Intervention de Vincent Peillon

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Enseignement scolaire

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Nous irons même jusqu'à faire entrer les collectivités locales dans les contrats d'objectifs.

Madame Buffet, vous vous inquiétez des prérecrutements. À ce stade, notre responsabilité était de remettre en place la formation des enseignants, de permettre à de jeunes citoyens français de tous milieux de devenir professeurs. Nous nous sommes battus pour qu'il y ait des emplois d'avenir de professeurs, et cela a été difficile, parce que ce n'était pas l'objectif immédiat de ce type d'emplois.

Pour les étudiants de milieux modestes, qui ont vécu un déclin terrible de leur condition durant les dix dernières années, c'est l'une des rares bonnes nouvelles depuis longtemps. Dès janvier 2013, ils vont pouvoir se consacrer à leurs études et à devenir des professeurs.

On pourrait toujours souhaiter le retour aux mécanismes plus complets et plus longs d'autrefois, mais le dispositif tel qu'il est conçu permettra à l'étudiant d'entrer dans un parcours continu, depuis sa deuxième année d'université jusqu'à l'exercice de son métier – deuxième année, troisième année, master 1, année de formation – en étant payé pour devenir professeur.

Vous verrez, comme nous le constatons déjà, que cela permettra à des jeunes Français très divers de retrouver le chemin de l'école de la République. Quant à nous, qui avons bénéficié d'une école qui a tenu la promesse républicaine de promotion pour tous, comme le montrent les études sur un siècle, nous aurons fait en sorte que ce mouvement renaisse. J'ai une très grande confiance dans ce dispositif parce que je suis convaincu que son succès va encourager les uns et les autres à le développer et à le pérenniser.

Nous avons le même problème avec les postes créés dans le domaine de la sécurité, avec ces emplois d'avenir, et avec ceux qui accompagnent les enfants en situation de handicap. L'éducation nationale va devoir mieux garantir la qualité, la certification, les carrières de ceux qui font ces métiers. C'est inscrit au programme de notre action.

Nous ne devons pas trop céder à l'urgence, et d'ailleurs j'avais parlé de réparation. Je n'aime pas l'urgence. Nous devons renouer avec le temps long, celui de l'action éducative et de l'action publique, et avec la raison. Cela suppose que nous agissions dans la durée. Il faut commencer par le commencement, et nous essayons : c'est la formation des professeurs, c'est la priorité donnée au primaire. Mais nous devrons inscrire notre action dans la durée.

Aucun d'entre nous ne pense qu'un budget va changer la figure de l'école française. Chacun d'entre nous sait que les bonnes intentions peuvent parfois conduire à des résultats contraires dans l'éducation, comme vous l'avez souligné en évoquant la réforme des lycées. Chacun sait qu'il nous faudra beaucoup de constance, d'opiniâtreté, d'humilité, de précision dans la mise en oeuvre des réformes auxquels nous devrons associer tout le monde.

La loi dont nous aurons à débattre dans quelques semaines ou quelques mois, et qui répondra à beaucoup de vos interrogations, ne changera pas non plus la réalité de l'école, car il n'y a pas de fiat lex, nous devons sortir de cette pensée magique, même s'il y a eu de grandes lois. Il faudra que nous en assurions le suivi, que nous soyons attentifs à ce qui se produit sur le terrain, que nous menions les actions dans la durée. C'est ce que nous ferons.

De ce point de vue, je n'ai pas d'opposition à la question de l'autonomie que je crois juste. L'autonomie, c'est la capacité de se donner à soi-même la règle. C'est le principe même du Contrat social de Rousseau, de la loi morale de Kant que l'on faisait apprendre aux petits républicains.

L'autonomie, c'est le plus beau mot ; le contraire, c'est l'hétéronomie : les autres jugent pour vous-même. Mais quelle autonomie pour ces établissements ? Telle est la question posée notamment par les chefs d'établissement, les équipes pédagogiques. Nous irons dans cette direction parce que nous constatons que souvent l'innovation, le combat au front social, là où c'est difficile, sont menés par des équipes locales auxquelles nous devons donner les moyens – ce sera la réforme de l'éducation prioritaire – d'accomplir au mieux leur tâche de connaissance et de justice.

