Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 4 juin 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

George Pau-Langevin, ministre des outre-mer :

Je vous remercie pour vos interventions. Vos préoccupations sont au coeur de mon action.

Monsieur Letchimy, vous avez exprimé une volonté politique en réclamant un projet adapté à chaque territoire et permettant d'exploiter son potentiel. Il va de soi que la Martinique est riche de l'environnement de la Caraïbe. Cependant, aucun territoire n'est au même niveau. Ainsi, les difficultés de la Martinique ne sont pas celles de La Réunion. Il nous faut donc décliner les politiques en fonction des territoires. Je connais votre action en faveur de la politique régionale et de la coopération, notamment avec le Brésil. Nous étions ensemble au dernier sommet de l'AEC. Grâce aux Antilles et à la Guyane, la France a trouvé sa place au sein d'une aire géographique de 276 millions de personnes, qui ne demandent qu'à travailler avec elle. C'est ainsi que le président du Mexique s'intéresse à la France. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces zones d'influence ou de coopération. L'idée est aujourd'hui mûre que les départements français d'Amérique (DFA) doivent se tourner vers leur environnement régional, et La Réunion vers l'Océan indien, pour exploiter coopérations et solidarités. Ainsi, pour peu qu'on puisse le mettre sur pied, un programme Erasmus dans la zone Caraïbe apparaît extrêmement intéressant. Peut-être l'éclatement de l'université des Antilles et de la Guyane incitera-t-il chaque pôle à travailler davantage avec sa zone géographique.

Vous avez également parlé du BTP, qui connaît des difficultés dans tout l'outre-mer. En toute logique, l'évolution de la défiscalisation aurait dû produire un effet inverse, puisque le CICE a ouvert des possibilités aux très grandes entreprises. Convaincus que le BTP favorisera le développement économique des outre-mer, nous demanderons des mesures spécifiques, au sein du Pacte de responsabilité, pour soutenir la filière. Cependant, la relance des grands chantiers ne sera efficace que si les grandes entreprises engagent la main-d'oeuvre locale. D'où la nécessité de prévoir des contreparties à l'amélioration du CICE. Nous sommes également favorables au développement de la production locale.

S'il est logique de prévoir une loi de programmation sur plusieurs années, on sait que de tels textes ne sont pas toujours respectés, signe qu'un texte ne suffit pas. Il faut également prévoir des plans et adapter les normes à l'échelle des territoires. On peut aussi envisager des lois régionales.

Madame Allain, c'est avec plaisir que je rencontrerai les écologistes quand je me rendrai en Guyane ou à La Réunion. Outre-mer, la question des énergies renouvelables est cruciale, car les territoires ne sont pas connectés et ne bénéficient pas du nucléaire. La production d'énergie étant onéreuse, nous devons nous tourner vers la géothermie en Guadeloupe et en Dominique, exploiter l'énergie thermique des mers à La Réunion et, partout, les possibilités liées au solaire et à la mer. Pour valoriser ces solutions originales, nous nous employons à trouver des partenaires fiables. Je n'ignore pas les difficultés rencontrées en Martinique avec EDF.

Les épandages aériens, sur lesquels vous appelez mon attention, sont maintenant interdits, y compris aux Antilles et à La Réunion. Tous les arrêtés prévoyant des dérogations y ont donc été annulés, et je n'ai aucune intention de revenir en arrière. Les planteurs ont trouvé des solutions alternatives. Ils traitent les plans à partir du sol ou cultivent des espèces de banane résistant à la cercosporiose, de sorte que l'interdiction générale de l'épandage aérien ne leur posera pas de problème. Comme vous, je pense que chaque territoire doit définir son modèle. La solidarité et les valeurs nationales peuvent aller de pair avec le respect de l'identité et des projets spécifiques.

Madame Bello, nous avons eu hier un échange intéressant, au cours duquel vous avez évoqué la coopération régionale sur le plan économique et humain. Vous avez notamment évoqué la situation des jeunes femmes de Madagascar, la lutte contre l'illettrisme à La Réunion et l'importance de développer la production locale. Même si nous ne disposons pas d'une évaluation globale sur l'effet du CICE outre-mer, il est essentiel d'abaisser le coût du travail, compte tenu des surcoûts induits par l'insularité et l'éloignement, et de la concurrence de pays à bas salaires. C'est à ce prix que l'on soutiendra la compétitivité en Martinique, à la Dominique ou à Sainte-Lucie.

Je reconnais avec vous, madame Orphé, qu'il existe une économie spécifique à chaque territoire d'outre-mer, bien que la canne à sucre et la banane soient des constantes à respecter. Les élus doivent concevoir, en lien avec la population, un projet qu'ils auront à coeur de défendre. Pour le Président de la République, la jeunesse est un chantier prioritaire. Les budgets de l'éducation et de la formation ont d'ailleurs été préservés au niveau national. Dans l'outre-mer, la lutte contre le chômage des jeunes est un impératif catégorique, qui doit guider nos actions à l'égard des entreprises.

En matière de logement, certains objectifs semblent difficiles à atteindre. Les aides au logement représentent une grande part du budget de mon ministère. La ligne budgétaire unique (LBU) est consommée. Nous veillons aussi à ce que la construction de logement social bénéficie de la défiscalisation. Une expérimentation porte sur le prêt à taux zéro, conséquence d'un rapport parlementaire de Mme Lienemann. Ce dispositif ne semble pourtant pas devoir se substituer aux autres. Nous avons avancé puisqu'on construit désormais presque 10 000 logements sociaux par an, contre 5 000 en 2007. Reste que certaines lignes ne sont pas utilisées comme elles le devraient. C'est le cas des prêts d'accession sociale à la propriété, que nous continuerons à soutenir, car ils répondent à une exigence sociale et permettent de fixer certaines populations.

Nous venons de lancer une mission de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) à la demande des élus de La Réunion, qui souhaitent intégrer les dépenses du RSA à une réelle démarche d'insertion. Il est bon que les dépenses sociales jouent un rôle actif en matière d'emploi, et que Pôle emploi porte davantage la politique d'insertion des jeunes à travers le RSA et les contrats aidés. Nous attendons les propositions de l'IGAS et de l'inspection générale de l'administration (IGA) pour avancer dans ce sens.

Madame Bareigts, vous avez rappelé que, si les élus doivent élaborer des projets par eux-mêmes, la solidarité nationale est indispensable pour réussir. Vous plaidez pour un CICE propre à favoriser les embauches. Vous soulignez que la BPI ne joue pas encore pleinement son rôle outre-mer. Les représentants de la FEDOM regrettent, eux aussi, que son action ne compense pas la frilosité des banques locales. C'est un sujet auquel je suis attentive.

L'innovation et l'expérimentation sont des chantiers ouverts, même si la loi ne prévoit pas toutes les caractéristiques de nos territoires. Nous avons consenti un effort important sur les contrats d'avenir : 10 % de l'enveloppe nationale sont consacrés à l'outre-mer. N'ayant pas atteint le résultat souhaité, nous étudions les difficultés que rencontrent les collectivités locales pour assumer la partie qui reste à leur charge. Afin de les aider, nous envisageons de porter la participation de l'État à 90 %, voire à 95 %.

Monsieur Aboubacar, je suis consciente des problèmes que rencontre Mayotte, où je me suis rendue en février, en tant que ministre déléguée à la réussite éducative. Il reste beaucoup à faire en termes d'équipement ou de lutte contre la pauvreté. Qu'il s'agisse des bâtiments publics, du logement ou des édifices scolaires, il faut changer la structuration actuelle, la tâche incombant au syndicat mixte d'investissement pour l'aménagement de Mayotte (SMIAM) étant manifestement trop lourde. Vous souhaitez que le calendrier de la réorganisation générale ne retarde pas celui de Mayotte, qui est d'ores et déjà une collectivité unique. D'autres collectivités qui ont fait le même choix pourraient formuler la même revendication, mais il est plus rationnel que les élections régionales interviennent au même moment sur tout le territoire. Du reste, le report de mars à octobre 2015, qui n'est pas considérable, dégagera un peu de temps pour préparer le transfert des responsabilités. Nous pourrons ainsi peaufiner le plan Mayotte 2025.

Madame Berthelot, vous avez rappelé le défi démographique que doit relever la Guyane. La population a été multipliée par cinq ou six en quelques années, ce qui crée, pour les élus et l'État, une responsabilité impressionnante. L'explosion démographique est aussi une chance pour le développement. S'il est difficile de gérer toute la jeunesse, celle-ci est un atout pour l'avenir du pays. L'État est prêt à accompagner la Guyane en matière d'éducation, de police et de justice. Nous avons à coeur de finaliser l'OIN, dont vous avez parlé. Je note votre accord sur les pistes que nous proposons dans le cadre du Pacte de responsabilité, en termes d'offres et de contreparties. Je conviens qu'il est indispensable de nommer les outre-mer dans un texte sur la biodiversité. Enfin, vous avez raison de souligner que ceux-ci peuvent être un laboratoire de la modernité, notamment en ce qui concerne la transition énergétique.

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