Intervention de Thierry Hesse

Réunion du 5 juin 2014 à 10h30
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Thierry Hesse, commissaire général du Mondial de l'automobile :

J'interviens à la fois en tant que commissaire général du Mondial de l'automobile et en tant que président – depuis maintenant sept ans – de l'UNIMEV, qui représente l'ensemble de la filière des organisateurs de salons, de foires, de congrès et d'événements, mais aussi les sites d'exposition comme le Palais des congrès ou le Parc des expositions, ainsi que les prestataires, c'est-à-dire tous les partenaires dont nous serons susceptibles d'avoir besoin en 2025 si la candidature de la France est retenue.

L'UNIMEV a été la première fédération à soutenir ce projet et à signer un partenariat avec EXPOFRANCE 2025. Non seulement nous y croyons, car la France mérite de recevoir un événement de cette qualité, mais nous sommes concernés au premier chef. J'ai entendu à plusieurs reprises M. Fromantin parler de ce qui était prévu en termes d'accueil. J'ai cru comprendre que ce serait sensiblement différent de ce qui se fait d'habitude, avec moins de concours d'architectes et plus d'utilisation de nos ressources. En tant que fédération regroupant l'ensemble des sites d'exposition, nous sommes bien sûr intéressés par l'utilisation de ces derniers et par une participation directe à l'événement.

Le Salon de l'auto a été créé en 1898. Je suis à sa tête depuis vingt-cinq ans. C'est le plus ancien salon de l'auto du monde, et le plus grand en termes de fréquentation – il reçoit entre 1,2 et 1,5 million de visiteurs, contre 900 000 pour celui de Tokyo, qui occupe la deuxième place, et 880 000 pour celui de Francfort, qui est le troisième. Ces chiffres ne sont certes rien par rapport à la fréquentation des expositions universelles ; mais, pour un salon de dix-huit jours, dont deux jours réservés aux médias, c'est beaucoup. Je suis toujours étonné d'entendre nos compatriotes se référer à ce qui se passe outre-Atlantique ou outre-Rhin : beaucoup de manifestations organisées dans ces pays auraient à apprendre de celles qui se déroulent en France !

En France, certains salons sont exclusivement professionnels, notamment dans les secteurs informatique, textile ou aéronautique ; d'autres salons ou foires sont uniquement grand public. Le Mondial de l'automobile est un salon mixte, qui accueille à la fois les professionnels du monde entier et le grand public.

Je reviens sur les deux journées réservées à la presse, car la communication est essentielle dans l'organisation de tels événements. Je voyage en permanence dans le monde entier pour organiser des conférences de presse de promotion du Mondial de l'automobile. Je pars demain pour Pékin, puis Tokyo. Il est important de faire savoir, surtout dans les grands pays constructeurs, que le Mondial de l'automobile est le plus grand salon de l'auto du monde, que de nombreux constructeurs y seront présents et qu'y seront présentées beaucoup de nouveautés et de premières mondiales. Nous nous battons d'ailleurs contre d'autres pays – ce sera sans doute un point commun avec l'exposition universelle – sur le nombre de nouveautés : il s'agit de démontrer que nous sommes les meilleurs. Encore une fois, ne faisons pas preuve d'une modestie excessive par rapport aux États-Unis et à l'Allemagne : nous avons de vrais atouts.