Il n'y a pas d'a priori dans le rapport aux entreprises. Je considère que c'est notre responsabilité d'émanciper individuellement, de permettre l'instruction et l'épanouissement personnel. Cependant, dans un pays où il y a plus de trois millions de chômeurs, une jeunesse particulièrement attaquée et depuis si longtemps, une précarisation croissante, nous tous, d'autres générations, qui avons bénéficié d'autres positions, nous devons prendre en charge l'insertion professionnelle des jeunes. Nous devons concevoir que cela fait partie de nos missions d'éducateurs.

Il faut le faire sans céder aux demandes immédiates des uns et des autres, mais en révisant le service public d'orientation, en permettant des liens entre l'école et l'extérieur dès la sixième, et en faisant en sorte que les jeunes, surtout ceux des milieux les plus défavorisés, puissent avoir la connaissance des métiers qui s'offrent à eux et des formations qui y conduisent. Ce n'est pas le cas actuellement dans notre pays, ce qui explique en partie les 150 000 décrocheurs – via les orientations subies – et les 600 000 emplois non pourvus dans certains secteurs.

S'agissant des internats d'excellence, madame Pompili, je répète que je crois profondément à l'internat. Même si certains élus locaux ont été heureux d'avoir un internat d'excellence compte tenu des moyens octroyés, je crois que cela a été une erreur considérable : les rapports de l'inspection générale que j'ai rendus publics vous permettront de voir que la dépense ne correspond pas à leurs résultats. D'un autre point de vue, philosophiquement, ils nous amènent à ne pas traiter les autres internats comme on le devrait. Tous les internats doivent être excellents. Nous ne devons pas en permanence sélectionner, que ce soit d'ailleurs par l'échec ou par la réussite.

L'un des grands objectifs que nous devons nous fixer est de recréer du commun entre les enfants de France. Nous devons cesser de penser qu'il faut toujours individualiser et différencier. Il faut personnaliser, bien entendu, mais c'est une notion morale et politique. La pédagogie différenciée consiste à porter de l'attention à chacun. Faire croire que l'on peut faire nation sans partager des valeurs, des connaissances, des projets communs, sans même se rencontrer et en étant séparés les uns des autres dès le début de notre vie, que ce soit par le territoire ou l'école, c'est une erreur profonde que nous ne devons pas admettre.

Les temps qui vont venir vont être des temps de débats et de réformes sur l'école. Cette refondation sera conduite avec constance. Lorsque je vous présenterai la loi d'orientation et de programmation, vous verrez que les moyens affichés cette année – vous avez déjà le programme triennal – seront portés sur tout le quinquennat. Le seul effort que nous avons à faire, sachant d'où nous partons et après l'analyse des échecs, des difficultés, des semi-réussites qui ont été les nôtres collectivement au cours des dernières années, c'est d'être collectivement les plus intelligents possible.

La réforme des rythmes ? Elle est nécessaire mais pas facile, il faut donc être intelligent dans sa mise en oeuvre. Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation ? Si nous ne sommes pas vigilants, elles redonneront les échecs que nous avons déjà connus. La priorité au primaire ? Si cela ne doit pas rester flatus vocis, uniquement du verbe, il faut la nourrir d'expériences différentes de transformations pédagogiques. L'ambition numérique ? C'est la même chose.

J'attends de vous que nous ne nous divisions pas, ni à l'intérieur ni à l'extérieur de l'école, pour mener à bien cette refondation. Je suis convaincu que cette priorité à l'école qu'a fixée le Président de la République, que permet le Premier ministre, nous rassemble très au-delà de nos familles politiques parce que nous considérons tous que l'intérêt des élèves est premier, qu'il est l'intérêt de notre pays, et qu'il est aussi une certaine idée, la plus belle, de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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