront candidates aux appels d'offres.

Le sujet de l'aide liée soulève plusieurs questions.

D'abord, il ne faut pas confondre aide liée et banque du commerce extérieur. L'AFD n'est pas une banque du commerce extérieur. Elle n'en a ni le mandat ni les instruments, et ne peut donc pas jouer le rôle d'un instrument dont la France n'est aujourd'hui plus dotée, alors qu'elle l'a été par le passé.

Ensuite, l'aide liée coûte beaucoup plus cher que l'aide déliée. Les volumes de financement seraient moindres ce qui aurait pour conséquence de réduire l'impact de nos interventions car les projets devraient dans ce cas comporter au moins 35% d'éléments dons, en vertu des règles de l'OCDE.

De ce fait, la plupart des entreprises, que je rencontre régulièrement, ne sont pas demandeuses d'aide liée car elles craignent d'y perdre : elle aurait accès, globalement, à moins de financement (les nôtres, et ceux des autres). Certains pays, comme l'Inde, refusent l'aide liée. D'autres pays à revenu intermédiaire tranche supérieure n'y sont plus éligibles en vertu des règles de l'OCDE.

La stratégie indirecte est donc préférable sauf à faire fi des principes de l'OCDE, auxquels il est vrai que certains nouveaux bailleurs n'adhèrent pas comme la Chine. Mais, dans ce cas, on s'engage dans une course vers le bas, avec des projets à moindre coût mais aussi de moindre qualité, et c'est une course que nous ne nous gagnerons jamais.

À l'opposé, nous cherchons à maximiser l'impact de nos financements pour les entreprises françaises tout en respectant notre mandat de tirer les normes sociales et environnementales vers le haut.

Dans certains secteurs, les relations avec les entreprises françaises sont historiquement fortes. Ainsi, dans celui de l'eau et de l'assainissement, dans plus de trois quarts des cas, les entreprises se positionnent sur les financements, et trois quarts d'entre elles remportent les marchés. Ainsi 56 % des appels d'offres dans ce secteur reviennent aux entreprises françaises. Le COM comporte de nouveaux indicateurs sur ce point.

Je ne crois pas que l'aide liée soit la réponse aux questions que vous soulevez. Il faut peut-être s'interroger sur les outils du commerce extérieur. L'AFD pourrait, le cas échéant, sous réserve qu'on lui en donne le mandat et les moyens, gérer un nouvel outil dont les Japonais et les Allemands sont dotés. Mais, à ce stade, vous ne pouvez pas faire jouer tous les rôles à l'AFD.

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