Le Mondial de l'automobile est aujourd'hui reconnu comme le salon leader du secteur. Bien sûr, il est d'abord – autre point commun avec une exposition universelle – la vitrine de l'industrie automobile française. Je me rappelle le premier entretien que j'ai eu avec Jacques Calvet lorsque je suis devenu commissaire général il y a vingt-cinq ans. Vous vous souvenez peut-être qu'il n'était pas très favorable à l'industrie automobile japonaise – il avait même qualifié ses ouvriers de « fourmis ». Je lui avais assuré que le Mondial de l'automobile étant d'abord la vitrine de l'industrie nationale, les constructeurs français seraient toujours prioritaires pour le choix et la taille de leur emplacement, ainsi que pour la promotion ; mais, dès lors que nous nous appelons « Mondial de l'automobile », avais-je ajouté, l'ensemble des constructeurs présents au salon doivent s'y sentir bien et avoir la place de montrer leur production. Le succès du salon en dépend. Plus les constructeurs étrangers seront nombreux, plus ils présenteront de premières mondiales, plus il y aura de médias et de visiteurs, et plus les retombées seront importantes pour les constructeurs français. M. Calvet n'est jamais intervenu – pas plus que ses successeurs, d'ailleurs – dans l'organisation du Mondial. C'est donc moi qui mène ma barque.

Lorsque je suis arrivé, tous les constructeurs exposaient dans le hall 1 du Parc des expositions de la Porte de Versailles ; s'y trouvaient également les équipementiers et les médias. Lors de mon premier salon, un vendeur de journaux – muni d'un porte-voix – s'était installé à l'angle du stand Jaguar. Bien sûr, cela ne pouvait pas aller ! La même année, j'ai constaté pendant le montage qu'une voiture de Formule 1 était exposée à la verticale sur un pilier sur le stand de Honda. Je m'en suis étonné auprès du président de Honda France de l'époque. « Si seulement nous avions assez de mètres carrés ! » a-t-il soupiré. Décidément, il y avait quelque chose à faire…

Aujourd'hui, les constructeurs sont répartis entre quatre halls – les halls 1, 3, 4 et 5. Ils ont donc les surfaces qu'ils demandent. Les Français occupent toujours les surfaces les plus importantes, et sont traditionnellement installés au coeur du hall 1. Mais cet espace nous permet d'avoir des premières mondiales – une centaine cette année, mais je ne vous dirai pas lesquelles. (Sourires.)

La promotion et la communication sont très importantes. Un patron de salon ou d'événement doit impérativement savoir communiquer. Il doit être capable, très en amont de la manifestation, d'expliquer de quoi il s'agit.

N'oublions pas la communication sur internet. Pour votre information, 8 millions de pages sont vues pendant le Mondial de l'automobile. Certains redoutaient – à tort – qu'internet ne tue le salon. Cette crainte n'avait pas lieu d'être : ce que veulent les visiteurs, c'est voir les voitures, se mettre au volant, sentir l'odeur du cuir, toucher, être pris en photo devant les modèles… Vous le savez, les réseaux sociaux fonctionnent très bien ; nous les utilisons à plein. Internet est donc un atout extraordinaire. Il n'y a aucun risque que nous ayons un jour un salon de l'automobile virtuel !

Depuis l'origine, le Mondial de l'automobile est inauguré par le chef de l'État. C'est important pour nous, car c'est une reconnaissance de l'importance du secteur automobile pour notre pays. Avant mon arrivée au commissariat général, le Premier ministre ne venait pas au Mondial de l'automobile. Je confesse avoir profité de la première cohabitation pour l'inviter. La tradition est restée. D'autres ministres – et de nombreux visiteurs officiels – viennent également. Compte tenu de cette importante présence de personnalités françaises et étrangères, il faut être très organisé en amont pour tout ce qui concerne les officiels et les réceptions. C'est essentiel en termes d'image.

Peu de manifestations en France sont inaugurées par le Président de la République : le Mondial de l'automobile les années paires, le Salon du Bourget les années impaires, et le Salon de l'agriculture, que le Président de la République n'inaugure pas toujours, mais auquel il se rend immanquablement.

