Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 4 juin 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

George Pau-Langevin, ministre des outre-mer :

C'est en effet ma première audition parlementaire en tant que ministre des outre-mer, et je suis très heureuse qu'elle ait lieu devant votre commission. Je sais l'intérêt que le président Brottes porte aux sujets ultramarins, et l'investissement des députés d'outre-mer ici présents dans le travail de la commission et la résolution des problèmes économiques de ces territoires.

Je remercie les parlementaires non ultramarins qui sont présents, même s'ils sont peu nombreux : il est important que les sujets qui concernent l'outre-mer soient portés par l'ensemble des parlementaires.

Le développement économique est un enjeu essentiel pour les outre-mer. Certes, les difficultés sont légion, mais je voudrais commencer par rappeler que les outre-mer sont aussi une richesse pour la France. J'évoquais, il y a quelques instants, avec un député du Tarn, l'espace économique et le domaine maritime qui est celui de la France grâce à de petites îles comme Tromelin : la présence de notre pays sur tous les océans est un atout inestimable.

L'outre-mer, ce sont aussi des technologies et des savoir-faire uniques. Je pense à la base de Kourou ou aux bases de recherche dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), avec par exemple le navire Marion Dufresne. N'oublions pas la culture, qu'il s'agisse de la musique ou de la littérature, avec de grands écrivains comme Aimé Césaire ou Édouard Glissant.

Et puisqu'ont été évoquées tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement, les cérémonies qui marqueront demain l'anniversaire du Débarquement, je ne manquerai pas de saluer la part qu'ont prise les Ultramarins à la Libération. L'hommage qui leur a été rendu lundi soir aux Invalides a rappelé qu'ils sont venus spontanément, souvent dans des conditions très précaires, défendre la patrie et les valeurs de la République.

S'il faut souligner tous ces points positifs s'agissant des outre-mer, on ne peut pas pour autant nier qu'ils souffrent d'un certain nombre de problèmes, notamment d'une situation sociale dégradée et d'un taux de chômage très important, en particulier chez les jeunes. Cela me désole d'autant plus que j'ai travaillé pendant une dizaine d'années à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT), à l'amélioration de la formation et de l'emploi des jeunes. C'est donc avec tristesse que je constate que le chômage des jeunes s'est encore accru. Rappelons qu'à La Réunion, le taux de chômage des jeunes avoisine les 60 %. Cette situation est insupportable.

Le tissu économique est fragile, avec de nombreuses très petites entreprises (TPE) qui peinent à faire face à leurs obligations. Il convient de tenir compte de ces situations particulières dans l'examen des enjeux outre-mer.

Des réformes structurelles ont déjà été engagées avec succès, en grande partie avec le concours de votre commission : la loi dite « Lurel » contre la vie chère, la réforme de la défiscalisation ou encore la régularisation des occupants sans titre du domaine public.

Je plaide aujourd'hui pour que l'on tienne compte des difficultés particulières de l'outre-mer dans la déclinaison du Pacte de responsabilité. Sachant qu'il existe déjà des mécanismes spécifiques outre-mer, il faut s'assurer que les mesures qui seront déclinées auront de réels effets positifs pour ces territoires. D'ores et déjà, on peut supposer que certaines des dispositions adoptées pour l'ensemble du pays n'auront pas d'effet significatif dans les outre-mer, puisqu'une grande partie d'entre elles y sont déjà en vigueur. Il en va ainsi, par exemple, de la baisse des cotisations famille de 1,8 point jusqu'à 3,5 SMIC : outre-mer, les entreprises en sont déjà exonérées en tout ou partie jusqu'à 3 SMIC ! Le Pacte de responsabilité perd ici de son impact.

Nous devons oeuvrer à ce qu'il puisse avoir proportionnellement les mêmes effets que dans l'Hexagone, en travaillant à l'élaboration de mesures spécifiques ou complémentaires. Un grand nombre d'entre vous m'ont déjà exposé leurs propositions et l'appréciation qu'ils portent sur les difficultés spécifiques des territoires d'outre-mer. Je sais que Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer de votre assemblée, travaille à l'élaboration de propositions permettant d'y garantir l'efficacité du Pacte de responsabilité, grâce à une déclinaison tenant compte des contraintes particulières de ces territoires. J'y serai, bien sûr, très attentive.

Par ailleurs, les entrepreneurs d'outre-mer et les organisations patronales – Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) – m'ont fait part de leurs souhaits. Je suis toute disposée à me faire l'avocat des outre-mer auprès du Premier ministre, mais je voudrais insister sur le fait que des mesures spécifiques en direction des entreprises d'outre-mer justifient des contreparties spécifiques, notamment en matière d'emploi ou de comportements fiscaux. J'ai cru comprendre que les milieux économiques étaient prêts à entendre ce langage ; j'attends donc avec intérêt les contreparties qu'ils nous proposeront.

Au-delà du Pacte de responsabilité, sur lequel j'espère aboutir d'ici à la fin du mois de juin, nous avons à réfléchir à une feuille de route plus large. Il nous faut définir une politique globale en matière de croissance et d'emploi. C'est la raison pour laquelle nous travaillons sur un projet global en faveur d'un développement économique durable permettant de garantir l'emploi en outre-mer, qui pourrait constituer une sorte d'agenda pour les trois ans à venir.

Cette feuille de route s'ordonne autour de trois axes. Le premier de ces axes est le développement économique et la croissance, qui nécessite de fluidifier les mécanismes de financement de l'économie et d'encourager la production de valeur locale. À titre d'exemple, nous travaillons à la mise en place d'un fond de soutien à l'économie sociale et solidaire, qui pourrait constituer un gisement d'emplois majeur en outre-mer. Le deuxième axe est justement l'emploi, dont le développement passe par l'adaptation de la politique des contrats aidés et un encouragement efficace des entrepreneurs qui ont des perspectives à créer des emplois, notamment dans les plus petites entreprises. L'économie ultramarine repose sur de nombreuses TPE, qui peinent à effectuer leur premier recrutement. Il nous faut les aider : nous envisageons un mécanisme de soutien et d'accompagnement à l'embauche du premier salarié. Le troisième axe est la transition énergétique et écologique, qui est à la fois un défi et une opportunité fondamentale pour nos territoires. Là encore, il nous appartient de faire prospérer des thématiques propres aux outre-mer. Le travail que vous avez confié à Ericka Bareigts, monsieur le président, nous sera ici particulièrement utile.

Je sais que vous travaillez sur bien d'autres sujets, notamment la réforme du code minier, l'octroi de mer ou le suivi de la loi contre la vie chère en outre-mer. Nous y reviendrons certainement à l'occasion des questions. Sachez, en tout cas, que je n'entends pas bâtir une politique sans l'apport des parlementaires, notamment ceux des outre-mer. Je me réjouis donc d'avoir l'occasion de travailler avec vous sur ces sujets qui me tiennent à coeur, et d'entendre les contributions que vous souhaitez apporter à la mise au point de cette feuille de route.

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