Intervention de Guy Dollé

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Guy Dollé, repreneur d'Ascométal :

J'ai fait pratiquement toute ma carrière dans la sidérurgie, d'abord en Lorraine, au centre de recherche de la sidérurgie, ensuite dans le Nord en m'occupant de toutes sortes de produits sidérurgiques, puis comme président de la direction générale d'Arcelor, groupe que j'ai quitté après l'OPE de Mittal, en refusant d'en devenir le président.

L'entreprise Ascométal était une pépite dorée, et elle l'est encore par sa taille : avec 600 000 tonnes d'acier, sa part de la production mondiale s'établit à 0,4 ‰ et celle de la production française à 5 %.

L'activité sidérurgique peut être segmentée selon trois caractéristiques. Premièrement, par la forme, avec la fabrication de produits plats et de produits longs. Deuxièmement, par la composition du produit : les aciers dits « ordinaires », qui représentent 90 % de la production à Florange, Dunkerque ou Fos-sur-Mer ; les aciers alliés, domaine dans lequel évolue Ascométal ; les aciers très alliés qui représentent de très petites productions, où interviennent Aubert & Duval et Eramet ; les inox, qui sont la spécialité du groupe Aperam et qui représentent 2 % à 3 % du marché mondial de l'acier. Troisièmement, par la destination des aciers : ce sont soit des commodités, et le facteur de différenciation est alors le prix, accessoirement le service, soit des spécialités sur lesquelles la barrière d'entrée technique est forte.

Ascométal produit uniquement des produits longs et spéciaux, dans un domaine de niche, avec comme principal débouché l'automobile, qui représente 60 % à 70 % de son activité. Elle fournit également en aciers le secteur de l'énergie pour le matériel de forage, et le secteur de la mécanique, par exemple pour les roues et essieux des TGV.

Au contraire des entreprises produisant des aciers courants, Ascométal ne souffre d'aucun désavantage économique par rapport aux concurrents mondiaux. Florange, par exemple, utilisait du minerai et du charbon exotique dont l'acheminement depuis les ports jusqu'au site générait un surcoût important. Ascométal n'utilise que de la ferraille, c'est-à-dire de l'acier usé dont la France ne manque pas, et de l'électricité. Au surplus, l'Europe n'importe pas d'aciers spéciaux du Brésil, de la Chine ou de la Russie, la barrière d'entrée technique sur ces produits étant suffisamment forte.

Ascométal vend à des transformateurs, qui vendent à des sous-traitants, qui eux-mêmes vendent aux constructeurs automobiles. Il s'agit donc d'une chaîne industrielle dont la performance, en amont comme en aval, est déterminante pour la réussite de l'entreprise. Dans la mesure où elle fabrique essentiellement des pièces de sécurité, les demandes de ses clients sont spécifiques. À cet égard, trois facteurs de succès entrent en ligne de compte. Le premier est sa capacité à fournir cette qualité et ce service. Le deuxième est le partenariat et la co-conception : la nature de l'acier dont auront besoin les constructeurs automobiles, par exemple, pour rendre les véhicules plus performants et plus légers doit être anticipée avec les bureaux d'étude de ces derniers. Le troisième facteur, enfin, est le prix de vente.

Pour terminer ce propos liminaire, j'affirme qu'il n'existe pas de synergie entre les aciers ordinaires et les aciers produits par Ascométal – c'est d'ailleurs pourquoi Usinor l'avait cédée à Lucchini en 1999. Croire en une synergie importante entre Ascométal et Gerdau, producteur d'acier ordinaire, est une erreur stratégique. Comme j'ai l'habitude de le dire, les produits d'Ascométal sont des petites fleurs que l'on ne peut pas cueillir avec des gants de boxes ; autrement dit, le métier des aciers spéciaux nécessite une approche spécifique. Au demeurant, la majorité des concurrents d'Ascométal en Europe produisent uniquement des aciers spéciaux et sont de même taille.

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