Cette proposition de loi requiert toute l'attention du groupe UDI pour trois raisons.
Tout d'abord, elle intéresse un public particulièrement fragilisé : les enfants qui ont été retirés à leur famille sur décision judiciaire pour être placés en famille d'accueil ou en établissement dans le cadre de l'ASE.
Ensuite, elle obéit à une démarche pragmatique, fondée sur l'écoute des services départementaux, des professionnels des structures et des familles d'accueil. Intervenant dans un contexte délicat, puisqu'il importe de prendre en compte à la fois l'intérêt de l'enfant et celui de la famille autour de l'enfant, ce texte s'efforce de proposer des mesures sans parti pris idéologique, fondées sur le respect de l'enfant, de ses parents et des acteurs sociaux qui suppléent ceux-ci dans leur rôle éducatif.
Enfin, ces mesures prennent en compte l'objectif ultime, à savoir, chaque fois que les circonstances le permettent, la reconstitution durable de la cellule familiale.
Le texte pose pour règle que celui qui assume de façon effective la responsabilité de la vie sociale et éducative de l'enfant bénéficie du versement des allocations familiales et de l'ARS. Or, lorsqu'il y a placement, cette responsabilité incombe aux services de l'ASE. Il ne s'agit donc pas d'une sanction à l'égard des familles : celle-ci consiste dans le placement de l'enfant. Il s'agit, je le répète, d'appliquer un principe simple : celui qui assure l'entretien de l'enfant perçoit les ressources qui permettent cet entretien, comme le prévoit d'ailleurs l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale.
L'examen du texte au Sénat a permis de construire un dispositif équilibré, puisque le juge – saisi d'office ou à l'initiative du président du conseil général – conserve la prérogative de décider du maintien ou non du versement des allocations à la famille. Le montant versé à celle-ci est alors partiel, et ne peut dépasser un plafond fixé à 35 % des allocations familiales normalement perçues.
Les familles qui maintiennent un lien moral ou matériel avec l'enfant peuvent donc, à l'appréciation du juge et au regard des circonstances propres à chaque cas particulier, continuer à bénéficier d'une partie des allocations familiales. Encore une fois, nous sommes face à un texte qui fait la juste part entre l'intérêt de l'enfant et le respect des familles et de leur volonté éducative.
Ce texte constitue aussi, à certains égards, la reconnaissance de l'action conduite par les services sociaux du département chargés de l'accueil et de l'éducation des enfants ainsi accompagnés. Je pense aux personnels des établissements, mais aussi aux familles d'accueil et aux assistantes familiales, qui réclament depuis longtemps ces dispositions.
Il y avait une réelle incompréhension, chez les dernières, vis-à-vis de situations paradoxales où elles assuraient pleinement la responsabilité de l'entretien de l'enfant placé alors que les allocations familiales ou de rentrée scolaire continuaient d'être versées aux familles qui n'entretenaient plus de lien avec l'enfant. Or c'est souvent de l'incompréhension que naît le sentiment d'injustice.
L'examen de ce texte pourrait être l'occasion de soulever la question des conditions d'exercice de leurs missions par les assistants familiaux. L'accueil à domicile d'un enfant placé par les services de la protection de l'enfance est en effet une lourde responsabilité. Cette profession supporte une lourde exigence, celle d'assurer aux enfants un accueil de qualité et d'organiser concrètement leur parcours en tenant compte de leur état d'esprit et de la psychologie de leur âge. L'accompagnement de ces assistants familiaux dans l'exercice de leurs missions, les conditions de leur rémunération, les modalités de révision de leur agrément, leur suivi par la médecine du travail, les échanges qu'ils ont avec l'ASE à propos du parcours de l'enfant sont autant de sujets qu'il conviendrait de traiter pour leur ménager une juste place dans le dispositif de protection de l'enfance. Ce travail pourrait être mené dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur la législation relative à la protection de l'enfance. L'examen et l'adoption de cette proposition de loi ne sauraient en effet exonérer le Gouvernement et la représentation nationale de cette approche globale.
Cependant, quoique parcellaire, le présent texte s'inscrit dans une démarche pragmatique qui vise à dissiper, par des mesures concrètes, le sentiment d'injustice né de la législation actuelle et de son application. Il est de nature à assurer une répartition plus équitable des ressources entre les services sociaux des départements et les familles des enfants placés. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI le votera.