Intervention de Sylvain Granger

Réunion du 6 février 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Sylvain Granger, directeur de la division « Combustible nucléaire » d'EDF :

Trois événements ont eu un impact important. Le premier est l'anticipation de la renaissance du nucléaire dont j'ai déjà parlé. Le deuxième est la décision prise par les Chinois en 2011 d'acheter plus d'uranium qu'ils n'en avaient besoin pour alimenter leurs centrales. Les Chinois ont en effet une politique très forte de sécurisation de leur approvisionnement, y compris pour l'avenir, grâce à la constitution de stocks, à des prises de participation et au développement international. Même si l'information sur le sujet est rare, on peut, en observant leurs achats, en déduire la politique du pays en matière de construction nucléaire. Cela étant, lors du pic observé en 2011, le prix spot de l'uranium n'a pas dépassé 50 dollars la livre.

Enfin, le troisième événement est l'accident de Fukushima. L'arrêt des réacteurs japonais et, en conséquence, l'absence de demande en provenance du Japon ont entraîné une baisse du cours, qui est descendu de 40-45 dollars à 35 dollars la livre.

En définitive, et si l'on excepte la spéculation quasiment autoréalisatrice survenue en 2006-2007, on constate que les variations ne sont pas d'une amplitude exceptionnelle. Par ailleurs, la volatilité des prix masque une tendance structurelle à la hausse. En effet, de nombreuses mines d'uranium découvertes dans les années soixante et soixante-dix sont en déclin. Ce qui est arrivé en France, où on n'extrait plus d'uranium depuis 2001, va se répéter dans d'autres régions du monde. C'est pourquoi nous sommes entrés dans un cycle de réinvestissement minier. Alors que l'investissement réalisé dans ces anciennes mines était presque amorti, il est à nouveau nécessaire d'apporter du capital. Il en résulte une augmentation structurelle des prix.

Pour savoir si cette évolution va perdurer et pour évaluer le niveau auquel le prix de l'uranium pourrait se stabiliser, il importe donc d'apprécier le coût complet de développement des nouvelles mines, qui varie d'une région à l'autre : alors qu'il est d'environ 30 dollars la livre au Kazakhstan, il peut atteindre ailleurs 60 à 70 dollars. Toutes ces mines ne seront pas exploitées : si de très grandes comme Cigar Lake et Olympic Dam peuvent être développées à un coût raisonnable, on peut envisager un équilibre entre l'offre et la demande rendant inutile l'ouverture des mines plus coûteuses.

Selon nos propres estimations, toutefois, le prix de l'uranium pourrait monter jusqu'à 60 dollars la livre dans les dix prochaines années. Dans cette hypothèse, l'augmentation à venir serait plus modérée que celle que nous venons de connaître au cours des dix dernières années où, de 10 à 20 dollars, il est passé à 40 dollars.

De toute façon, le coût de l'uranium naturel ne représente, je le rappelle, qu'un quart de celui du combustible, qui lui-même ne compte qu'à hauteur de 10 % dans les coûts de production de l'énergie nucléaire. Si je me trompe et que l'on constate un doublement du prix sur le marché spot dans les dix ans à venir, non seulement EDF n'en subirait pas nécessairement les conséquences, puisque nous ne nous fournissons qu'exceptionnellement sur ce marché, mais l'augmentation réelle ne porterait, au bout du compte, que sur 2,5 % des coûts de production de l'énergie nucléaire, et serait de surcroît étalée sur dix ans.

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