Intervention de Christian Anastasy

Réunion du 3 juin 2014 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Christian Anastasy, directeur général de l'ANAP :

Je dirige l'ANAP depuis sa création, le 1er avril 2009. Auparavant, j'ai été directeur d'hôpital, d'abord dans le secteur public, puis dans le privé commercial et dans celui des établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC). Pendant cette longue période, j'ai observé, dirigé, réorganisé des établissements sanitaires et médico-sociaux. En matière sanitaire, j'ai travaillé aussi bien dans le champ de la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) que dans celui de la psychiatrie. Avec un parcours aussi diversifié, j'ai naturellement été conduit à envisager de faire carrière à l'ANAP.

Au sujet de la CNSA, je me dois de rappeler que nous n'avons pas avec cette institution des relations égalitaires, puisque la Caisse occupe un siège à notre conseil d'administration. La gouvernance de l'ANAP est par ailleurs oecuménique : outre l'État, représenté par cinq directions d'administration centrale – la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et celle de la cohésion sociale (DGCS) ; la direction de la sécurité sociale ; la direction du budget ; le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales –, siègent également à ce conseil notre financeur principal, l'assurance maladie, ainsi que notre financeur secondaire, la CNSA – qui apporte 3 % de notre budget de 30 millions d'euros –, ainsi que l'ensemble des fédérations du secteur sanitaire et médico-social : la Fédération hospitalière de France (FHF), la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP), la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD), l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) et le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA).

Comme l'ensemble des administrateurs, la CNSA participe à la définition du programme de travail de l'Agence, établi chaque année. L'ANAP hiérarchise les commandes en fonction de ses compétences – ainsi, les problèmes de qualité seront plutôt renvoyés à la Haute Autorité de santé (HAS) ou à l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) – et de l'effet escompté sur les 3 000 établissements sanitaires et les 30 000 établissements et services médico-sociaux (ESMS).

Dès l'origine, la CNSA nous avait demandé de réfléchir aux moyens de mieux apprécier la performance des ESMS, qui occupent un champ très vaste. En effet, si, dans certains domaines, on mesure assez bien la lourdeur de la prise en charge – c'est le cas s'agissant des personnes âgées, grâce aux grilles AGGIR (autonomie gérontologie groupe iso-ressources) et PATHOS –, les indicateurs sont inexistants pour les personnes handicapées.

J'en viens aux travaux que l'Agence, conformément aux commandes de la CNSA, a réalisés pour ces établissements, et que l'on peut regrouper en quatre grands domaines.

Notre première préoccupation était de savoir de quoi nous parlions. Nous avons donc cherché à acquérir une meilleure connaissance du secteur médico-social, en réalisant un inventaire de ses 30 000 établissements. Le résultat est un guide coédité avec la CNSA – Le secteur médico-social, comprendre pour agir mieux –, qui est devenu un document de référence. Il n'est, en effet, pas évident, pour les fonctionnaires amenés à gérer les établissements de ce secteur, de s'y retrouver parmi les SAVS (services d'accompagnement à la vie sociale), les SAMSAH (services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés), les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) et autres SAD (services à domicile). Ce document est d'ailleurs le plus téléchargé parmi tous ceux que propose actuellement l'ANAP, avant nos recommandations en matière de chirurgie ambulatoire, ce qui prouve qu'il répond à un besoin.

Un deuxième volet de nos travaux a concerné les systèmes d'information. Vous avez cité le tableau de bord partagé : l'élaboration de cet outil, prévu pour être un moyen simple de diffuser des indicateurs, induisait, en effet, une réflexion sur les systèmes d'information dans le secteur médico-social et sur ce que les spécialistes appellent « l'urbanisation des systèmes d'information » : l'objectif était de faciliter la transmission d'indicateurs en tout point du territoire, leur diffusion homogène et leur comparaison.

Un des aspects principaux de la demande de la CNSA concernait les indicateurs à retenir pour comprendre comment fonctionne le secteur. Nous sommes partis de l'idée simple qu'il n'y a pas d'équité sans transparence. Comme je l'ai dit, on peut mesurer, grâce aux grilles existantes, le degré de prise en charge d'une personne âgée selon qu'elle relève du GIR 5 ou du GIR 1, mais il n'en est pas de même pour les personnes handicapées. En outre, nous ne connaissons pas la relation entre les personnes et la consommation de ressources qu'elles induisent. Nous avons donc cherché à construire un tableau de bord simple permettant d'introduire plus de transparence dans la consommation de ressources entre établissements de niveaux plus ou moins comparables, afin de parvenir progressivement à réguler les moyens en fonction de l'ampleur de la prise en charge.

