Pour les dépenses futures, les provisions se montent à 43,7 milliards d'euros 2013, soit une augmentation de 14 % en euros courants, largement due au changement de taux d'actualisation. C'est le facteur qui pèse le plus sur l'impact réel. En 2012, le taux a baissé de 5 % à 4,8 % pour EDF, et à 4,75 % pour AREVA et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ce qui se traduit par une différence de 850 millions sur le bilan des exploitants.
Le taux d'actualisation dépend du taux plafond réglementaire, moyenne mobile sur quatre ans des taux d'obligations d'État à trente ans, majoré de cent points de base. La baisse du second taux entraîne celle du premier. Pourtant, en 2013, quand le taux plafond a continué à baisser, ce qui aurait dû réduire le taux d'actualisation à 4,6 % – et faire augmenter les provisions de 1,5 milliard –, les chiffres n'ont pas été révisés, même si l'administration n'a officiellement accordé sa dérogation que la semaine dernière, peut-être au vu de vos travaux ou des nôtres. Quoi qu'il en soit, des discussions sont en cours pour clarifier les règles de calcul du taux plafond.
Deux autres facteurs pourraient jouer de manière non négligeable sur les provisions : l'allongement de la durée d'exploitation des centrales, qui, en repoussant les dépenses futures, réduit leur impact présent, et la révision du devis Cigéo.
Le Parlement a décidé que les exploitants devaient constituer des actifs en vue de financer les dépenses futures. Si le taux de couverture des provisions par les actifs dédiés atteint 100 % pour tous les exploitants, ce chiffre apparemment satisfaisant appelle deux remarques. Dans le cas d'EDF, la couverture n'est possible que grâce à la créance de la CSPE que le groupe possède sur l'État. Cette créance, qui représente 25 % du portefeuille d'actifs dédiés, limite la diversification, donc réduit la sécurité du portefeuille. En outre, sa rentabilité se monte à 1,72 % par an, alors que le taux d'actualisation est 4,6 % ou 4,8 %. Autant dire que le compte n'y est pas. Dans le cas d'AREVA, la couverture de 100 % est atteinte grâce à une créance sur le CEA, dont le coût est très élevé pour les finances publiques.
En 2013, le décret encadrant la constitution du portefeuille d'actifs dédiés a été révisé, mais, la possibilité de dérogations et de demandes au cas par cas étant maintenue, le résultat n'est pas parfaitement satisfaisant, surtout pour un système qui doit fonctionner sur le long terme.
Je serai plus prudent en ce qui concerne le coût et la durée de l'exploitation, car le métier de la Cour est d'observer davantage ce qui est, que ce qui pourrait être. On distingue toutefois des éléments factuels et d'autres qui relèvent de tendances. La plupart des coûts s'orientent à la hausse. Les dépenses d'exploitation risquent de continuer à augmenter. La mise en oeuvre du projet industriel d'EDF suppose, pour réaliser le programme d'investissement, une augmentation de quelques centaines de millions d'euros par an. Le prix de l'uranium est également en hausse. Je ne me prononcerai pas sur l'évolution des impôts et taxes. Pour les investissements de sûreté, le maximum n'est pas encore atteint. Depuis des années, le degré d'exigence augmente, ce qui a un coût. Enfin, pour les charges futures, l'évolution du taux d'actualisation reste incertaine, et le devis Cigéo dépassera vraisemblablement la somme prévue de 16,6 milliards.
En revanche, la décision de prolonger la durée d'exploitation des centrales limitera l'augmentation du coût moyen de production. Si la durée moyenne des réacteurs atteint cinquante ans, on aboutira, selon la méthode du CCE adoptée par la Cour, au prix de 62 euros par MWh pour 2011-2025. Dans son calcul, EDF fait porter le gain sur la seule période restante, ce qui conduit, selon la méthode du CCE, à un coût de 57 euros.