Intervention de Marie-Christine Dalloz

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Cette proposition de loi se fonde sur une réalité : dans notre pays, près de 150 000 enfants sont placés dans des services de l'ASE gérés par les conseils généraux. Pour ces enfants, les départements prennent donc le relais des familles et assument, en lieu et place des parents, l'ensemble des responsabilités et des frais liés à l'exercice de la parentalité.

Le texte pose la question de savoir qui doit bénéficier des allocations familiales et de l'ARS lorsque l'enfant est confié au service de l'ASE sur décision du juge. Les conseils généraux paient les établissements et les familles d'accueil, financent les frais de scolarité, les déplacements, les activités culturelles ou sportives, les vêtements, les repas, etc. – bref, couvrent l'ensemble des frais inhérents à l'éducation d'un enfant. Pourtant, alors que les familles biologiques n'ont plus aucune charge, elles continuent, pour 85 à 90 % d'entre elles, de percevoir des allocations familiales, en totalité ou en partie, et la totalité de l'ARS.

L'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est très clair : la part des allocations familiales due à la famille pour un enfant confié au service de l'ASE est versée à ce service. Cependant, le même article réserve la possibilité pour le juge de décider de maintenir le versement des allocations à la famille et, d'exception, ce maintien est devenu la règle. La jurisprudence l'a voulu ainsi : dans la majorité des cas, la famille continue de percevoir l'intégralité des allocations.

Sur le plan des principes, il est difficilement concevable que des familles qui n'assument plus la charge effective et permanente d'un enfant continuent de percevoir l'intégralité des allocations familiales au même titre que celles dont les enfants ne sont pas placés : cela contrevient à la justice et à l'équité dont vous vous faites, chers collègues de la majorité, les fervents défenseurs.

La proposition de loi poursuit un double objectif : revenir à la volonté initiale du législateur, selon laquelle les allocations familiales doivent bénéficier à la personne, physique ou morale, qui assume la charge effective de l'enfant ; laisser la possibilité au juge de maintenir la part d'allocations due au titre de l'enfant placé à la famille, tout en l'autorisant à la répartir entre cette dernière et l'ASE.

L'article 1er prévoit, d'une part, de réserver en priorité le bénéfice des allocations familiales au service qui prend en charge l'enfant placé – à savoir le service de l'ASE – en supprimant la saisine d'office du juge et, d'autre part, de laisser le juge décider, après qu'il aura été saisi par le président du conseil général, soit du versement de la totalité de la part des allocations familiales due au titre de l'enfant placé – selon les termes de la législation actuelle –, soit d'une répartition de cette part entre la famille et l'ASE. L'article 2, quant à lui, tend à octroyer le versement de l'ARS au service de l'ASE, au titre des enfants qui lui sont confiés.

Mes chers collègues, il n'est pas éthique qu'une famille qui assume pleinement la charge de ses enfants soit placée sur un pied d'égalité avec une autre dont un ou plusieurs enfants sont placés par l'ASE en famille d'accueil ou en établissement. Il n'est pas éthique non plus que l'ARS continue d'être versée à la famille biologique alors même que ce sont les départements qui supportent la totalité des dépenses de scolarisation de l'enfant.

D'après la Caisse nationale des allocations familiales, en 2011, l'ARS a bénéficié à 2,8 millions de foyers, pour un coût de 1,5 milliard d'euros ; l'an dernier, son montant s'est élevé à 300 euros en moyenne, et elle a été versée aux parents de 4,8 millions d'enfants. En l'état actuel du droit, cette allocation, seulement destinée à couvrir les frais de rentrée scolaire, continue d'être entièrement versée à la famille alors que les départements assument l'intégralité de ces frais – et, en outre, versent aux familles d'accueil un montant forfaitaire variant en fonction du niveau scolaire de l'enfant. Comment justifier une telle situation quand l'enfant n'habite plus chez lui et est entièrement pris en charge par les services de l'ASE ?

Cette question a fait l'objet d'une proposition de loi similaire de Valérie Pécresse, ainsi que d'amendements que j'ai déposés à l'occasion de l'examen inachevé de la proposition de loi socialiste relative à l'autorité parentale. Le groupe SRC ne souhaite pas adopter le présent texte en l'état, puisqu'il a demandé un vote solennel, qui devrait avoir lieu dans la semaine du 17 juin. Pourtant, cette proposition de loi n'est pas partisane : elle est de simple bon sens et a pour seule ambition de renforcer la cohérence de l'ASE. Elle ne réduit en rien les moyens consacrés à l'éducation des enfants confiés à la puissance publique. Le groupe UMP soutient donc ce texte, qui nous donne l'occasion d'instaurer la justice et l'équité entre les familles, sans toucher, bien évidemment, aux droits de l'enfant.

Nos collègues de l'opposition ont-ils rencontré les familles d'accueil et leurs représentants ? Celles-ci sont profondément choquées du traitement qui leur est réservé, notamment du versement de l'ARS aux familles biologiques alors que celles-ci ne voient leurs enfants qu'une journée par mois.

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