Intervention de Vincent Peillon

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Enseignement scolaire

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier très chaleureusement pour la qualité du débat de ce matin, pour la qualité de vos interventions même quand, c'est le jeu normal de la vie démocratique, il fallait chercher des arguments d'opposition. Je pense d'ailleurs que ceux-ci sont utiles. J'en ai été heureusement frappé, madame la rapporteure : vous avez évoqué à plusieurs reprises cette mission de l'école au sein de la République qui est d'essayer d'élever l'élève – le beau nom d'élève… –, c'est-à-dire élever chacun au-delà de son intérêt particulier ou de son individu singulier à la prise en compte du point de vue de l'autre et de l'intérêt général. Ce respect de chacun, qui est au coeur de l'école de la République, doit être aussi au coeur de nos échanges.

C'est pourquoi je souhaite vous répondre non pas en reprenant un exposé conventionnel de ce budget qui répéterait des éléments que vous avez rapportés, car j'ai mesuré que vous le connaissez bien, mais en essayant de répondre aux inquiétudes, aux interrogations, aux critiques même, légitimes qui sont les vôtres.

Il est évident que ce budget est un budget de rupture, mais cela ne veut rien dire en soi. Il s'inscrit dans une stratégie sur laquelle nous aurions besoin de nous accorder. L'analyse que nous faisons de la situation de notre pays est double : d'une part, une crise de l'avenir, que certains d'entre vous ont évoquée, crise qui touche évidemment l'école puisque celle-ci prépare l'avenir, qu'elle est l'avenir même du pays et qu'elle est présente, on a eu raison de le rappeler, dans le débat actuel sur la compétitivité ; d'autre part, une interrogation profonde, présente depuis des années dans le débat public, parfois de façon erronée, sur l'identité nationale de la France. Car à la fois la France doute d'elle-même et de sa capacité collective à se projeter dans l'avenir, et s'interroge sur son identité. Les deux sont liés, c'est un même mouvement. L'identité républicaine de la France a toujours été pensée dans un rapport à l'instruction et à l'éducation. C'est un patrimoine commun à tous les républicains – même s'il a été défendu d'abord par la gauche.

Je le rappelais au Président de la République il y a encore quelques jours, ayant à l'esprit le désastre de l'école de Toulouse : lorsque le président Jacques Chirac ouvrait le débat sur l'école en 2003, il se souvenait encore que l'identité nationale de la France se pensait dans son rapport à son école, de Condorcet à Jules Ferry, en passant évidemment par Jean Zay, par le Conseil national de la résistance, et par toute une histoire qui est notre patrimoine commun. Nous sommes face à une grande tâche, dont il est aujourd'hui légitime de dire qu'elle est une tâche de refondation parce que nous sommes obligés, les uns et les autres, de faire un diagnostic commun, que vous avez d'ailleurs justement reconnu : l'école ne remplit plus sa fonction de creuset de la République parce que ses fondements même sont attaqués. Quels sont ces fondements ? Je comprends cette interrogation exprimée par plusieurs orateurs. Il s'agit de choses très simples sur lesquelles nous avons l'obligation de construire un consensus, et je me réjouis qu'il soit au fond construit dorénavant. Si tant de réformes accumulées au fur et à mesure de décennies n'ont pas porté leurs fruits, c'est parce qu'on n'a pas su intervenir sur ces fondements même.

Le premier fondement a été rappelé à juste titre : la priorité au primaire. Il y aurait tout de même un paradoxe, dans ce débat quelque peu réducteur sur la quantité et la qualité – j'y reviendrai –, à nous dire d'un côté que nous sommes « dépensolâtres », et de l'autre que le compte n'y est pas sur le primaire avec 3000 postes et 300 millions d'euros en plus. Respectons la cohérence : soit on pense que c'est trop, et alors il faut l'assumer, soit on pense que ce ne l'est pas. Et ce n'est pas trop car il s'agit d'une priorité, d'où une augmentation du budget sur cinq ans. Mais toutes ces augmentations sont suspendues à des améliorations qualitatives liées à l'analyse, que nous pouvons partager, de ce que sont ces fondements.

Deuxième fondement : la remise en place d'une formation des maîtres.

Troisième fondement : la nécessité, vous le savez, de davantage d'enseignement pour nos enfants.

Ce sont les trois grands points. Le premier, la priorité au primaire, est présent dans le budget. Elle devra se développer au fur et à mesure des années qui viennent. Le deuxième représente l'essentiel des créations de postes de ce budget, à savoir des postes pour la formation des enseignants. Il est tout à fait évident qu'elle est indispensable à la qualité même de l'enseignement qui est dispensé. S'il faut plus d'enseignants pour accueillir les moins de trois ans ou pour organiser les remplacements, il faut aussi qu'ils soient mieux formés. Ce n'est pas en supprimant la formation des enseignants qu'on y arrivera. Certes, sa remise en place est un sujet difficile. Après les expériences des écoles normales, qui ont été des réussites, après les intentions louables des IUFM et les difficultés qui ont été les leurs, nous choisissons de créer des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, dans le cadre de l'autonomie des universités, sur laquelle nous ne revenons pas, en voulant une entrée progressive et professionnelle dans le métier. Nous sommes parfaitement conscients que la tâche va être difficile. Quelle doit être la formation dispensée à un enseignant qui aura affaire à des enfants qui, pour certains, vivront au siècle suivant ? C'est une responsabilité considérable, mais toutes les grandes réformes de l'éducation ont d'abord été des réformes de la formation des enseignants. À cet égard, j'aborde cette question avec humilité et les apports des uns et des autres, y compris bien entendu les praticiens, seront extrêmement utiles dans la phase qui s'engage.

Il en est de même de la question des rythmes scolaires. S'agissant de la tyrannie du quantitatif, c'est précédemment qu'elle a joué : ce ne sont pas des objectifs pédagogiques qui ont conduit à la suppression de la formation des enseignants, ni à celle de la quatrième journée et demie, ce sont des exigences purement budgétaires,…

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