Intervention de Frank Supplisson

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Frank Supplisson :

Vous qui êtes, monsieur le président, un grand connaisseur de ces problématiques, vous reconnaîtrez que notre pays adore les grands groupes. Mais l'expérience vécue par cette entreprise au cours des dix dernières années montre combien ce critère est contestable. J'ai eu beau démontrer à l'administrateur judiciaire que notre offre satisfaisait tous les critères légaux, étant la mieux-disante socialement, industriellement et financièrement, il ne démordait pas de sa préférence pour Gerdau. Je suis convaincu que cette préférence systématique pour les grands groupes a même déterminé le choix de certains cadres, qui pensent que l'appartenance à un grand groupe leur ouvrirait des perspectives de carrière plus vastes que celles qu'ils trouvent dans une ETI indépendante de 1 900 salariés.

Le prix de l'énergie est un élément crucial. En effet, les dépenses d'énergie d'Ascométal s'élèvent à plus de 70 millions d'euros par an – 40 millions d'euros pour l'électricité et 30 millions pour le gaz –, soit un peu moins que la masse salariale.

Le prix auquel les électro-intensifs payent l'énergie en France n'est pas compétitif au regard de ce qu'il est en Allemagne, par exemple, et ce alors que le coût de production de l'énergie est très compétitif dans notre pays. Ainsi, quand le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH, est fixé à 42 euros le mégawattheure, le prix de l'électricité facturé à Ascométal est de 65 euros en moyenne.

Certes, la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, a décidé il y a quelques jours de réduire les frais de transport acquittés par les électro-intensifs à hauteur d'un volume global de 60 millions d'euros, ce dont je la félicite car une telle décision va dans le bon sens. Je dois cependant vous signaler qu'elle ne bénéficiera pas à Ascométal, car elle suppose un palier de consommation de 7 000 heures. Or la consommation d'électricité d'Ascométal est irrégulière, à la différence d'industries recourant à l'électrolyse, qui génère une consommation continue. On ne va quand même pas laisser les fours allumés le dimanche pour bénéficier d'une réduction des frais de transport ! Il faudrait que la CRE réfléchisse au moyen de mettre fin à une telle discrimination ; vous aurez l'occasion d'en débattre lors de l'examen du futur projet de loi de transition énergétique.

C'est la réduction des coûts qui nous paraît, madame Bonneton, l'élément décisif pour revenir à l'équilibre. Notre projet de redressement ne repose pas sur un éventuel retournement de la conjoncture. Nous pensons que cette entreprise recèle des gisements d'économies considérables. Notre analyse, contrairement à celle des autres candidats à la reprise, est que ces gisements d'économies ne sont pas à rechercher prioritairement dans la masse salariale.

Cette entreprise supporte 600 millions d'euros de coûts pour 600 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ces coûts sont dus, à hauteur de 240 millions, à des achats de matières premières, de 230 millions à des dépenses « hors matières » – électricité, gaz, électrodes, réfractaires, maintenance industrielle, sous-traitance, transport – et de 130 millions à la masse salariale, soit moins d'un quart de l'ensemble des coûts. C'est pourquoi la solution de « taper » sur la masse salariale ne nous semble pas la plus pertinente pour redresser l'entreprise. En revanche, une analyse détaillée de l'ensemble des coûts « matières » et « hors matières » nous a permis d'identifier des réductions possibles via des renégociations de contrat avec nos fournisseurs.

Notre objectif est de passer d'un déficit d'exploitation de 10 millions à un bénéfice d'exploitation de 55 millions d'euros en quatre ans, pour moitié par des effets de volumes et de prix et pour moitié par des réductions de coût. C'est un programme très conservateur puisque nous prévoyons d'atteindre cet objectif avec une augmentation des volumes de 1,3 % par an. Cela signifie que nous n'avons pas besoin d'un redémarrage important du marché automobile français et européen pour redresser l'entreprise. Notre objectif, validé par l'ensemble des directeurs d'usine, est un retour à l'équilibre de l'ensemble des sites d'ici à dix-huit mois.

Notre offre prévoit le maintien de 1 840 des 1 900 emplois actuels du site du Cheylas, l'essentiel des soixante suppressions de postes se concentrant sur les fonctions support. Au cours des dix dernières années, ce site a, en effet, perdu de nombreuses unités de production – four, aciérie, laminoir – sans que ces suppressions aient été accompagnées d'une réduction des fonctions support. C'est pourquoi nous envisageons de les réorganiser et de les centraliser à Hagondange ; nous proposerons aux salariés dont le poste aura été supprimé à la suite de cette restructuration de travailler sur ce site, appelé à devenir le nouveau siège social de l'entreprise. À ceux qui refuseraient cette proposition, nous soumettrons d'autres solutions, parmi lesquelles une indemnisation extralégale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion