Partir des dynamiques nous éviterait peut-être tous ces échanges sur les bonnes ou moins bonnes fusions. Il s'agit de prendre en compte la réalité, de savoir comment vivent les gens, dans quelles villes ils vont, dans quelles universités étudient leurs enfants… Les relations entre territoires ruraux et métropoles sont l'un des grands sujets de la réforme. Or, de ce point de vue, la carte proposée est très inéquitable.
L'idée selon laquelle, en 1790, entre les confins d'un département et son chef-lieu, il devait y avoir une journée de cheval tout au plus, n'était pas à l'origine de la délimitation des départements, mais la remarque a posteriori d'un député. Nous pouvons nous poser la même question : mettons-nous tout le monde à moins d'une heure et demie d'une métropole connectée au monde ? Il en va de même concernant la zone d'influence des grands ports maritimes : dans un espace qui se globalise, où les conteneurs vont constituer un élément structurant du commerce international, on peut se demander si la carte qu'on nous propose met équitablement toutes nos industries à bonne distance de nos ports maritimes. Nous avons étudié, il y a un an, cinquante modèles d'organisation de nos grandes entreprises ; leur carte de France, celle de la réalité économique et de la réalité sociale, est en décalage avec celle qui nous est soumise.
Il faut donc veiller à ne pas dessiner une carte trop administrative, vue de Paris voire de l'Élysée. Construisons une carte qui colle aux réalités économiques et sociales, faute de quoi nous risquons d'être en décalage par rapport à des flux ou à des modèles existants et d'être contraints d'ajuster en permanence la géographie conçue par des états-majors à celle de la France telle qu'elle vit.