Intervention de André Schneider

Réunion du 13 mai 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Schneider, rapporteur --> :

Nous sommes saisis de deux accords complémentaires, l'un signé avec le Luxembourg le 15 octobre 2001, l'autre signé avec le Luxembourg, la Belgique et l'Allemagne, le 24 octobre 2008. Tous deux visent à développer la coopération transfrontalière en matière policière et douanière avec la France.

L'accord bilatéral de 2001 a pour objet de compléter, en ce qui concerne le Luxembourg, une série d'accords de coopération de même nature qui ont déjà été signés par la France avec l'Italie et l'Allemagne, en 1997, avec la Suisse et l'Espagne, en 1998, avec la Belgique, en 2001, et plus récemment avec la principauté d'Andorre, en mars dernier.

De manière très classique, l'accord bilatéral de 2001 repose sur deux piliers.

En premier lieu, cet accord créé un centre commun de coopération policière et douanière abritant des effectifs français et luxembourgeois dans un même bâtiment, en vue de faciliter les échanges d'informations, mais aussi de mieux coordonner les interventions opérationnelles dans la zone frontalière.

Celle-ci est formée, pour l'application de l'accord, de l'ensemble du territoire du Grand-Duché de Luxembourg et, s'agissant de la France, des départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle.

Je reviendrai plus en détail sur le centre commun lorsque je présenterai l'accord quadripartite de 2008.

L'accord de 2001 demande, en second lieu, l'intensification de la coopération directe entre les services opérationnels compétents dans la zone frontalière, sans passer par la structure de proximité que constitue le centre commun, implanté dans la ville de Luxembourg, ni par les autorités centrales des deux Parties.

Cette coopération dite « directe » vise à renforcer les contacts entre les services, notamment grâce à des référents connaissant la langue du voisin et ses procédures, grâce au détachement mutuel de fonctionnaires de liaison, grâce à l'amélioration des canaux de communication, ou encore grâce à des actions de formation ou à des exercices de perfectionnement communs.

Il s'agit aussi d'assurer la communication de toute information utile pour l'analyse de la criminalité dans la zone frontalière commune et pour l'identification des modes opératoires des réseaux transfrontaliers, ainsi que de mettre en oeuvre des opérations coordonnées ou conjointes de police administrative, telles que des patrouilles mixtes ou des contrôles conjoints, dans le respect des principes fondamentaux relatifs à la mise en oeuvre des prérogatives de puissance publique.

Le second accord dont nous sommes saisis, relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière avec le Luxembourg, la Belgique et l'Allemagne, a pour objet d'élargir le centre commun franco-luxembourgeois à ces deux derniers pays. Ils avaient d'ailleurs signé en 2003, de leur côté, un accord trilatéral avec le Luxembourg, afin de créer un centre commun, situé dans la même ville.

L'accord de 2008 permet de créer un centre quadrilatéral, et non plus seulement bilatéral ou trilatéral, toujours situé dans la ville de Luxembourg, mais reposant sur une base juridique unique. Les stipulations de l'accord de 2001 qui concernaient le centre commun franco-luxembourgeois cesseront donc d'être en vigueur, conformément à l'article 14 de l'accord de 2008.

Je tiens à préciser, en revanche, que l'accord quadrilatéral de 2008 ne comporte pas de stipulations relatives à la coopération directe. Celle-ci continue donc à reposer sur une base bilatérale pour le Luxembourg, comme pour la Belgique et l'Allemagne, respectivement dans le cadre de l'accord de 2001, qui nous est soumis, et des accords franco-belge et franco-allemand que j'ai cités tout à l'heure. Depuis une dizaine d'années, la coopération directe repose aussi sur un cadre juridique plus ambitieux, formé du traité de Prüm, signé en 2005, et de plusieurs décisions-cadres du Conseil de l'Union européenne.

La première mission du centre commun quadrilatéral, créé par l'accord de 2008, est de permettre un traitement rapide des requêtes mutuelles d'assistance et d'information, au moyen d'un fichier commun de données à caractère personnel. Le centre commun, étant situé dans la ville de Luxembourg, est soumis à la législation du Grand-Duché en matière de traitement des informations et de protection des données. La CNIL considère le Luxembourg comme présentant des conditions de protection des données individuelles équivalentes à celles exigées par le droit français.

