MM. Philippe Duron, Jean-Marie Sermier et François-Michel Lambert ont évoqué les dégâts que ce « vrai-faux » scandale a produits à l'étranger mais aussi dans le pays. Ils ont raison. Cette affaire, qui tient de la farce ou de la bévue, éclipse l'immense effort consenti par les régions pour acheter ces nouveaux trains modernes. C'est désolant, alors qu'elles ont déjà acheté 216 nouvelles machines et s'apprêtent à en recevoir d'autres, incontestablement plus confortables et plus accessibles, conformément aux critères définis il y a huit ans par un groupe de travail des régions. Il nous faudra, avec les régions, remonter la pente. Je sais déjà que, sur le terrain, les trains Régiolis sont plébiscités, comme l'est le Francilien en Île-de-France.
M. Philippe Duron a mentionné le comble-lacune. Quel que soit le gabarit, il reste toujours quelques centimètres entre un quai et un train ; le dispositif de comble-lacune consiste, au moment de l'entrée en gare, à déployer des palettes qui compensent cet espace. Mais le mécanisme étant déclenché par un oeil électrique, il suppose que les quais soient parfaitement rectilignes et en excellent état.
Pour renouveler les trains d'équilibre du territoire (TET), une première commande de 531 millions d'euros a été passée à la demande du Gouvernement. Financée par l'Agence des financements des infrastructures de transport (AFITF), elle permet l'achat d'une cinquantaine de machines. Ces nouveaux trains sont destinés à circuler dès cette année sur certaines lignes de moyenne distance. La commande à venir concerne des grandes lignes telles que Clermont-Ferrand-Paris, Limoges-Toulouse ou Bordeaux-Nice. La décision relève du ministère des transports. À ce stade, il a fait savoir qu'il ne voulait pas la réutilisation de rames TGV existantes. Une première solution consiste à acheter des automotrices électriques modernes, en analysant soigneusement le rapport qualité-prix car la série achetée ne sera pas très longue. La seconde solution est de conserver locomotives et voitures, et plusieurs constructeurs peuvent proposer des matériels de ce type. Nous attendons la décision du ministère des transports, dans les prochains mois je l'espère. Je rappelle néanmoins que le financement du renouvellement des trains Corail était assis sur le produit de l'écotaxe.
Je veux redire, monsieur Jean-Marie Sermier, que dans l'affaire qui nous occupe les régions ne sont pas en cause. Toutes sensibilités politiques confondues, elles se sont mises d'accord pour acheter les nouveaux matériels – le Régio2N qui est un train à très grande capacité, et le Régiolis, train plus polyvalent, utilisable quand le trafic est moins dense. Les régions consentent un effort immense : un train vaut 10 millions d'euros et elles ont commandé 216 Régiolis et 83 Régio2N, pour un investissement total proche de 3 milliards d'euros.
Comme l'a indiqué M. Jacques Rapoport, les régions ont appris qu'un problème se posait à la fin de 2011, quand le « dialogue de sourds » entre les deux établissements a pris fin. Elles sont alors entrées, à juste titre, dans une grande colère, nous reprochant de ne rien leur avoir dit plus tôt. À ce moment, nous avons mis les bouchées doubles pour rattraper ces quelques années de retard et, je vous l'ai dit, cet épisode n'a pas d'impact sur la mise en service des trains Régiolis. Le rapport d'audit remis au ministre contient les échanges de courriers et les comptes rendus de comités de pilotage dans lesquelles les régions se sont émues de ce problème et ont fait pression pour qu'il soit résolu.
Vous êtes, monsieur François-Michel Lambert, un spécialiste des autoroutes ferroviaires. Vous le savez donc : à chaque fois que l'on met des camions sur des trains il faut adapter les infrastructures aux wagons, qu'il s'agisse du wagon français de Lohr Industrie ou de wagons suisses ; même pour ces derniers, des adaptations sont nécessaires, bien que plus réduites. C'est un classique de l'industrie ferroviaire : l'introduction de nouveaux matériels suppose d'adapter l'infrastructure.
Les frais facturés par la SNCF pour exercer la maîtrise d'ouvrage et l'assistance aux régions sont élevés. Pour cette raison, certaines régions ont décidé de se passer de son concours technique et juridique et se sont constituées en association pour acheter, seules, du matériel roulant, en appliquant le code des marchés publics ; je n'y vois pas d'inconvénient.
Aurions-nous pu mieux anticiper ? a demandé M. Olivier Falorni. Dans les leçons à tirer de cet épisode, il en est une particulière : une entreprise qui a pour nom SNCF a une exigence de transparence bien supérieure à celle de la presque totalité des acteurs économiques. Je réfléchis avec Transparency International à l'idée de publier régulièrement en ligne l'ensemble des documents afférents au service public, tels que les courriers échangés avec l'État et les élus sur des questions d'intérêt général. La loi sur l'accès aux documents administratifs le permet après un certain délai, et ce sont des éléments de débat public ; pourquoi ne pas réfléchir à une transparence bien supérieure, à l'avenir, dans les missions de service public que nous exerçons et le dialogue avec les parties prenantes ?
