Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit, rapporteur :

Je remercie l'ensemble des orateurs pour leurs interventions convergentes.

Madame Romagnan, vous avez raison de faire le lien entre croissance et temps de travail. Il reste qu'il faut déterminer si le partage du travail crée des emplois et de la croissance, ou si la possibilité de travailler davantage n'est pas un accélérateur encore plus puissant en la matière. La question est posée, et je me contenterai de constater que le rapport de l'OCDE intitulé France : redresser la compétitivité imputait en novembre 2013 à la réduction du temps de travail une bonne partie de la faiblesse de notre croissance, la perte de parts de marché essuyée par nos entreprises ainsi que les écarts de revenus avec d'autres pays européens.

Monsieur Liebgott, il ne faut pas qu'il y ait de malentendu : le nombre de 42 000 créations d'emplois correspond à l'estimation avancée en 1998, lors de l'examen du projet de loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail. Le Gouvernement avait alors pris des dispositions pour créer plus d'emplois et, en 2003, l'INSEE calculait qu'entre 1998 et 2002, la réforme avait permis d'en créer 350 000 et de maintenir dans l'emploi quelque 50 000 salariés.

Madame Romagnan, l'article unique de la proposition de résolution fait référence à la loi de 1998 car, si le mouvement de réduction du temps de travail est ancien, ce texte en constitue une étape majeure, qui a bouleversé l'organisation du temps de travail dans l'entreprise non sans avoir de très fortes conséquences sociales, sociétales, économiques et financières. Ce choix a eu des effets considérables par exemple pour l'hôpital public.

Dans mon esprit, il sera également essentiel de s'interroger sur la mise en oeuvre de l'annualisation du temps de travail, qui a créé des disparités selon que les salariés bénéficient ou non de systèmes de récupération, mais aussi un déficit d'attractivité pour plusieurs secteurs professionnels, comme certains métiers de l'industrie ou le bâtiment.

Arnaud Richard laisse entendre que nous employons les grands moyens, et il est vrai qu'une commission d'enquête suit une procédure stricte, très encadrée. Mais cela nous permettra d'explorer objectivement le sujet afin d'offrir aux décideurs, actuels ou futurs, des outils et des perspectives. J'espère que nos propositions seront aussi de nature à simplifier le droit, comme l'a souhaité M. Cherpion.

M. Liebgott a remarqué que je faisais partie d'une formation politique dont certains membres prônent le retour aux trente-neuf heures. Mais c'est justement ce genre de déclarations qui m'a conduit à proposer cette commission d'enquête. Que pensent les salariés de l'industrie ou de la grande distribution, qui travaillent trente-cinq heures par semaine, mais à un rythme soutenu, en deux-huit ou en trois-huit, lorsqu'ils entendent des slogans tels que : « Il faut remettre les gens au travail » ? En réalité, je crois que les Français sont courageux et qu'ils ne demandent qu'à travailler.

S'appuyant sur l'accord national interprofessionnel, le Gouvernement a entrepris de réunir les conditions du dialogue social. De même, cette commission d'enquête pourrait être l'occasion de contribuer à la construction et au renforcement de ce dialogue. Nous devons offrir à ceux qui le souhaitent soit la possibilité de travailler plus, sans coût excessif pour le budget de l'État – je pense notamment à la défiscalisation des heures supplémentaires –, soit, au contraire, la faculté d'aménager leur temps de travail, là encore sans grever les finances publiques ni celles de l'entreprise et en gardant l'objectif de réaliser des gains de productivité et de compétitivité par rapport à nos voisins européens.

Alors que des enquêtes font régulièrement état du pessimisme de la société française, cette commission d'enquête peut permettre de valoriser le travail, de montrer qu'il n'est pas aliénant, mais qu'il est au contraire une source de richesse, pour soi – y compris sur le plan humain –, pour l'entreprise et pour le pays.

Depuis de nombreux mois, le Président de la République évoque la conclusion de divers pactes : pacte de confiance, pacte de solidarité, pacte de stabilité, pacte d'avenir pour la Bretagne, pacte de responsabilité envers les entrepreneurs de France. Il conviendrait d'y ajouter un pacte de responsabilité pour chacun d'entre nous : il faut donner à chaque Français la possibilité de trouver un travail et de contribuer à la richesse du pays. Si nos propositions sont de nature à améliorer la relation entre l'employeur et ses salariés, nous aurons atteint notre but.

Mais l'objectif ultime de cette commission d'enquête est bien d'offrir des perspectives et des outils aux corps intermédiaires et aux dirigeants du pays.

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