…et ce malheureusement au détriment de l'école. Si je donne aussi la priorité à la formation et à sa traduction budgétaire, c'est d'abord parce que je pars d'éléments qualitatifs pour assurer la réussite de tous dont nous avons besoin. À cet égard, j'ai tout de même entendu trop de contradictions : vous avez ont voté un rapport pour le retour à une organisation du temps scolaire et du temps éducatif différente – qui comprenait les quatre jours et demi et la journée de cinq heures – après que mon prédécesseur avait mené une longue consultation qui était arrivée à cette conclusion à l'unanimité des personnes consultées ; et au moment où je veux faire cette réforme, que vous souhaitiez vous-mêmes, elle n'aurait plus de valeur... Il n'est pas possible que notre pays n'accorde que 144 jours de classe aux élèves. Il faut du temps pour apprendre. Il faut du temps pour enseigner. Ce serait tout de même invraisemblable que nous nous permettions de juger la réussite ou les échecs des élèves sans leur donner les conditions élémentaires, dont nous avons profité nous-mêmes et qu'ils n'ont plus, pour apprendre. Vous savez bien que l'on a supprimé l'équivalent d'une année de classe sur les trois dernières décennies.
On demande de la concertation. Mais elle a eu lieu tous azimuts, elle a repris, elle est constante ! Je recevrai encore lundi des représentants des collectivités locales ; et il n'y a pas qu'elles. Mais à un moment il faut marquer une volonté politique, affirmer qu'un intérêt général vaut plus qu'une somme d'intérêts particuliers, avoir comme constante l'intérêt des élèves parce que nous savons, vous l'avez dit vous-même, monsieur Apparu, que c'est l'intérêt du pays.
C'est l'intérêt du pays parce qu'il faut faire nation ensemble. Et de ce point de vue, Madame Buffet, vous avez raison : le projet d'école que nous portons est un projet de société et même de civilisation. Nous devons assumer cela.
En même temps, pour répondre aux défis du XXIe siècle, nous devons nous attaquer à ce noyau dur de l'échec scolaire – 20 % d'une classe d'âge – qui mine la cohésion républicaine et sociale et la compétitivité de la France.
En même temps, sans que ce soit contradictoire, nous devons inculquer des valeurs à la jeunesse de France. C'est notre responsabilité. À cette tribune, jamais personne n'a confondu la neutralité religieuse – et donc la tolérance et la laïcité – avec la neutralité morale.
Vous avez pu dire : nous ne pouvons pas accepter que des enseignants ne puissent pas aujourd'hui dans notre pays enseigner la doctrine de l'évolution ou certains événements de notre histoire. Je partage profondément ce point de vue. C'est précisément au coeur de l'action que nous conduisons en armant mieux les professeurs par la formation et en défendant ce projet d'une éducation de morale laïque, qui s'inscrit d'ailleurs dans la continuité de certaines actions menées au cours des dernières années.
Il ne s'agit pas de réforme pour la réforme ou de rupture pour la rupture. Pourquoi nous faire ce procès ? Pas une seconde nous n'avons projeté de revenir sur une initiative positive comme l'école inclusive, mise en place par la loi Fillon pour répondre au handicap, dont vous avez parlé très longuement et sur laquelle ma collègue George Pau-Langevin va s'exprimer. Vous imaginez les tensions qu'il y a eu, connaissant le monde syndical. Mais, franchement, m'accuser de céder aux uns et aux autres ! Jamais, à personne ! Je me préoccupe uniquement de l'intérêt des élèves.
Venons-en au débat récurrent sur le socle commun dont la difficulté est connue : tel qu'il a été conçu, il ne permet de coordination ni avec les programmes ni avec les évaluations. Nous gardons le socle commun de compétences, de connaissances – et de culture, car la République a toujours porté non pas l'idée d'un minimum mais le projet d'une éducation libérale. Mme Le Pen se trompe, de ce point de vue : nous devons enseigner à lire, à écrire et à compter, mais aussi, comme le projetaient déjà les premiers républicains, permettre aux enfants de tous milieux d'avoir accès à ce qu'on appelait les arts libéraux, c'est-à-dire la culture et la civilisation les plus hautes.
Quand des actions sont positives – l'accompagnement individualisé, par exemple –, nous les gardons. En ce qui concerne le numérique, nous poursuivrons ce qui a été entrepris et il faudra même faire bien davantage. Des expériences sur les rythmes scolaires ont eu lieu dans certaines collectivités. Vous verrez dans la loi que nous permettrons aux expérimentations de se poursuivre, à l'inventivité sur le terrain de s'exprimer, et nous irons beaucoup plus loin que ce qui a été fait jusqu'à présent pour accorder aux projets éducatifs locaux toute leur portée.