Intervention de Frank Supplisson

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Frank Supplisson :

C'est pour éviter ces risques que nous leur avons imposé l'obligation d'être minoritaires. Je leur ai dit clairement que je ne serai jamais l'employé d'un fonds. Je défends un projet industriel, avec des entrepreneurs qui ont un objectif industriel : permettre à Ascométal de redevenir en quatre ans le leader européen des aciers spéciaux.

Il est vrai que ce marché, qui compte dix acteurs, Ascométal compris, pesant chacun 10 %, est en surcapacité et a besoin de consolidation. Croyez-vous qu'un grand groupe d'un pays émergent, qui cherche à tout ramasser et tout rationaliser à son profit, soit le plus susceptible de permettre à ce marché de faire face à la concurrence et de résoudre son problème de surcapacité ? Souhaitons que les Européens se montrent capables de nouer des alliances entre eux.

Cette offre est française et européenne : nous avons conclu une alliance avec le suédois Ovako, leader européen des aciers spéciaux, représentant de la grande tradition suédoise de fabrication d'aciers spéciaux, vieille de trois siècles. Ce groupe étant basé en Suède et en Finlande, son empreinte industrielle est complémentaire, et non concurrente, de celle d'Ascométal. Sa production est également largement complémentaire de celle de l'entreprise. Ascométal peut, en outre, s'inspirer de son expérience : alors qu'Ovako était en cessation de paiement il y a quatre ans, elle va réaliser cette année un bénéfice d'exploitation de l'ordre de 100 millions d'euros. Ce précédent prouve qu'on peut redresser Ascométal en quatre ans. Enfin, le fonds qui possède Ovako a un horizon de liquidité de deux ans.

À mon sens, l'alliance entre acteurs européens de ce marché est un moyen de résoudre son problème de surcapacité. Aujourd'hui, Ascométal est à genoux, ce qui n'est pas la meilleure position pour discuter une alliance. Si nous parvenons à remettre l'entreprise sur ses pieds, il n'y a aucune raison pour ne pas envisager, le moment venu, la relance d'un projet européen où Ascométal saura faire valoir ses intérêts. La France, qui est le plus grand producteur de ferraille en Europe et qui a le coût de production le plus faible, n'a pas vocation à fermer ses aciéries.

Ascométal compte quatre constructeurs automobiles parmi ses grands clients : Renault, PSA, Daimler et Volkswagen. Il faut conforter ces positions, voire reconquérir les parts de marché perdues chez ces constructeurs ; il n'est pas normal que l'entreprise ait perdu 90 % de ses parts de marché chez Daimler, et l'une de mes missions sera d'ailleurs de recréer la confiance chez ces grands clients. Il faut également conquérir de nouveaux clients chez les autres constructeurs automobiles.

Ayant participé à la rédaction du décret de 2005 dont le décret « Alstom » étend le champ d'application, je pourrais difficilement vous dire du mal de ce dispositif. Je trouve que cette extension est une bonne décision. La France n'a aucun intérêt à faire preuve d'angélisme s'agissant d'actifs stratégiques tels que les centrales hydrauliques dont nous venons de parler. En l'espèce, le décret « Alstom » n'a démontré ni son utilité ni son inutilité, puisque le tribunal a retenu l'offre de reprise la mieux-disante, dont il se trouve qu'elle était majoritairement française.

Il suffit de lire la presse, madame Massat, pour comprendre combien les « milieux parisiens » ne croient plus à la possibilité d'un grand projet industriel français et européen, quand ils ne le jugent pas suspect. Désormais les investisseurs ou les institutions n'ont que les start-up du numérique ou des services à la bouche. Ils oublient que l'acier est la matière première de l'industrie. L'acier représente 95 % du poids d'une voiture ou d'une locomotive. On peine à convaincre l'opinion publique que la France est très bien placée pour conserver, voire développer, sa capacité de produire cette matière première de l'industrie.

Cette activité présente, en outre, l'avantage d'être une industrie très verte, puisque 95 % de l'acier consommé en France est recyclé. Elle est également très saine sur le plan économique, puisqu'on réinjecte une matière issue de la consommation des Français dans le circuit de production.

Par ailleurs, l'emploi d'aciers spéciaux est un facteur clé de réduction des émissions de gaz à effet de serre par les automobiles, puisque ceux-ci entrent dans la fabrication des moteurs hybrides et permettent de réduire le poids et la taille des voitures.

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