Intervention de Jean-Louis Missika

Réunion du 4 juin 2014 à 16h45
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, chargé de l'urbanisme, de l'architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l'attractivité :

Un mot d'abord pour excuser Anne Hidalgo, à qui son emploi du temps, très chargé en début de mandat, n'a pas permis d'être parmi nous cet après-midi.

Les termes d'exposition universelle ont pour Paris une résonance toute particulière. Outre que la tour Eiffel et d'autres bâtiments emblématiques de la ville ont été bâtis à cette occasion, les deux expositions universelles que la capitale a accueillies en 1889 et en 1900 ont été des moments clefs de son rayonnement international, à une époque où Paris dominait le monde des sciences, de la technologie et de la culture. Si l'exposition qu'a accueillie Paris en 1937 fut moins mémorable, cela s'explique par le contexte international : une photo célèbre rappelle l'opposition spectaculaire, de part et d'autre de la tour Eiffel, du pavillon de l'URSS et de celui de l'Allemagne nazie.

Compte tenu de cette histoire, Anne Hidalgo se réjouit naturellement de la réflexion qu'a entamée votre mission d'information. Elle doit nous permettre d'aborder à la fois les questions de principe, les modalités pratiques et le financement – les temps sont durs pour tout le monde, pour l'État comme pour les collectivités territoriales.

Nous n'oublions pas l'échec de notre candidature à l'organisation des jeux Olympiques de 2012, même si l'on peut rétrospectivement se féliciter de n'avoir pas eu à les organiser et d'avoir pu investir à la place dans l'économie de la connaissance. Autant donc se donner cette fois les moyens de gagner. Pour que cette candidature puisse être portée par Paris avec succès, plusieurs conditions doivent être réunies.

En premier lieu, il n'est pas question de reproduire ce qui a déjà été fait par le passé, en alignant des pavillons où chaque nation expose ce qu'elle produit de meilleur en matière de technologie ou dans d'autres domaines. Nous devons réinventer l'exposition universelle, imaginer un événement de type nouveau, adapté aux enjeux du XXIe siècle, un événement qui ne soit pas synonyme de gaspillage inutile ou de narcissisme. L'heure n'est plus aux mégaprojets, l'exposition universelle de Shanghai restant, de ce point de vue, indépassable. L'heure n'est plus aux palaces éphémères, et nous devons tirer les leçons des expériences passées, éviter les erreurs de certaines villes qui n'ont pas su réutiliser les infrastructures créées pour l'occasion au profit de leurs habitants, ne leur léguant que des déficits.

La proposition soutenue par Jean-Christophe Fromantin, consistant à substituer à l'organisation traditionnelle en pavillons une répartition plus large des animations sur le territoire, une utilisation du patrimoine existant et une mise en valeur des grands sites urbains nous convient parfaitement. C'est une façon de renouveler le concept autour de grands projets qui n'auront pas été spécialement conçus pour l'exposition universelle mais dans l'intérêt des habitants et dans la perspective dynamique du déploiement du Grand Paris. Cette question du dimensionnement est essentielle, car elle conditionne naturellement le coût du projet.

Pour ce qui concerne les thématiques à privilégier, Anne Hidalgo insiste pour que l'accent soit mis sur les grands défis auxquels doivent répondre les métropoles du XXIe siècle. Celles-ci sont en effet au coeur des transformations que connaissent nos sociétés : c'est là que les entreprises du futur inventent les nouvelles technologies, que s'expérimentent les nouvelles façons de travailler, de vivre, de commercer. Le numérique, l'économie circulaire, la ville intelligente, le lien entre végétal et minéral dans la ville, la biodiversité, la transition énergétique, sont autant d'aspects de la révolution urbaine du XXIe siècle que l'exposition universelle de 2025, si jamais elle est organisée par notre pays, devra mettre en exergue.

J'en profite pour rappeler que la visite en 3D de l'exposition universelle de Shanghai, proposée en ligne, a attiré un très grand nombre de visiteurs, sans doute plus important que le nombre de visiteurs physiques sur le site. Cela doit nous inviter à repenser la manière de valoriser ces expositions, pas seulement in situ mais dans toutes leurs dimensions numériques et virtuelles.