Il nous a fallu du temps – deux ans – pour accomplir ce travail, parce que nous avons procédé par consensus d'experts. Des personnes choisies par les fédérations représentées à notre conseil d'administration, par la CNSA, par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales se sont réunies dans un lieu assez convivial, où chacun pouvait s'exprimer, afin qu'un consensus se construise sur l'architecture globale du tableau de bord, puis sur des indicateurs.

En définitive, le tableau de bord comprend quatre axes fonctionnels – les prestations de soins, les ressources humaines et matérielles, les finances, les objectifs selon les structures, c'est-à-dire le projet de soins, de vie ou thérapeutique –, que permettent d'observer quarante-trois indicateurs.

Il a été décidé de ne pas réaliser ce tableau de bord à des fins de tarification, mais de dialogue de gestion. Un établissement sera d'autant plus enclin à échanger des informations avec d'autres établissements et avec sa tutelle qu'il sait que cette dernière ne va pas s'en servir pour lui opposer des mesures tarifaires coercitives. Le dialogue de gestion permet d'évaluer le type de population prise en charge, le projet de soins et l'utilisation des moyens disponibles.

L'élaboration du tableau a impliqué entre quatre-vingt et cent personnes. Nous avons travaillé avec trois agences régionales de santé et deux départements volontaires, avec des représentants de l'ANESM, de la DGCS, de la CNSA, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et d'autres. Pour chaque axe fonctionnel, nous avons retenu des indicateurs de dialogue et des indicateurs d'analyse et de pilotage interne. Dans la première catégorie, pour ce qui concerne les prestations de soins, figurent, par exemple, le score moyen de dépendance GMP (GIR moyen pondéré) ou le taux de personnes en dérogation ou hors autorisation, et dans la deuxième, le profil des personnes accompagnées. S'agissant des ressources humaines, on citera la répartition des effectifs par fonction – nombre d'aides-soignants dans chaque établissement, taux d'absentéisme. En matière de finances, on peut donner l'exemple de la répartition des recettes par groupe sur la section exploitation. Pour ce qui concerne les objectifs, l'indicateur d'analyse est l'échelle de maturité du système d'information.

Pour parvenir à structurer les systèmes d'information, il était nécessaire de proposer un projet fédérateur, un but qui inciterait tout le monde à transmettre des informations. Nous avons donc beaucoup insisté, notamment auprès de la DGCS, pour que le tableau de bord soit un instrument de dialogue de gestion et pas du tout un instrument de tarification.

Il pourrait néanmoins le devenir dans un second temps. Dans le secteur sanitaire, on a mis vingt ans à créer le programme médicalisé des systèmes d'information (PMSI), et il a fallu encore vingt ans, le temps que chacun ait pris l'habitude d'utiliser ce système, pour fixer des tarifs liés à des groupes homogènes de malades, ce qui a donné naissance à la tarification à l'activité (T2A). Il en est de même dans le secteur médico-social : il faut d'abord une acclimatation. L'idée d'une adéquation entre les actes et les ressources doit d'abord être assimilée, et les professionnels concernés doivent s'habituer à se confronter les uns aux autres ; c'est seulement ensuite, sur la base d'indicateurs transparents et acceptés par la communauté, que l'on pourra en venir à la tarification.

Une fois élaboré, le tableau de bord a été testé in situ dans 500 établissements répartis sur cinq régions et dix-huit départements, avant d'être étendu à près de 800 établissements. Cela peut paraître peu au regard d'un total de 30 000 établissements, mais cela constituait un volume suffisant pour qu'une généralisation du système apparaisse pertinente.

Ce travail a été entamé à la fin de l'année 2009 ; le tableau de bord a été mis au point au cours des années 2010 et 2011, et son utilisation généralisée en 2012 et 2013. Aujourd'hui, nous en sommes à la dernière étape ; nous nous sommes engagés à transférer toutes les informations – trucs et astuces divers, bases de données, logiciels de traitement des données – à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Certes, celle-ci n'a pas, a priori, vocation à prendre en charge un tel système, mais il n'est pas du ressort de l'ANAP de gérer une base de données volumineuse. Plutôt que de passer un marché avec une société de services informatiques, nous avons préféré nous adresser à une agence publique afin d'assurer la pérennité des données recueillies.

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