Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du 4 juin 2014 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Guillaume Pepy, président de la SNCF :

Je vous remercie de nous entendre aujourd'hui. Les 260 000 salariés que comptent la SNCF et RFF n'ont pas compris comment, en quelques dizaines de minutes, un article du Canard enchaîné a créé une polémique nationale devenue en une douzaine d'heures un « scandale d'État », ni comment la réalité des faits a disparu du débat aussi rapidement.

Au rapport remis au ministre, qui a été intégralement publié, sont annexées quelque 120 pièces qui illustrent la véritable histoire de la commande du Régiolis, commande passée par le comité des offres de l'Association des régions de France (ARF), coprésidé par MM. Martin Malvy et Bernard Soulage. Ce dernier, qui n'était pas en France pendant que la polémique se développait, a affirmé à son retour que si c'était à refaire, il passerait la même commande.

Il le ferait parce que les trains Régiolis d'Alstom respectent le gabarit international. Vous en trouverez la preuve dans le dossier, qui présente l'homologation de ces trains par l'Établissement public de sécurité ferroviaire français. Le point central dans cette affaire est que les trains ne sont pas en cause, mais que le dommage infligé à notre industrie par une polémique de cette nature est considérable. Le Financial Times en a fait sa une et la trentaine d'articles publiés à ce sujet dans la presse internationale visait tous à démontrer que l'industrie ferroviaire française ne sait pas s'y prendre. Et, évidemment, les rieurs ne sont pas de notre côté.

M. Jacques Rapoport vous a tout dit des quais : on compte dans les 3 000 gares françaises environ 15 000 quais datant d'il y a quelques mois à 150 ans. Il n'y a rien d'extraordinaire à ce qu'en un siècle et demi, un quai ait bougé de quelques centimètres et qu'il faille le meuler pour que des trains au bon gabarit puissent circuler. Ce qui aurait été contestable, c'est que, la commande ayant été passée, nous ayons échoué ces dix dernières années à moderniser certains quais ; mais sur 15 000 quais, les enquêteurs n'ont recensé que deux ou trois fausses manoeuvres. De même, il a fallu faire passer une bourreuse pour repositionner certaines voies qui avaient bougé en 150 ans. Vous trouverez d'ailleurs, annexés au rapport, des courriers de présidents de conseil régional demandant que ces travaux ne soient pas financés par les régions mais par RFF, ce qui a été fait.

Dès lors, le « scandale », puisque scandale il y a, ne porte pas sur ce qui a été dénoncé. Il réside dans le fait qu'entre la commande des trains, en 2008, et la reprise sérieuse du dossier, en 2011, c'est-à-dire pendant trois ans, les deux établissements publics se sont renvoyé la balle au lieu de se soutenir mutuellement. RFF estimait que son réseau était fonctionnel et qu'il revenait à l'opérateur de s'assurer que ses trains pouvaient y passer ; la SNCF de l'époque considérait que, ses trains étant conformes au gabarit, il revenait au réseau d'ajuster ses installations fixes. Heureusement, en 2011, des personnes de bonne volonté ont souhaité dépasser ce conflit stupide et reprendre les choses dans le bon ordre.

Cette affaire n'a eu aucune conséquence sur la mise en service des trains Régiolis, à une seule exception près, entre Tarbes et Montréjeau, où les travaux sur les voies n'ont pu être réalisés à temps ; le Régiolis y circulera donc avec quelques mois de retard par rapport au calendrier prévu. L'affaire n'a pas non plus eu la moindre conséquence financière, puisque ni les usagers ni les régions ne sont mis à contribution, le financement des travaux figurant dans le budget d'investissement de RFF.

Nous sommes manifestement de très mauvais communicants puisque c'est en vain que, toute la journée suivant la publication de l'article du Canard enchaîné, nous nous sommes efforcés d'en revenir aux faits, en soulignant que les élus des régions de France voulaient rendre les trains plus accessibles aux seniors, aux personnes à mobilité réduite – notamment à celles qui se déplacent en fauteuil roulant – et aux familles voyageant avec des poussettes, tous éléments qui expliquaient le choix d'un train utilisant le gabarit européen et le souhait d'une continuité maximale entre les quais et le plancher des rames. Nous poursuivrons dans cette voie, car le service public ferroviaire doit être accessible à tous, les personnes ayant des difficultés à se déplacer comprises.

À la suite de cette affaire, le ministre nous a demandé de rendre compte aux conseils régionaux de l'état d'avancement des programmes d'accessibilité. Il a également souhaité que nous certifiions désormais l'un et l'autre, avant la signature de l'acte d'achat de nouveaux matériels, que les conséquences de cette acquisition ont été analysées en détail, pour qu'il n'y ait plus aucun risque de malentendu entre nos deux établissements.

Enfin, le projet de loi portant réforme ferroviaire résout la question puisque l'une de ses dispositions centrales prévoit que le système ferroviaire français sera organisé dans son ensemble. Cela rendra impossible que le réseau et l'opérateur poursuivent chacun un chemin solitaire au lieu de coopérer étroitement.

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