La difficulté majeure de mon travail – qui concernera sans doute aussi l'exposition universelle – consiste à répartir les espaces et les stands, sachant que tout le monde veut être au même endroit et que les intérêts en jeu sont très importants. Le premier président du comité d'organisation avec lequel j'ai travaillé, M. Bernard Vernier-Palliez, était non seulement ancien président-directeur général de Renault, mais aussi ancien ambassadeur de France à Washington : il m'a appris une certaine forme de diplomatie, qui est une nécessité absolue. Il est certain – et c'est sans doute plus vrai encore pour une exposition universelle – qu'il ne faut pas se tromper dans la répartition des pays ; mais les exposants doivent aussi comprendre que l'objectif de l'organisateur est de réussir la manifestation, et non de pénaliser l'un ou l'autre.

C'est d'autant plus compliqué pour nous que, cette année, nous avons perdu 6 000 mètres carrés dans le hall 1 en raison du projet de la Tour Triangle. Cette perte de mètres carrés est à mes yeux une absurdité, car c'est un obstacle à l'accueil de certaines manifestations. Le hall 1 était en effet le seul hall de 50 000 mètres carrés sous un seul toit dans le monde. Cette année fut donc celle de tous les dangers, car, parmi les exposants qui n'avaient plus de place dans le hall 1, figuraient Mercedes, BMW ou Mini…

Cela m'amène à dire que, en termes d'organisation, il est important d'avoir un règlement connu de tous. Je dirais même que c'est ce qui m'a sauvé. Le règlement du Mondial de l'automobile prévoit un placement à l'ancienneté. Les constructeurs français sont donc placés les premiers – ce sont les plus anciens ; viennent ensuite Fiat, Ford, Mercedes et BMW, qui sont les plus anciens exposants étrangers au salon. Cette année, ils ont donc pris la place d'autres exposants. Les Coréens ont dû se rabattre sur un hall dans lequel ils ne voulaient pas aller. Néanmoins, nous n'avons eu aucune défection – ce qui tient du miracle. J'avais dit à Louis Schweitzer, président du comité d'organisation, qu'il fallait s'attendre à quelques défections ; il n'en rien été. Nous avons même la chance de retrouver Aston Martin et Tesla Motors, absents il y a deux ans ; et nous aurons beaucoup de nouveautés.

Le fond n'en est pas moins important. J'aime beaucoup la valeur qui a été choisie pour parler de 2025 ; les Français sont tellement critiqués sur le thème de l'hospitalité, parfois à raison, mais parfois aussi à tort. En ce qui nous concerne, nous y faisons très attention. Au Mondial de l'automobile, tous les documents à destination des médias sont disponibles en cinq langues – français, anglais, allemand, espagnol et italien. Tous nos hôtes et hôtesses sont au moins bilingues. Nous avons créé un plan de poche, qui est diffusé gratuitement à tous les visiteurs. J'attache aussi une grande importance à la signalisation. C'est peut-être un détail, mais cela fait partie de l'accueil ; je suis donc toujours étonné que certains de mes homologues la négligent. Les jours qui précèdent l'ouverture du salon, je parcours le Parc des expositions et les alentours en tous sens pour m'assurer que le visiteur pourra s'y retrouver.

Nous ne pouvons malheureusement pas chiffrer le nombre de nos visiteurs étrangers ; pour cela, il faudrait faire remplir un document aux visiteurs à l'entrée, comme le font les salons professionnels, ce qui ne manquerait pas de créer une émeute ! Mais nous estimons que les étrangers représentent à peu près 10 % de nos visiteurs, soit au moins 150 000 personnes.

Pour les accueillir, nous avons passé des accords avec la RATP ; nous essayons de nous assurer que, les week-ends et les soirs de nocturne, il y ait davantage de rames sur les lignes qui desservent le site. En dehors de la manifestation elle-même, il faut donc prévoir tout ce qui tourne autour : hôtellerie, tarifs réduits avec Air France et la SNCF…

