Intervention de Barbara Romagnan

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Romagnan :

Monsieur le rapporteur, au nom du groupe SRC, je salue votre initiative et votre souhait d'un débat apaisé, ouvert à la société civile.

Nous sommes favorables à la création de la commission d'enquête que vous nous proposez car il est toujours positif d'évaluer les politiques publiques. En l'espèce, cette démarche est particulièrement justifiée, d'une part, parce que les vingt années écoulées depuis les lois « Robien » de 1996 nous permettent d'avoir un certain recul et, d'autre part parce qu'alors que le chômage ronge le pays et que la croissance est atone, il n'est pas exclu que la réduction du temps de travail puisse avoir aujourd'hui un impact positif sur l'emploi.

Selon l'article unique de votre proposition de résolution, le travail de la commission d'enquête portera « notamment [sur] la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail ». S'il est vrai que les lois dites « Aubry » constituent l'essentiel du dispositif de réduction du temps de travail et que, d'autre part, votre formulation n'y borne pas le champ des investigations, je m'interroge sur cette précision qui peut paraître superflue.

Nous nous reconnaissons néanmoins dans l'approche globale que vous avez choisie, prenant en compte « l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail ».

À vrai dire, le travail est d'ores et déjà largement partagé. Certains ne travaillent pas du tout, d'autres travaillent trop – selon l'INSEE, la durée réelle d'un temps plein dans notre pays est supérieure à trente-neuf heures –, tandis que nombreux sont ceux qui ont du mal à s'en sortir parce qu'ils sont employés à temps partiel – je devrais d'ailleurs dire « nombreuses » puisque ce sont à 82 % des femmes. Ce partage de fait génère de la souffrance ; il se traduit par des arrêts maladie, par l'absentéisme et par le recul de la qualité. Il a donc un impact sur la productivité et sur les comptes sociaux.

Sans avoir eu à se prononcer, les citoyens sont donc confrontés à un partage du travail qui résulte du fonctionnement du marché et de la croissance de la productivité. Cette situation n'est d'ailleurs pas spécifique à notre pays. Aux États-Unis, même avant la crise des subprimes, les « petits boulots » étaient tellement répandus que la durée moyenne du travail était inférieure à trente-quatre heures. Au Pays-Bas, 75 % des femmes travaillent à temps partiel ; elles sont 45 % en Allemagne. Quelle peut être alors leur carrière ? Comment vivre dans ces conditions en cas de séparation ? Les gains de productivité auraient pourtant dû offrir des perspectives positives. Les travaux les plus pénibles peuvent en effet être réservés aux machines et le temps ainsi dégagé permettre aux actifs de se consacrer à leurs proches, à leur vie personnelle ou à des activités bénévoles.

La commission d'enquête qu'il nous est proposé de créer constituera une occasion de discuter du temps de travail, outil potentiel d'une baisse du chômage, et d'une amélioration non seulement du rapport au travail, mais aussi de la qualité de vie du plus grand nombre.

Selon le projet de rapport que vous venez de nous remettre, « l'application générale et indifférenciée des trente-cinq heures a été un facteur de désorganisation et de dégradation de la qualité de vie au travail ». Relevons toutefois que l'impact des réformes n'a pas été homogène : elles ont profité différemment aux divers métiers et catégories socioprofessionnelles ; elles doivent donc être évaluées au cas par cas. Vous évoquez également les « effets pervers » dont auraient souffert certains salariés. Vous n'avez pas tort, mais il ne faut pas oublier les salariés qui ont bénéficié de l'un des 350 000 emplois créés par la réforme. Il s'agit là d'un « gain » que vous omettez de citer.

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