Intervention de Jean-Patrick Gille

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l'emploi :

Je me réjouis – et je crois pouvoir dire que cette satisfaction est partagée sur tous les bancs de cette assemblée mais aussi par les partenaires sociaux –, que le FPSPP ne soit plus indûment siphonné de la sorte. Cela lui permettra de retrouver sa vocation initiale : former ceux qui en ont le plus besoin.

J'ai aussi souhaité me pencher plus avant sur le budget et le fonctionnement de Pôle emploi. Près de cinq ans après sa création, nous disposons en effet du recul suffisant pour dresser un bilan.

Les nombreuses auditions que j'ai menées m'ont conduit à dresser un bilan en demi-teinte. En effet les moyens financiers alloués à Pôle emploi croissent – son budget représentera près de 5 milliards d'euros en 2013 –, mais son efficacité reste largement insuffisante, alors même que sa masse salariale pèse près de 3 milliards d'euros. Une telle situation ne saurait perdurer. La fusion a en effet coûté plus cher que prévu. Surtout, elle ne s'est pas traduite concrètement par une amélioration de la qualité de l'offre de services aux demandeurs d'emploi. Certes la crise est passée par là, mais on peut même dire qu'en 2009 la qualité de service s'est dégradée.

Les économies attendues ont en effet été totalement absorbées par le processus de la fusion, en particulier, par la fusion des deux catégories de personnels relevant de statuts et de cultures professionnelles profondément différentes. Le mot d'ordre du métier unique, du site unique, de l'entretien unique, qui a prévalu dans un premier temps, s'est révélé un échec.

Après une phase de fusion réalisée dans la douleur, qui l'a conduit, il faut bien le reconnaître, à une forme de repli sur soi, Pôle emploi doit désormais aborder une seconde phase dont on espère qu'elle sera celle du service aux employeurs et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

En effet, on estime aujourd'hui que Pôle emploi ne recueille que 6,5 % des offres d'emploi et qu'elle n'est à l'oeuvre que dans la signature de trois millions de contrats sur un total de trente millions. Par ailleurs, seulement 10 % des demandeurs d'emploi bénéficient d'une formation. Le chemin à parcourir est donc long, mais la nouvelle convention tripartite signée au début de l'année, qui fixe les nouvelles orientations du plan stratégique Pôle emploi 2015, doit permettre de redresser la barre.

Sans remettre en cause le principe d'un suivi universel de l'ensemble des demandeurs d'emploi, l'accompagnement sera désormais différencié en fonction du degré d'éloignement de l'emploi de la personne considérée. Autrement dit, il y aura plus d'accompagnement pour ceux qui en ont le plus besoin.

Cette différenciation du suivi doit permettre des gains d'efficacité pour autant qu'elle se conjugue avec une meilleure prise en compte de la dimension territoriale de Pôle emploi. On constate en effet localement une insuffisante concertation des agences de Pôle emploi avec les autres acteurs impliqués les collectivités locales ou encore avec les acteurs du bassin d'emploi. Les agences Pôle emploi ne doivent plus donner l'impression qu'elles sont repliées sur elles-mêmes, elles ne doivent plus quitter le coeur des villes ; elles doivent travailler en plus grande coopération avec l'ensemble des autres acteurs, notamment les élus locaux.

Elles doivent aussi se soumettre à un pilotage par la performance. Il est normal que l'opérateur central du service public de l'emploi rende des comptes, non seulement sur son activité, mais aussi sur ses résultats et sur son efficacité. Cette démarche est aujourd'hui engagée et on ne peut que s'en réjouir.

Les modalités de financement de Pôle et son statut juridique original plaident en outre en faveur d'une gouvernance élargie : la gouvernance actuelle laisse en effet à désirer, avec un État minoritaire mais dont le pouvoir est très important, et l'absence au sein du conseil d'administration des représentants des personnels, des organisations représentatives des demandeurs d'emploi, ou encore la présence marginale des collectivités territoriales.

On constate enfin une très grande faiblesse de Pôle emploi dans le domaine de la formation. Cette carence n'est pas imputable au seul opérateur, elle est en grande partie liée au foisonnement des financeurs de la formation professionnelle.

Une refonte de l'achat de formations est souhaitable. Elle pourrait être en totalité confiée aux régions. Un travail de fond doit être effectué pour adapter les formations aux besoins des territoires et des demandeurs d'emploi. Ce travail doit également passer par la mise au point d'un outil consolidé retraçant l'ensemble de l'offre de formation disponible. C'est le projet Dokelio.

Ces quelques réflexions sur Pôle emploi mériteraient bien entendu d'être complétées : de ce point de vue, je me réjouis que la commission des affaires sociales ait décidé de consacrer une mission d'information à Pôle emploi et au service public de l'emploi.

Je souhaiterais aussi appeler votre attention sur l'AFPA qui a été mise en grande difficulté financière. Monsieur le ministre, je souhaite que vous confirmiez une fois encore votre engagement à sauver l'AFPA de la déroute financière, et votre volonté de lui apporter dans un second temps tout l'appui nécessaire pour qu'elle retrouve une forme de compétitivité et qu'elle redevienne l'opérateur central du service public, chargé de la qualification des demandeurs d'emplois.

Je veux évoquer les travaux de la commission des affaires sociales qui ont conduit, à mon initiative et à la quasi-unanimité, à adopter un certain nombre d'amendements.

En premier lieu, concernant l'allocation équivalent retraite, s'il n'a pas été question de rétablir le dispositif antérieur, dont on sait qu'il est très coûteux et qu'il entrerait en contradiction avec l'objectif général d'élévation du taux d'activité des seniors, on doit reconnaître que le recul des bornes d'âge de départ à la retraite constitue un vrai problème pour les demandeurs d'emploi âgés, d'autant plus injuste lorsque l'on dispose du nombre de trimestres requis.

En second lieu, la commission s'est intéressée au financement de l'aide au poste dans les entreprises d'insertion auxquelles nous devons envoyer un signe dès aujourd'hui. Il faut revaloriser l'aide au poste et permettre à ces entreprises de recruter puisqu'elles sont en capacité de le faire.

Les autres amendements de la commission concernent le Fonds d'insertion professionnelle des jeunes, que le rapporteur spécial a déjà évoqué, et les dispositifs locaux d'accompagnement qui peuvent être des outils très utiles pour la réussite du dispositif d'emploi d'avenir.

L'enjeu principal pour 2013, c'est l'emploi par la compétitivité retrouvée. Ce budget, tourné vers les plus vulnérables face à l'emploi, les jeunes, les seniors, mais également les personnes handicapées et les bénéficiaires de minima sociaux, joue à ce titre pleinement son rôle. À côté des mesures courageuses annoncées mardi dernier par le Premier ministre, il permettra d'armer au mieux les acteurs d'un service public de l'emploi restauré pour s'attaquer au chômage de longue durée.

Mes chers collègues, je conclus en vous invitant à voter les crédits de la mission « Travail et emploi » et l'article 71 qui lui est rattaché. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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