Monsieur Jean-Jacques Cottel, vous avez mentionné la desserte d'Arras sans rendre entièrement compte du sujet. Oui, nous avons proposé, à la demande du conseil régional de Picardie qui souhaitait une redistribution de la desserte, qu'à partir de 2015 deux sillons actuellement utilisés par le TGV servent à la circulation de TER entre Paris et Creil. Ce transfert ne s'explique ni par vice, ni par bêtise, ni par appât du gain mais par une analyse qui nous permet de dire que nous pouvons transporter le même nombre de voyageurs entre Paris et Arras en doublant les rames à d'autres horaires, et de proposer au conseil régional de Picardie de mettre à la disposition des passagers deux trains de 1 200 places pour desservir la gare de Creil. Cette proposition est mise en débat. Les personnes concernées à Arras se sont déclarées plutôt défavorables à cette proposition et vous avez relayé leur mécontentement. Mais les personnes qui font la navette tous les jours entre Paris et Creil sont également intéressées par cette proposition, parce que l'on ne peut d'un coup de baguette magique étendre le nombre de sillons horaires à la gare du Nord. Le débat aura lieu avec les élus, entre ceux qui soutiennent le principe du maintien du TGV et ceux qui sont d'accord pour transférer deux sillons au TER entre Paris et Creil à ces horaires-là ; il sera mené à son terme par Mme Barbara Dalibard, responsable des TGV, et par M. Alain Le Vern, responsable des TER. La décision devra être prise avant le 15 décembre.
Mme Suzanne Tallard, M. Guillaume Chevrollier et M. Yannick Favennec ont posé des questions liées à la tarification. Les tarifs TGV sont incontestablement perçus comme étant plutôt élevés, je le reconnais. Pour pouvoir baisser les prix, il faut réduire les coûts ; autrement, on aggraverait la gigantesque dette du système ferroviaire. Notre projet est donc de réduire nos coûts pour pouvoir baisser les prix et limiter les devis que nous proposons aux autorités organisatrices.
La baisse des prix que nous proposons en Bretagne est un test destiné à mesurer si l'on suscite ainsi l'amélioration de la fréquentation. Cette offre concerne une région dans laquelle de nombreux travaux ont eu lieu, qui, par les délais d'acheminent prolongés qu'ils ont suscités, ont donné le sentiment d'une dégradation du service. La réduction sera appliquée pendant huit mois. Elle est de 20 % sur le prix d'appel et de 10 % sur les autres prix. Nous mesurerons à la fin de l'année si la baisse des prix a dynamisé le trafic.
Monsieur Yannick Favennec, la ligne nouvelle Bretagne-Pays-de-Loire fait l'objet d'une convention signée alors que M. François Fillon était premier ministre et qui précise les dessertes. Elle sera respectée.
Nous avons travaillé avec Alstom au projet de « TGV du futur » qui doit se matérialiser à partir de 2018, madame Suzanne Tallard. Le cahier des charges initial a fondamentalement changé. À l'origine, il s'agissait de construire le plus beau train du monde ; l'inconvénient est que si chaque exemplaire du nouveau TGV coûte entre 30 et 35 millions d'euros, il n'est pas surprenant que les tarifs soient ensuite jugés peu attractifs. Aussi avons-nous élaboré un nouveau cahier des charges visant à la fabrication d'un TGV au coût par siège de 30 % inférieur. Cela suppose d'augmenter le nombre de places sans rendre les rames inconfortables. Cela se peut en prévoyant des sièges à la structure plus fine et en remplaçant les voitures-bar par des chariots roulants. Il faut inventer de nouveaux matériels permettant de transporter 600 à 650 personnes et non plus 500 voyageurs comme c'est le cas maintenant. En réduisant ainsi le coût par siège, on peut proposer des prix plus bas. Tel est le défi posé à Alstom.
Au sein de l'EPIC de tête, monsieur Jean-Louis Bricout, un petit nombre de personnes auront pour responsabilité la fonction système, autrement dit celle de penser le système ferroviaire dans son entièreté et non plus par morceaux, ce qui évitera les mésaventures ultérieures dans le fonctionnement général du groupe. Cette réflexion se fera de manière ouverte : les entreprises ferroviaires privées y seront associées.
Je ne saurais vous dire, madame Martine Lignières-Cassou, pourquoi l'affaire a eu un tel écho. Le proche examen du projet de réforme ferroviaire a pu jouer. On comprend qu'une affaire comme celle-là puisse déclencher l'ironie ; la surprise est venue du passage presque instantané du rire au « vrai-faux scandale », si vite qu'il a été impossible de revenir aux faits et de s'y tenir.
M. Laurent Furst a rappelé la tragédie de Brétigny-sur-Orge. Le 12 juillet prochain, un an après l'accident, nous présenterons à notre conseil d'administration respectif le bilan des mesures décidées pour qu'un tel accident ne puisse se reproduire. Avant cela, les familles des victimes nous diront quelle cérémonie du souvenir elles souhaitent, le cas échéant, voir organisée.