La question de la réduction du temps de travail se pose à la société française depuis longtemps. Les évolutions en la matière se confondent avec les plus grandes conquêtes sociales, qui ont contribué à forger notre modèle social jusqu'à cet aboutissement qu'a été le passage aux trente-cinq heures.
À la différence de l'évolution historique qui correspondait à un objectif de cohésion sociale et assurait, au fur et à mesure du progrès technique et social, une plus grande intelligence du temps travaillé et de meilleures conditions de vie aux travailleurs, la réforme de 1998 avait pour ambition de lutter contre le chômage de masse. Seize années plus tard, en dépit d'alternances et d'aménagements importants décidés par les majorités successives, les trente-cinq heures demeurent la référence en matière de durée légale du travail. Pourtant, cette réforme a continué à nourrir les passions dans notre commission et dans l'hémicycle. De nombreux rapports à charge ont été rédigés et des débats opposant artificiellement les tenants de cette réforme et ceux qui la rejetaient ont souvent conduit à réduire le sujet à sa dimension dogmatique et idéologique. Je me félicite d'autant plus que nous puissions aujourd'hui en débattre sereinement.
Notre groupe considère que certaines questions doivent être posées de façon rigoureuse. Quelles ont été les conséquences de la réforme sur les conditions réelles de la vie professionnelle des salariés, sur leur bien-être au travail, sur leur santé ? Quel impact a-t-elle eu sur leur productivité ou sur l'égalité entre les hommes et les femmes ? Les partenaires du dialogue social disposent-ils des marges de manoeuvre et d'une influence suffisantes pour adapter le processus à l'entreprise ?
La France vit en état d'urgence sur le front de l'emploi. Même si l'on peut considérer que la création d'une commission d'enquête a quelque chose d'excessif, cette procédure aura du moins toute la solennité et la puissance nécessaires pour traiter d'un sujet essentiel au travers d'un débat serein et rigoureux. Je salue la démarche de l'homme de bonne volonté qui nous propose ce travail en commun.