Dans ce cas, les dépenses de combustibles et d'entretien augmenteraient mais, l'essentiel de l'investissement restant stable, le ratio diminuerait.
L'augmentation du coût de production s'explique par différents facteurs. Les dépenses d'exploitation augmentent de 11 % ; les investissements de maintenance, de 118 % ; les provisions pour charges futures, de 14 % ; le loyer économique, de 8 %.
Les dépenses d'exploitation, qui progressent de 11 % en euros courants, avaient déjà fortement augmenté depuis 2008. Ce chiffre est affecté par le transfert de 13 milliards de dépenses d'exploitation (OPEX) en 2012 vers des dépenses d'investissements (CAPEX) de maintenance. Toutes les dépenses d'exploitation sont en hausse. Le combustible augmente de 10 % en euros par MWh, d'abord parce que les coûts de l'uranium étaient particulièrement bas, il y a trois ans, ensuite parce qu'EDF doit remplacer d'anciens contrats arrivés à terme par d'autres moins avantageux. Les coûts de dépense de personnel entraînent une augmentation de 14 % en euros par MWh, car il a fallu créer des doublons pour anticiper le remplacement des opérateurs qui vont partir à la retraite. Or la formation d'un opérateur de centrale exige plusieurs années. En outre, il a fallu renforcer les équipes de sûreté. Une autre augmentation des dépenses de personnel tient à l'augmentation des dépenses de maintenance, qui induit en partie la hausse de 7 % en euros par MWh des consommations externes. La hausse des impôts et taxes représente 14 % en euros par MWh ; celle des fonctions centrales et de support, 11 % en euros par MWh, compte tenu du poids de la récente direction des services partagés.
Les investissements de maintenance, qui augmentent de 118 %, s'inscrivent dans un projet industriel d'EDF qui vise, sous réserve de l'accord de l'ASN et de l'État actionnaire, à prolonger au-delà de quarante ans la durée d'exploitation des réacteurs. En conséquence, les investissements annuels de maintenance, après avoir fortement augmenté depuis 2008, ont doublé entre 2010 et 2013. Ils sont passés de 1,2 milliard en 2008 à 1,7 milliard en 2010, pour atteindre 3,8 milliards en 2013.
Les prévisions sur la période 2011-2025 ont évolué de 57 milliards d'euros (en valeur 2010) en 2010 à 62,5 milliards d'euros (en valeur 2010) en 2013. C'est l'effet d'un premier travail d'optimisation. Un lissage des dépenses permettra de reporter, sous réserve d'accord de l'ASN, quelque 8 milliards d'investissement après 2025. L'évolution du schéma de gestion permet de transférer l'imputation de 13 milliards des OPEX vers les CAPEX.
Cependant, quand bien même on se contenterait de prolonger tous les réacteurs au-delà de quarante ans, il faudrait continuer d'investir jusqu'en 2033, date de la fin des quatrièmes visites décennales des réacteurs. L'estimation de ces dépenses entre 2011 et 2033 représente un budget total de 90 milliards d'euros (en valeur 2010), soit 110 milliards d'euros courants.
Pour la période 2014-2025, les investissements de maintenance se divisent en deux parties pratiquement égales.
La première correspond aux investissements de sûreté, qui regroupent les investissements post-Fukushima. Sur les 11 milliards demandés par l'ASN, qui représentent 700 millions par an, 6 milliards sont indissociables, selon EDF, d'une décision d'allongement de la durée d'exploitation. Le groupe attend l'accord de l'ASN pour étaler cette dépense jusqu'en 2033. D'autres investissements, d'un montant de 1,6 milliard par an, permettront d'élever les objectifs de sûreté au niveau de la troisième génération, c'est-à-dire de l'EPR. Je rappelle que l'ASN conditionne l'obtention de toute autorisation à l'augmentation du niveau de sûreté.
La seconde partie des investissements de maintenance regroupe les travaux à effectuer pour maintenir la production même sans prolonger la durée de vie des centrales. Le coût de la maintenance normale, correspondant aux travaux à faire inévitablement, représente schématiquement 1 milliard d'euros par an (en valeur 2011), auquel s'ajoute 1,3 milliard par an pour la rénovation ou le remplacement de gros composants. Les travaux, qui doivent de toute façon être faits, prolongeront la vie des centrales, puisque ces composants ont une durée de vie supérieure à ceux qui permettraient d'atteindre la prochaine visite décennale.
Observons la prise en compte des dépenses futures.
Le premier poste correspond aux charges brutes, qui représentent 87,2 milliards d'euros 2013, soit une augmentation de 5,4 % en euros constants par rapport à 2010. S'il est facile d'évaluer la gestion des combustibles usés, il reste des incertitudes fortes sur deux points.
Les charges de démantèlement représentent, en coût brut, 34,4 milliards d'euros 2013. Sur les premiers démantèlements, qui concernent des centrales antérieures au parc actuel, on constate des surcoûts de 22,4 % pour la première génération d'EDF et de 46 % pour Eurodif chez AREVA. Des facteurs probables de surcoût, comme la dépollution du sol, sont déjà identifiés, sans parler des aléas fréquents sur les grands chantiers.
La gestion des déchets correspond, en charges brutes, à 31,8 milliards d'euros 2013. Une incertitude demeure sur la création d'un nouveau centre de stockage des déchets nucléaires à faible activité à vie longue (FAVL). On s'interroge aussi sur le devenir de certaines matières, notamment les combustibles usés – MOX et uranium enrichi –, que l'on tient aujourd'hui pour valorisables, mais dont il n'est pas certain qu'elles le soient. La dernière incertitude concerne le coût du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), à Bure.
Sur ce projet, les provisions sont calculées sur la base du devis de 2005, d'un montant de 16,6 milliards d'euros 2013, fiscalité et assurance comprises. La dernière estimation de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), contestée par les exploitants, est de 28 milliards, hors fiscalité et assurance. C'est dire qu'il existe des écarts d'analyse importants dans l'analyse des besoins, chapitre technique sur lequel la Cour ne se prononce pas. Une approche opérationnelle consisterait à regarder les dépenses à engager sur 150 ans et à décomposer le devis de l'ANDRA en grandes phases : 19 milliards d'investissements, dont 6 pour la première tranche ; 9 milliards d'exploitation ; 8,5 milliards pour le devis actualisé.