L'expérience de San Francisco est bien évidemment suivie avec beaucoup d'intérêt car elle montre que l'on peut être une ville au coeur de la Silicon Valley où a lieu l'essor des grands géants de l'Internet et, pour autant, faire preuve de responsabilité fiscale à l'égard de ces grands groupes. Ils ont vocation à rentrer dans le droit commun, y compris sur la question fiscale. J'attire votre attention sur le fait qu'à New York également, les intentions de la ville d'attaquer Airbnb, notamment pour ses activités qui appelleraient le reclassement de particuliers en acteurs commerciaux ont incité cette plate-forme à retirer 6 000 annonces à New York. Airbnb a donc démontré qu'il était en mesure d'identifier et de distinguer ce qui, dans son pool d'appartements, serait de l'ordre de la location temporaire de ce qui relèverait de la pratique spéculative ou du meublé touristique de longue durée. Cela signifie que c'est possible. Je regarde notamment avec attention la méthode qui a été retenue à San Francisco. Il y a eu un compromis au terme d'un dialogue en bonne intelligence entre les différents acteurs. C'est ce dont nous souhaitons nous inspirer. Je rencontrerai d'ailleurs les acteurs du marché la semaine prochaine pour une réunion de travail afin d'étudier avec eux leur capacité à collecter la taxe de séjour et à détecter ce qui relève de la location temporaire ou pas. L'idée pour nous est donc vraiment de travailler avec les opérateurs de manière partenariale et de faire preuve de bonne volonté en espérant que nous aurons la même bonne volonté en retour.
La taxe de séjour est-elle dissuasive aujourd'hui ? Je ne pense pas qu'elle le soit. Ce qui est le plus dissuasif à Paris aujourd'hui, c'est la difficulté à trouver une chambre. Nous avons donc besoin de mobiliser une capacité hôtelière plus importante. Cette question recoupe en réalité celle de l'élasticité-prix. Or, pour des chambres en catégorie 1, soit des chambres à plusieurs centaines d'euros, je ne crois pas qu'une taxe de séjour à 1,5 euro la nuit soit particulièrement dissuasive, surtout au vu du taux de remplissage des hôtels.
Les 40 millions d'euros que nous collectons sont effectivement fléchés. Ils font l'objet d'un élément hors bilan dans l'état de nos recettes. Les deux plus grandes parts sont affectées aux investissements de voirie pour les piétons, les transports en commun, les bus, les espaces civilisés, tout ce qui fait la qualité de l'espace public parisien, car Paris est une ville de tourisme d'espace public. Le deuxième point important est notre subvention à l'office de tourisme et des congrès de Paris, qui s'élève à 7,5 millions d'euros et qui elle aussi est fléchée sur les recettes de la taxe de séjour, tout comme une partie de notre contribution à la Préfecture de police de Paris. En effet, la présence massive de touristes à Paris génère des questions de sécurité et des besoins de renforts de police en particulier sur les sites sensibles que sont le Louvre, les Champs-Elysées et Montmartre pour ne citer que ceux-là. Le reste est intégralement fléché et je tiens à votre disposition le document récapitulatif si vous souhaitez consulter l'état des finances de la ville.
Quant à l'élargissement de l'assiette de la taxe de séjour, plusieurs questions se posent. Mener des politiques publiques qui permettent de maintenir une bonne qualité d'accueil dans une ville ayant un fort patrimoine à entretenir, avec des enjeux en matière de transports en commun et qui est par ailleurs une métropole ville-monde nécessite des ressources. Une partie de ces ressources viennent de l'État et sont en train de se tarir. Or, nous voulons maintenir, notamment par le biais des investissements, Paris au rang de capitale du tourisme. De ce point de vue-là, l'élargissement de l'assiette est à regarder avec précaution mais avec intérêt.
Une première chose est évidente : c'est l'intégration des opérateurs de type « Airbnb ». Il y en a une deuxième qui est celle du montant de l'abattement forfaitaire. Il devrait se situer aux alentours de 21 % contre 40 % aujourd'hui compte tenu du taux d'occupation moyen des hôtels à Paris. Si demain nous devons nous poser des questions sur le montant, sur l'assiette, sur le périmètre de la taxe de séjour, plusieurs éléments doivent selon nous rester à l'esprit : le premier est relatif à la fourchette de la taxe selon la catégorie d'hôtel car nous avons besoin de mécanismes incitatifs vers les hôtels de plus faible catégorie alors que nous n'avons pas trop de difficulté à ce que des palaces se créent à Paris.
Par contre, là où les tarifs de chambres ne sont pas très élevés, la taxe de séjour ne doit pas être dissuasive, par exemple sur les auberges de jeunesse ou sur des hôtels à 0 ou 1 étoile. Nous souhaitons en effet continuer à en construire. Il faut donc que nous gardions la gradation que nous permet le système actuel.
Cela me permet donc de répondre à votre question concernant le système allemand ad valorem qui répondrait à cette exigence, c'est-à-dire que l'on respecte la proportionnalité du prix avec le montant payé.
Le deuxième élément consiste à garder une capacité d'ajustement local et de ne pas en faire une taxe nationale. J'imagine que la situation hôtelière parisienne n'est pas celle de toutes les villes de France. Ainsi la situation qui permet aujourd'hui aux collectivités locales de la collecter et de l'ajuster à la réalité de leur monde hôtelier est la bonne.
Concernant les établissements de restauration, c'est une hypothèse que nous n'avons pas étudiée et cela ne fait pas aujourd'hui a priori partie de nos intentions pour une raison plus politique que budgétaire. La question fiscale chez les restaurateurs est éminemment sensible. Les ajustements divers et variés de taux de TVA au cours des cinq dernières années nous incitent à faire preuve de prudence.