Il n'est pas évident de rester leader. Je me souviendrai toujours de Louis Schweitzer, alors président de Renault, me demandant le chiffre des entrées le dernier jour du salon et me disant avec soulagement : « Alors, nous sommes devant Tokyo ! » Pour lui, qui s'intéressait déjà au Japon et à Nissan, c'était la référence : il fallait que nous restions les premiers. Mais ce n'est jamais gagné. Il faut savoir recevoir avec égards les patrons des grands constructeurs mondiaux, qui viennent tous à Paris pour tenir des conférences de presse et se réunir entre eux, être capable de leur montrer qu'ils ont leur place au Mondial de l'automobile comme les Français. Certains s'offusquent que le Président de la République ne passe pas sur leur stand ; je dois leur expliquer que je n'y peux rien. J'ai accueilli François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande. Certains ont compris plus que d'autres quelle opportunité représentait la présence des grands présidents des constructeurs, qui sont aujourd'hui aussi importants que certains chefs d'État, et leur ont accordé un traitement particulier. Cela me paraît essentiel – c'est en tout cas ce que je défends auprès du cabinet du Président de la République. S'il est important qu'il aille chez les constructeurs français et les principaux constructeurs mondiaux, il est bon qu'il prenne aussi le temps de montrer aux présidents de General Motors, de Volkswagen ou de Toyota que la France est un pays d'accueil. Le Mondial de l'automobile est un lieu de rencontres.

C'est aussi un lieu de rêve pour le grand public – et cela doit le rester. En France, nous avons vu un certain nombre de manifestations disparaître parce qu'elles ne faisaient plus rêver ou n'avaient pas su s'adapter aux jeunes. Mon leitmotiv est que nous sommes tous beaucoup trop vieux pour imaginer ce que sera la France en 2025 ; ce sont les jeunes d'aujourd'hui, ceux qui ont entre dix et vingt ans, qui sauront le faire. J'ai toujours été attentif aux jeunes visiteurs. Je sais que les réseaux sociaux marchent à plein. Nous avons la chance d'avoir des voitures à l'essai : c'est un moyen de faire rêver. Mais, parce que le rôle de la manifestation est aussi d'être le porte-parole d'un secteur, nous avons mis en avant les voitures électriques et hybrides, les nouvelles énergies et les nouvelles technologies. Il faut que le visiteur se sente un peu chez lui, qu'il ait envie de venir pour voir des choses qu'il ne verra pas ailleurs. L'avantage du salon, c'est d'avoir tout le monde en même temps au même endroit – autre point commun avec une exposition universelle. Bref, il faut que les gens puissent venir rêver, pas nécessairement acheter, même si leur visite débouchera peut-être sur un achat ultérieurement. Nous sommes un salon d'image, et non de vente comme celui de Bruxelles, par exemple – encore un point commun avec une exposition universelle, à notre modeste échelle.

Même s'il est le plus grand salon automobile du monde, je doute que le Mondial de l'automobile puisse jamais rivaliser avec une exposition universelle. Mais les points communs sont nombreux, ne serait-ce qu'en termes de sécurité. Il y a deux ans, au moment de l'annonce de la fermeture d'Aulnay, ma seule crainte était liée aux manifestations. J'ai donc rencontré le préfet très en amont du salon. Au moment de l'inauguration, des bruits couraient sur une possible grande manifestation au salon. La veille du jour où celle-ci était prévue, le préfet m'a convoqué à vingt heures. Je n'avais aucune envie de décevoir les visiteurs et de donner raison aux manifestants en fermant le salon. Il m'a promis de le faire protéger. Heureusement, car les manifestants ont tout de même descellé une cabine téléphonique pour s'en servir comme d'un bélier afin d'ouvrir des portes derrière lesquelles les attendaient les CRS ! Finalement, ils ne sont pas entrés. Je ne remercierai jamais assez le préfet et ses troupes : en termes d'image, cela aurait été catastrophique pour le salon. Tout cela pour dire que l'aspect sécurité est très important, et qu'il faut associer le ministère de l'intérieur et la préfecture de police aux événements.

Je conclurai en vous invitant au Mondial de l'automobile qui se tiendra du 2 au 19 octobre prochain, donc à partir du 4 pour le grand public. Vous y serez les bienvenus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion