Intervention de Patrice Carvalho

Réunion du 4 juin 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

La décentralisation a débuté en 1982 avec la transformation des départements et des régions en collectivités élues et dotées de compétences identifiées. La logique de la réforme annoncée le Président de la République lundi soir, au terme de multiples volte-face, est tout autre.

Commençons par dénoncer cette escroquerie qui consiste à justifier la réforme territoriale en invoquant « le millefeuille ». Ceux qui crient au loup aujourd'hui, quitte à faire preuve d'un certain populisme, sont ceux-là mêmes qui ont multiplié les strates administratives, à commencer par les intercommunalités. Avec les conseillers territoriaux, Nicolas Sarkozy avait inventé une usine à gaz consacrant le cumul des mandats et promettant vainement des économies. François Hollande a d'abord manifesté son attachement aux départements, au travers du redécoupage cantonal et de l'instauration d'un binôme d'élus, dont la durée de vie sera courte puisque les départements sont appelés à disparaître à l'horizon 2020, sous réserve d'une révision constitutionnelle. Voici qu'un nouvel épisode nous est proposé avec le passage de vingt-deux à quatorze régions, épisode dont la cohérence demeure obscure et dont le scénario a été écrit loin du terrain, dans de petits arrangements entre amis.

Cette réforme ne dit pas comment le millefeuille perdra des feuilles. Elle laisse plusieurs questions sans réponse. Qui siégera dans les conseils régionaux fusionnés ? Les départements sont-ils voués à être vidés de leur substance au profit, sans doute, des intercommunalités ? Qui exercera les compétences de proximité, comme l'action sociale ou l'entretien des routes ? Tout cela semble relever de l'improvisation la plus totale. Au terme de ce feuilleton à rebondissements, une autre impression domine, celle d'une navigation à vue, au gré de ce que les élus et les populations semblent en mesure d'accepter.

Ces dernières années, les intercommunalités sont montées en puissance, dépouillant les communes de leurs compétences les plus structurantes. Une nouvelle étape s'annonce dans laquelle les métropoles engloutiront les départements, tandis que de grandes régions seront créées en accéléré. Ces mouvements éloignent sans cesse davantage le citoyen des centres de décision.

Le schéma administratif et politique se résume désormais à une Europe à qui les États doivent soumettre leurs choix budgétaires, des régions et des intercommunalités parfois géantes quand elles sont métropoles. Il s'agit d'un chamboulement complet des principes hérités de la Révolution française, qui met en cause la citoyenneté, l'unité nationale et l'égalité des territoires. Le thème du millefeuille n'est agité que pour convaincre nos concitoyens du bien-fondé, contestable, de la réforme territoriale, et pour dissimuler l'essentiel, la profonde modification de l'organisation de la nation que vous préparez.

Enfin, je suis choqué que les sociologues puissent parler de tout sans dire un mot des hommes et des femmes qui vivent sur les territoires. L'essentiel est pourtant là.

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