Le troisième aspect sur lequel nous souhaitons insister est la question de la participation citoyenne et de la cogouvernance. Ce fut l'un des thèmes majeurs de notre dernière campagne électorale, et nous estimons essentiel que les citoyens et les visiteurs soient impliqués dans l'organisation de cet événement.

Ce qui nous conduit à poser la question de son périmètre et à prôner une certaine audace en la matière. Si les précédentes expositions étaient centrées sur le coeur de l'agglomération parisienne, il est clair qu'aujourd'hui l'attractivité touristique du coeur de la capitale ne pose plus guère de problème : ce qui est en jeu, c'est l'attractivité touristique de la métropole. Nous sommes convaincus que l'exposition universelle de 2025 s'inscrira naturellement dans le cadre du Grand Paris.

Le développement de Paris intra muros est aujourd'hui parvenu à maturité. Grâce à un patrimoine culturel et architectural d'une exceptionnelle densité, la ville a accueilli cette année plus de 31 millions de touristes et ce chiffre est voué à s'accroître encore. Notre ardente obligation est désormais d'orienter les flux de touristes vers les sites, châteaux et forêts du Grand Paris, tels que Fontainebleau ou Chantilly par exemple. Dans cette perspective, nous souhaitons privilégier un dispositif qui, contrairement aux récentes expositions de Séville, Lisbonne ou Shanghai, dont l'objectif était avant tout de mettre en valeur l'attractivité du coeur d'agglomération, mette en scène des sites inscrits dans un périmètre élargi. Nous militons donc, à l'instar du président Jean-Christophe Fromantin, pour une exposition universelle qui accompagne la construction du Grand Paris et mette en valeur sa dimension polycentrique, en s'appuyant par exemple sur les gares du futur Grand Paris Express. Anne Hidalgo et l'exécutif parisien trouvent également séduisante l'idée d'une extension plus large encore : pourquoi ne pas imaginer, si toutefois cela est plaidable devant le BIE, un axe Paris-Lyon-Marseille ou un axe Seine incluant Rouen, Le Havre et Caen ?

J'en viens enfin à la question financière qui impose rigueur et clarté. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que le Parlement a voté une diminution de 11 milliards d'euros de la dotation de l'État aux collectivités territoriales. Cela équivaut pour la ville de Paris à une diminution de 200 millions d'euros par an sur les trois prochaines années, soit, au total, 600 millions d'euros d'ici à 2017. Notre dotation sera donc réduite de moitié, passant de 1,2 milliard à 600 millions d'euros. Pèseront également sur notre budget d'autres prélèvements liés à la péréquation et les engagements volontaristes que nous avons pris de ne pas augmenter les impôts locaux.

C'est dans ce contexte que nous devons envisager notre candidature à l'exposition universelle. Si j'ai été rassuré par les propos de Jean-Christophe Fromantin, qui a déclaré à la presse que l'événement ne devrait rien coûter aux contribuables, je tiens néanmoins à être clair : il est hors de question que les contribuables parisiens financent l'exposition universelle. Pour poser l'équation autrement, cela signifie que la collectivité locale qui gère les impôts des contribuables parisiens ne financera pas l'exposition.

Les expositions de Hanovre et de Shanghai ont été déficitaires, celle qui s'organise à Milan est entachée de soupçons de corruption ; nous devons donc faire preuve d'une transparence exemplaire et anticiper avec précision les coûts et les perspectives de développement.

Ces contraintes plaident en faveur d'un projet qui, loin du gigantisme, s'articule autour de la mise en valeur d'infrastructures existantes et fasse, pour l'essentiel, appel à des financements privés. Nous considérons que c'est un excellent projet et notre enthousiasme reste entier. Mais nous le disons d'emblée afin d'éviter tout malentendu : les temps sont durs et la ville de Paris ne peut se permettre d'investir des dizaines ou des centaines de millions d'euros dans l'organisation d'une exposition universelle.

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