Le travail de recueil, d'analyse, d'échange et de diffusion des informations dans le cadre du centre commun concerne en particulier la petite et la moyenne délinquance à caractère transfrontalier, les trafics illicites, la lutte contre l'immigration irrégulière et les infractions qui s'y rapportent – filières d'immigration clandestine, fraudes et contrefaçons des titres d'identité et de voyage –, ainsi que tout fait se rapportant à la sécurité et à l'ordre publics.

Les agents affectés par la France au centre commun doivent veiller à ce que les échanges d'information soient portés, autant que nécessaire, à la connaissance de la Section centrale de coopération policière (SCCOPOL) du ministère de l'intérieur. La nature des infractions devra ainsi être appréciée afin de distinguer celles qui relèvent de la délinquance transfrontalière et celles qui nécessitent une information immédiate de l'autorité centrale compétente.

Si le centre commun n'a pas pour vocation de procéder de façon autonome à des interventions de nature opérationnelle, ni à donner en principe des instructions dans ce domaine, il se tient à la disposition des services compétents dans la zone frontalière pour faciliter le bon déroulement de leur coopération.

Ce rôle de soutien à la coordination concerne notamment les opérations de surveillance, de recherche et d'intervention dans la zone frontalière, notamment dans le cadre de plans préalablement définis, ou bien encore la gestion d'opérations transfrontalières de maintien et de rétablissement de l'ordre public.

Le centre commun assure également un rôle de conseil et de soutien non opérationnel pour l'exercice des droits d'observation et de poursuite transfrontalières prévus par la convention d'application de l'accord de Schengen, ainsi qu'un rôle de soutien aux mesures de réadmission.

L'accord de 2008 est déjà mis en oeuvre de manière anticipée par les partenaires de la France, dans l'attente de l'ensemble des ratifications nécessaires. Elles sont intervenues en 2011 pour l'Allemagne, et au début de cette année pour le Luxembourg et la Belgique. La France, quant à elle, a adopté un certain nombre de mesures à titre de préfiguration. Le centre commun existe en tant que bureau tripartite de coopération depuis mars 2003, date à laquelle notre pays a envoyé des éléments précurseurs à Luxembourg. Au 1er janvier 2014, le détachement français comptait 16 agents et les effectifs totaux du centre s'élevaient à 40 personnes.

En 2013, le centre commun a été sollicité 7 330 fois par les autorités belges, allemandes et luxembourgeoises, et 8 901 fois par les autorités françaises. Ces chiffres confirment l'intérêt de cette plateforme de coopération, dont la France est aujourd'hui le premier bénéficiaire.

Voilà, mes chers collègues, les principales observations qu'appellent l'accord bilatéral de 2001 avec le Luxembourg et l'accord quadrilatéral de 2008 avec le Luxembourg, la Belgique et l'Allemagne.

Ils favorisent deux formes complémentaires de coopération qui permettent de répondre aux besoins quotidiens des services compétents en matière de sécurité et d'ordre publics, ainsi que de prévention et de répression de la criminalité transfrontalière.

Ces coopérations sont d'autant plus nécessaires que les réseaux de criminalité organisée savent tirer tous les avantages de la libre circulation des personnes dans la zone Schengen. En contribuant à l'efficacité des services compétents des Parties contractantes, ces deux accords tendent à garantir un plus haut niveau de sécurité des personnes et des biens dans les zones frontalières.

Je tiens enfin à répondre par anticipation à une question qui ne devrait pas manquer de m'être posée. Pourquoi un tel retard dans la ratification de ces deux ?

Cela n'a malheureusement rien de très inhabituel en France, mais il faut aussi noter que nos partenaires n'ont guère fait mieux. L'accord de 2008 a été approuvé par l'Allemagne en 2011, en Belgique fin 2013, sans que la loi portant assentiment à l'accord soit encore promulguée et publiée dans ce pays, et au Luxembourg par une loi publiée le 6 mai dernier.

Des raisons spécifiques ont également joué. La conclusion d'un accord trilatéral créant un centre de coopération policière entre le Luxembourg, la Belgique et l'Allemagne a poussé à reconsidérer le centre franco-luxembourgeois prévu en 2001, et à négocier un accord quadripartite avec l'ensemble des Parties intéressées. Ces négociations n'ont abouti qu'en 2008.

Enfin, comme je l'ai déjà indiqué, l'accord de 2008 est appliqué par anticipation par les autres Parties contractantes, tandis que la France a adopté des mesures permettant à une préfiguration du centre de fonctionner. La ratification de l'accord aura donc essentiellement pour portée de sécuriser juridiquement l'existant.

Au bénéfice de ces observations, je vous recommande d'adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion