Je ne constate pas de fracture grandissante entre l'armée et la Nation, et les sondages montrent, au contraire, alors que le service militaire a été supprimé en 1996 et qu'arrive à l'âge adulte la première génération de jeunes gens dont les parents n'ont pas fait de service, que les Français soutiennent leurs armées et la dissuasion. L'adhésion est très forte malgré le déficit de communication. Non seulement l'armée reste populaire mais la fin du service et la disparition des objecteurs de conscience ont, de surcroît, affaibli l'antimilitarisme. Je pense néanmoins, comme vous, qu'il faut veiller à ne pas laisser grandir l'indifférence du pays vis-à-vis de son armée. On constate, en effet, que le soutien aux OPEX est intermittent et dépend beaucoup de la couverture médiatique dont ces dernières font l'objet.
Les campagnes de recrutement ne dépendent pas de la DICoD mais sont gérées par les DRH des différentes armées. Certes, neuf millions d'euros pour 14 000 recrutements c'est un gros budget, mais il s'agit d'emplois qui ne sont pas nécessairement les mieux payés du marché, dans lesquels on risque sa santé ou sa vie, et auxquels on sacrifie souvent sa qualité de vie. Recruter des jeunes prêts à partir en opérations réclame donc aujourd'hui de gros efforts. Si l'on doit améliorer l'efficacité de ces campagnes, il faut néanmoins prendre garde à ne pas se priver des moyens nécessaires.
Vous êtes plusieurs à avoir souligné la multiplicité de l'information dispensée par nos services. C'est la force de nos armées de renvoyer cette image diverse. Aux États-Unis, chacune des quatre armées a une très forte culture, ce qui n'affecte en rien le sentiment d'appartenance commune. La Defense Media Activity, dotée d'un budget de 220 millions de dollars, permet aux différentes armées de travailler ensemble, avec des moyens mutualisés. Je ne suis pas persuadé qu'un message unique serait plus efficace. L'uniformisation peut conduire à un appauvrissement de l'information, dont pâtiraient surtout les armées moins importantes que l'armée de terre. Cela étant, je vous rejoins sur le fait que la mutualisation des moyens qui sera mise en oeuvre à Balard va nous permettre d'augmenter l'impact de nos campagnes, tout en développant chez nos soldats la conscience d'une appartenance collective.
Pour être titulaire d'une carte de presse, il faut que le journalisme constitue votre activité et votre source de revenus principales, ce qui n'est pas le cas pour les militaires ou les fonctionnaires. Les officiers de presse ne sont pas des journalistes mais des communicants.
Dans le contexte de mutation en profondeur que connaît le ministère, nous tâchons de recentrer notre communication sur des points essentiels : les femmes, la promotion sociale, les capacités opérationnelles, la disponibilité. Il n'est pour autant pas question de développer une pensée unique, qui serait dévastatrice pour l'image de nos armées.
Pour ce qui concerne l'accompagnement des personnels, il a été décidé avec le cabinet du ministre de procéder chaque année à un roadshow. Cette année, les Rencontres 2020 se sont déclinées selon les lieux : rencontres interarmées à Paris, elles ont mis en avant à Toulon, Metz et Bordeaux une armée spécifique ; le CEMA, le DGA et le secrétaire général pour l'administration (SGA) ont aussi effectué leurs présentations en s'appuyant sur les outils et les instruments fournis par la DICoD. Le prochain exercice, en début d'année prochaine, coïncidera avec la livraison de Balard et devra contribuer à éclairer l'installation dans les nouveaux locaux.
La communication opérationnelle s'effectue, au ministère de la Défense comme dans les autres ministères, à un double niveau : la communication politique du ministre est gérée par son cabinet, la communication institutionnelle par les porte-parole. Je travaille en collaboration avec mes homologues du quai d'Orsay et de la place Beauvau et, le cas échéant, avec ceux de Matignon et de l'Élysée. Tandis que les cabinets travaillent surtout sur la communication de crise, nous travaillons davantage sur la durée. Les directeurs de la communication des différents ministères se retrouvent, par ailleurs, au sein des réunions régulièrement organisées par le service d'information du Gouvernement à des fins de mutualisation, notamment en matière d'achat d'espaces, de veille média ou de revues de presse, pour lesquels nous avons souvent recours aux mêmes prestataires.
Je ne dispose d'aucun chiffrage global concernant l'intégralité des dépenses de communication engagées pour la Défense. Aux cinq millions d'euros alloués à la DICoD, il faut ajouter les neuf millions affectés aux campagnes de recrutement – dont je répète qu'elles sont orchestrées par les DRH des différentes armées, mieux à même de définir les postes à pouvoir et le ciblage –, ainsi que le budget de l'ECPAD, qui s'élève à 18 millions d'euros, soit un total de 32 millions d'euros. J'attire néanmoins votre attention sur la spécificité du budget de l'ECPAD, dans la mesure où celui-ci est un établissement public administratif qui perçoit des subventions et génère des recettes. Compte tenu de ce que sont ses contraintes et ses coûts de fonctionnement, nous devons réfléchir au renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance, qui s'achève en 2015, et, dans ce cadre, à la redéfinition de ses missions, en abordant notamment la question de la gratuité ou du barème payant, que j'ai évoquée plus haut.
Il faudrait également intégrer au budget global certaines actions menées par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives – je pense notamment à des programmes d'édition, qui sont à la frontière de la communication mais n'en font pas stricto sensu partie. Quoi qu'il en soit, nous nous efforçons, avec la direction des affaires financières, d'identifier et d'externaliser les tâches ne relevant pas de la communication : ce sera, je l'ai dit, le cas des tâches de soutien, lors de l'emménagement à Balard.
On m'a interrogé sur les relations de la DICoD avec le cabinet du ministre. Nous travaillons, d'une part, avec le cabinet du ministre de la Défense et, d'autre part, avec celui du secrétaire d'État aux Anciens combattants et à la mémoire. Cela me permet de dire un mot particulier sur la communication liée aux commémorations : pour le centenaire de 1914-1918 et le soixante-dixième anniversaire du débarquement de 1944, elle s'articule en une chaîne formée de la Présidence de la République, du cabinet du secrétaire d'État aux Anciens combattants, de la Mission du centenaire et du ministère de la Défense. Nous réalisons notamment, en liaison avec la présidence de la République qui pilote l'ensemble de ces commémorations, des plaquettes qui seront distribuées le 6 juin prochain à Ouistreham.
Pour ce qui concerne les OPEX, la communication est de la responsabilité du commandant du théâtre d'opérations, dont relèvent en conséquence les officiers de presse qui sont sur zone ; c'est le cas pour l'opération Sangaris en RCA, ou pour Serval au Mali. Le commandant du théâtre d'opérations est, lui, sous l'autorité du chef d'état-major des armées, qui dirige les opérations avec le centre de planification et de conduite des opérations. Le communicant qui accompagne le commandant sur le théâtre d'opérations s'intègre également dans la chaîne de communication opérationnelle, qui remonte jusqu'à l'EMACOM, à laquelle il appartient de déterminer quelles sont les informations qui doivent ou non être classifiées. Le chef d'EMACOM, qui pilote cette chaîne de communication, participe aux réunions hebdomadaires de la DICoD et participe à notre point de presse hebdomadaire. Cette répartition des rôles nous paraît satisfaisante, dans la mesure où la DICoD n'a guère de compétences pour l'instant en matière de théâtres d'opérations et travaille davantage sur les questions de stratégie et sur la durée.
En résumé, la communication du ministère s'organise de la manière suivante : la communication politique du ministre, qui relève du cabinet ; la communication institutionnelle, organisée par la DICoD ; la communication organique, assurée par les SIRPA ; la communication opérationnelle, qui dépend d'EMACOM.
Quant à la communication interne à destination des personnels civils qui s'installeront à Balard, elle est pour l'instant assurée par les services de communication du SGA, SGACOM. Pour lui donner davantage d'ampleur, nous allons prendre le relais, puisque le compte à rebours est déclenché et que sont désormais concernées l'ensemble des administrations.
S'agissant des effectifs et des officiers de presse projetables, le contrat opérationnel inclut tous les métiers depuis l'officier de presse de haut niveau, du grade de colonel, conseiller du commandant de théâtre, jusqu'à l'opérateur d'images de base, le cameraman de l'ECPAD, qui est également un militaire, en passant par des sous-officiers de tous grades. Il en va de même pour les trois SIRPA. Ces éléments projetables sont en principe des techniciens de la communication, mais ce sont surtout des militaires opérationnels : on n'envoie en opération que des militaires dont la présence ne pénalisera pas l'unité dans laquelle ils sont projetés : les opérateurs d'images de l'ECPAD et du SIRPA-Terre qui ont tourné le documentaire sur l'opération Serval diffusé par « Envoyé spécial » étaient des soldats armés.
Ces militaires opérationnels font donc partie des 650 ETP qui constituent notre objectif cible pour 2018. Il faut leur ajouter les nombreux rédacteurs, qui travaillent notamment pour les publications de la Défense, parmi lesquels des civils. J'ambitionne de les rendre projetables, ce qui paraît grandement les motiver, mais ils doivent pour cela être réservistes et donc subir un entraînement. J'ai obtenu quelques soutiens pour des contrats de réserviste et ne désespère pas de développer cette filière.
Sont aussi inclus dans ces effectifs les planificateurs, qui travaillent sur la stratégie et tentent de donner de la cohérence à toutes ces opérations de communication. Au sein de l'administration générale, si les tâches de soutien sont externalisées, nous disposons d'équipes dédiées à la gestion des budgets RH, des achats ou de la passation de marchés. Nous regroupons, enfin, sur des plateaux techniques l'audiovisuel, la photo, l'infographie nos webmasters, et les métiers techniques de l'édition.
Géographiquement, ces 650 ETP se répartissent entre 317 postes parisiens et 330 postes provinciaux, un tiers d'entre eux étant projetable dans le cadre du contrat opérationnel, avec ce risque, déjà évoqué, d'un déséquilibre entre militaires et civils puisque les civils ne sont pas projetables.
Deux catégories de formations sont dispensées : d'une part, les formations en communication, assurées par la DICoD, d'autre part, les formations spécifiquement consacrées à l'image, avec un entraînement à la pratique dans des conditions opérationnelles difficiles, dispensées par l'ECPAD. L'école des métiers de l'image (EMI) est ouverte en priorité aux personnels militaires appelés à devenir opérateurs d'images, mais elle est également accessible aux membres de la protection civile, des sapeurs-pompiers ou du GIGN, à tous ceux qui sont amenés à pratiquer leur métier dans des conditions difficiles.
Nous organisons également chaque année, à destination des journalistes, deux stages au centre national d'entraînement commando de Collioure, où l'on peut apprendre les techniques de déplacement en atmosphère de combats en zone urbaine. Des stages d'apprentissage des techniques journalistiques, de vulgarisation, de prise de parole et d'animation d'un point de presse sont enfin proposés à nos officiers de presse. D'autres stages de perfectionnement sont plus spécifiquement consacrés à l'encadrement et à l'accompagnement des journalistes en OPEX et réservés aux conseillers en communication des commandants de théâtre.
Nous avons développé pour ces formations des partenariats avec l'École de guerre, le Centre des hautes études militaires et l'Institut des hautes études de défense nationale, et avons mis en place un cursus d'initiation à la communication à destination des élèves des écoles militaires, car il s'agit d'un métier qui doit s'apprendre bien avant d'avoir atteint le grade de lieutenant-colonel.
Je suis conscient que les correspondants défense dans les conseils municipaux sont sous-employés. Ils sont hélas ! très nombreux, ce qui empêche un traitement individualisé. Nous avons développé un kit de communication comprenant des outils pédagogiques, qui leur sera envoyé dans les prochaines semaines. Est également en chantier une newsletter électronique qui leur sera spécifiquement destinée, qui comportera, comme du reste la documentation que vous-mêmes recevez, des liens hypertextes vers les sources d'information. Sur le terrain, notre action est relayée par le réseau des délégués militaires départementaux et des officiers généraux des zones de défense et de sécurité.
Étant moi-même membre de la réserve active depuis quarante ans, je suis particulièrement sensible au déficit de communication dont souffre la réserve. Les réservistes sont, en effet, à mes yeux un relais indispensable pour entretenir le lien entre l'armée et la Nation. Comme il y a des familles de militaires, il y a aussi des familles de réservistes, et c'est une tradition qui doit se maintenir. Les contraintes budgétaires en incitent certains à vouloir limiter la réserve aux anciens de l'active : ce serait ignorer qu'un réserviste se recrute jeune pour être formé et spécialisé. Ces mêmes contraintes font que les réservistes opérationnels sont insuffisamment utilisés et que les réservistes citoyens ne le sont pas du tout, alors que la réserve constitue un véritable vivier.
Nous avons donc, avec le contre-amiral de Roquefeuil, secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), proposé au ministre, qui l'a validé, un plan de communication stratégique sur les réserves. Un correspondant réserve, le capitaine Maisonneuve, également responsable de la communication institutionnelle dans l'industrie, a été nommé à la DICoD. Un réseau dédié va être mis en place, en lien avec le CSRM. C'est d'autant plus indispensable qu'intègre désormais la réserve une génération qui n'a pas fait de service national et qu'il importe, sous peine de la perdre, de former et de fidéliser, par des moyens que ne fournit plus un tissu associatif vieilli.
Je terminerai sur la question personnelle qui m'a été adressée. Si j'ai quitté le secteur privé pour retrouver l'administration, c'est d'abord parce que la communication, c'est avant tout un lien avec une personne. J'ai eu la chance d'être le conseiller en communication de Louis Gallois chez EADS : lorsqu'il a quitté ses fonctions, j'ai choisi de partir avec lui, et ma route a croisé celle de Jean-Yves Le Drian, qui a toute mon estime. Je pouvais d'autant moins refuser la responsabilité que l'on m'offrait que j'étais coupable d'avoir créé la DICoD en 1998 et qu'il me fallait achever le travail. Par ailleurs, la communication, qu'elle soit privée ou publique, civile ou militaire, reste un métier spécifique, au service duquel je suis heureux de pouvoir mettre mes compétences.