Non.
Les coûts supportés par la puissance publique sont de trois natures.
Les dépenses de recherche sont en augmentation. Elles sont portées par le programme d'investissements d'avenir (PIA). Le budget total, pour le public et le privé, représente 1,1 milliard, soit 10 % de plus qu'en 2010. Les financements publics, qui en soutiennent la moitié, accusent une hausse de 25 %. Ce niveau devrait rester élevé dans les années à venir, car une partie de la recherche porte non sur le parc actuel mais, entre autres, sur la quatrième génération.
Les dépenses de sûreté, de sécurité et de transparence s'élèvent à 217 millions en 2013. La baisse légère – 6 % – des crédits publics tient à la mise en place d'une nouvelle contribution que les exploitants versent directement pour financer l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Les besoins des deux autorités de sûreté, ASN et IRSN, augmenteront sans doute avec la mise en service de l'EPR, le démantèlement probable de Fessenheim et l'allongement de la durée de vie des centrales.
Les règles de la responsabilité nucléaire civile n'ont pas changé depuis trois ans. La responsabilité des exploitants, qui reste limitée à 91 millions par accident, pourrait passer à 700 millions dans le projet de loi sur la transition énergétique, si la France applique le protocole de la convention de Paris, de 2004. Implicitement, l'État assure le risque restant, à hauteur de 1,1 milliard, dans le respect de certains protocoles et en combinaison avec les autres États, mais il peut aller au-delà de cette somme.
Le principe de l'assurance consiste à multiplier un risque connu par une probabilité connue. Pour obtenir le premier, on analyse ce qui peut se produire ; pour calculer la seconde, il faut disposer de séries suffisamment longues pour être significatives. Or il existe très peu de rapports sur le coût des accidents. Deux chercheurs de l'IRSN, qui ont réalisé de manière presque artisanale une étude mise en ligne en 2012, chiffrent les risques d'accident sans fuite importante à 120 milliards, et avec fuite importante à 450. Leur travail a le mérite de prendre en compte, outre les coûts directs de l'accident – évacuation des zones usagées, remplacement de la production d'électricité et des matériels –, les coûts indirects, tels que les effets d'image sur les exportations, la production agricole ou le tourisme. Ces chiffrages sont préliminaires, les experts étant loin d'être unanimes sur ces sujets.
Par définition, la probabilité d'occurrence des accidents est difficilement chiffrable. Si tant est qu'on parvienne à définir une probabilité, on obtient des chiffres extrêmement faibles, de l'ordre de 10-4 ou 10-5 par réacteur et par an. Comment faire une série à partir de deux accidents, Tchernobyl et Fukushima, et d'un accident contenu, Three Mile Island, sachant que les méthodes de sécurité ont évolué ? Le risque est de toute façon très faible. Dans un rapport précédent, la Cour avait calculé, à titre purement indicatif, les sommes à provisionner en retenant les chiffres de l'IRSN sur toute la durée de vie des réacteurs, mais on est si éloigné de toute donnée factuelle qu'elle ne préconise pas de créer un tel fonds.
Je terminerai par nos recommandations. À l'issue du précédent rapport, nous en avions formulé huit, dont aucune n'a été totalement appliquée. Nous en avons ajouté deux : clarifier le taux d'actualisation, les pouvoirs publics devant se doter d'une règle claire et stable, et traiter rapidement la question de la créance d'AREVA sur le CEA, qui, pour l'heure, coûte cher à la puissance publique.
Enfin, nous renforçons notre recommandation de clarifier la position des pouvoirs publics sur la durée d'exploitation des réacteurs. Compte tenu des délais de huit à douze ans nécessaires pour construire une énergie alternative, nucléaire ou non, ne pas trancher revient à prendre une décision de prolongation.