La France est championne du monde des hypermarchés, mais les développeurs ont compris que ce modèle s'essoufflait. S'inspirant d'expériences nord-américaines, ils cherchent à offrir une nouvelle vie aux très grandes surfaces commerciales en introduisant en Europe le fun shopping – le groupe immobilier Unibail-Rodamco est souvent au coeur de ces projets, et l'on parle par exemple de la construction d'une sorte de Las Vegas en Espagne. En la matière, le West Edmonton Mall dans l'Alberta canadien constitue la référence mondiale. Ce centre commercial géant comptant 2 millions de mètres carrés de commerces a cherché à doper sa fréquentation pour qu'elle se hisse au niveau de celle des parcs de loisirs en installant des attractions au milieu des boutiques : un aquarium, des mini-golfs, un roller-coaster… Le West Edmonton Mall est aujourd'hui en faillite, et, dans le monde, aucun projet de ce type n'a donné de résultat vraiment concluant.
Ce modèle peut toutefois avoir du sens pour le groupe Auchan. Son principal ressort reste la volonté d'élargir une offre commerciale, ce qui ne correspond pas vraiment à nos préoccupations actuelles. À une époque où le Futuroscope était en moins bonne santé qu'aujourd'hui, il y a dix ans, nous avions réfléchi à une solution mariant le ludique et le commercial ; nous ne l'avons pas mise en oeuvre.
Quel est avenir des parcs de loisirs ? Dans presque tous les pays européens, un gros parc domine le marché en accueillant trois à dix fois plus de visiteurs que ses concurrents. Il donne évidemment le tempo en termes d'évolutions. Je pense à Disneyland Paris pour la France, premier parc européen avec 15 millions de visiteurs par an, mais aussi à Europa-Park en Allemagne, qui en accueille 5 millions, à PortAventura dans le nord de l'Espagne avec 4,5 millions de visiteurs, ou encore à Gardaland en Italie et à Efteling en Hollande. La tendance actuelle est à l'allongement du séjour – l'éclatement des périodes de vacances n'y est pas pour rien. Elle se traduit souvent par l'ouverture d'un second parc à côté du premier – depuis 2002, Disneyland Paris comprend ainsi un nouveau parc à thèmes : Walt Disney Studios –, et, surtout, par une offre renforcée d'hébergements à thème. Ce modèle se répand à tel point que le zoo de Beauval, qui reçoit plus de 1 million de visiteurs par an, propose 500 chambres sur le thème de l'univers animalier, ou que le Puy du Fou ouvre des hôtels historiques. Le parc de loisirs qui se visitait autrefois en une journée est devenu un resort proposant une expérience de court séjour globale thématisée qui se vit aussi bien le jour que le soir et la nuit.
Vous constatez que nous ne sommes pas loin des problématiques qui sont les vôtres. Une exposition universelle demande en effet de raisonner en utilisant un angle d'approche très large. Il est impossible de se contenter de penser uniquement le visiteur entre son entrée et sa sortie du site ; il faut aussi prendre en compte sa soirée et sa nuit. Car la rencontre aura aussi lieu le soir, hors de l'Expo elle-même. Il faut donc l'organiser, et prévoir des lieux de rassemblement. Quant à l'hébergement et au transport, ils font partie intégrante de l'expérience globale du visiteur, et ils doivent être réfléchis comme tels. Finalement, du repas au coucher, en passant par l'esprit général de l'événement, tout devient expérience. La tendance est à l'entertainment du monde, à la mise en spectacle de nos existences, et cela ne concerne évidemment pas que les parcs de loisirs.
Cette logique de « thématisation » devenue prédominante interroge ceux qui feraient une proposition d'une autre nature. Il y a bien une sorte de formatage par les parcs leaders qui fabriquent l'envie du public de vivre une expérience totale durant deux jours. D'une certaine manière, il s'imposera à ceux qui organiseront une exposition universelle en 2025. Car il ne faut pas oublier que, à la différence de l'expérience de Paris en 1900 ou de Shanghai en 2010, expositions qui, d'une certaine manière, accueillaient des publics captifs venus visiter le monde, les Français ne se rendront pas à l'Expo de 2025 pour voir le monde qu'ils auront certainement déjà découvert par ailleurs. Dans un contexte de compétition et de concurrence, la question de la promesse de l'événement aura en conséquence une importance majeure.