Le titre du rapport est conforme à l'objet qui était assigné à la commission d'enquête, mais je trouve étonnant que, quitte à le modifier, il ne fasse pas de place à une préoccupation vers laquelle nous avons dérivé tout au long de nos travaux, à savoir la transition énergétique.
Nous avons bien senti que notre rapporteur abordait ce travail avec un a priori, comme en a témoigné le choix de certaines des personnes auditionnées, dont on se demande ce qu'elles ont apporté au débat sinon quelques moments épiques. D'autre part, alors que nous étions au milieu d'une campagne électorale, certaines réunions ont été organisées à des moments qui ne facilitaient pas notre participation, ce qui n'a pas été le cas pour la mission d'information sur l'écotaxe, présidée par Jean-Paul Chanteguet et dont j'étais également membre, de sorte que je puis faire la comparaison. Même ayant remporté mon élection au premier tour, je n'ai pu visiter les sites nucléaires comme cela aurait été mon souhait !
Cependant, à mesure que nous avancions dans nos auditions, j'ai noté que l'attitude de notre rapporteur évoluait, peut-être sous l'influence de ce qu'il entendait. Il reste que, ayant participé par goût à plusieurs commissions d'enquête ou missions d'évaluation et de contrôle, je n'en ai jamais vu conduites de cette façon : en général, on y commence par s'efforcer à une objectivité maximale, quitte à laisser percer sa subjectivité par la suite. Je me souviens par exemple de la commission d'enquête sur les emprunts toxiques, que présidait Claude Bartolone et dont j'étais rapporteur : nous n'étions pas du même avis au début, il n'empêche que nous avons fini par voter le rapport à l'unanimité.
Dans ce rapport, la sécurité l'emporte sur toute autre considération et, par exemple, les coûts futurs du nucléaire, mentionnés pourtant dans l'intitulé de la commission, ont été négligés – hormis ceux de la quatrième génération, dont vous venez de dire qu'elle serait plus chère que les précédentes alors que tout a démontré le contraire.
Je ne retrouve pas dans ce rapport bien des points essentiels, dont un dont la démonstration, elle, a été faite, à savoir que l'électricité d'origine nucléaire est la moins chère, même si son prix doit continuer d'augmenter et même si tous les coûts n'ont pas été pris en compte. D'où l'intérêt de l'étude à venir, qui fera la comparaison avec les autres sources d'énergie.
Non seulement le nucléaire est l'énergie la moins chère, mais c'est aussi la plus propre. L'intermittence des énergies alternatives est en effet génératrice d'émissions de CO2. Les Allemands, j'ai pu le constater ce week-end, doivent payer de plus en plus cher leur électricité tout en étant soumis à une pollution accrue. Il convient donc de souligner que la France est le pays où le taux de rejet de CO2 est le plus faible, rapporté à sa production d'électricité.
Avec nos centrales de troisième génération, le combustible ne pèse que pour 10 % dans le prix de revient du kilowattheure mais, comme l'explique bien le rapport, il nous suffit d'adopter une nouvelle technologie – que nous avions d'ailleurs sous la main au moment où nous avons arrêté Superphénix, en 1998 – pour que, avec la quatrième génération, la ressource en uranium connue passe de 130 ans – disons de 70 à 80 ans au pire – à 5 000 ou 7 000 ans : autrement dit, ce sera une ressource illimitée ! Il faudrait le faire savoir à tous nos concitoyens, au lieu de tenir cette information confidentielle, de propos délibéré de la part de ceux qui y ont intérêt. Et que sera-ce avec les générations de réacteurs suivantes ? Le progrès sera sans doute le même qu'en informatique ! Ayons donc confiance en la science et en la technologie ! Le crédit d'impôt recherche n'a pas été créé pour rien. Nous traitons ici de domaines que nous commençons seulement d'explorer et nous faisons comme si le mouvement devait s'arrêter ! Sur tout ce pan prospectif de la question qui nous était posée, je trouve donc le rapport très faible, alors que beaucoup d'auditions nous ont fourni des données objectives que nous aurions pu exploiter. À l'étranger, la quatrième génération est déjà à l'ordre du jour et, comme souvent, nous nous laisserons devancer…
Il en est d'ailleurs un peu de même en ce qui concerne la troisième génération : nous nous apprêtons à arrêter Fessenheim alors qu'aux États-Unis, on va exploiter le réacteur jumeau pendant soixante ans, voire quatre-vingts. Nous prenons des décisions fondées sur des considérations politiques, subjectives ou purement conjoncturelles.
Pour ce qui est de la sécurité, je suis entièrement d'accord avec le rapporteur. Il serait stupide de contester ses recommandations en la matière, notamment celle qui tend à intégrer dès à présent le traitement des déchets aux coûts de la filière. En revanche, il n'est aucune technologie, aucun dispositif qui permette de prendre en compte l'accident ultime – le faire ne peut revenir qu'à condamner la production nucléaire, comme cela conduirait à ne plus mettre une voiture sur les routes ou à ne plus construire d'usines chimiques, sachant que Seveso a fait plus de morts que tous les accidents nucléaires à ce jour. C'est d'ailleurs une loi qui vaut dans bien des domaines : c'est à l'État d'assumer la charge dans de telles circonstances extrêmes. Et, comme pour les retraites, la question est en effet de savoir s'il faut ou non anticiper, en économisant. Il en va ici comme pour l'achat d'une maison : le choix est entre épargner pour la payer comptant et souscrire un crédit, avec tous les aléas que cela comporte. Il n'y a pas lieu de faire d'une loi générale un argument contre le nucléaire, qui repose peut-être lui aussi sur une forme de crédit. Je m'étonne d'ailleurs que le rapporteur, bien au fait des réalités technologiques, oublie ce que peut apporter la recherche : il y a des solutions qu'on trouve en marchant ! Et c'est parce qu'on le savait qu'on a pu découvrir l'Amérique ou aller sur la Lune ! Le principe de précaution – je fais partie des cinq qui ont voté contre – est fait pour les animaux, pas pour l'homme ! L'homme teste, prend des risques à tout bout de champ et avance grâce à ses erreurs quand un animal ira toujours paître au même endroit.
C'est cet esprit que je ne retrouve pas dans le rapport : on n'a pas essayé de déterminer le coût à consacrer à la quatrième génération, en prévoyant bien sûr toutes les mesures de sécurité nécessaires mais en sachant que plus une technologie progresse, plus il y a convergence des solutions aux problèmes qui se présentaient initialement divers : tout s'améliore en même temps. Il en a été ainsi en informatique, hormis pour ce qui est de la dissipation de chaleur, et il en ira de même dans le nucléaire. Déjà, la quatrième génération présente, surtout par rapport à la deuxième, une valeur ajoutée en matière de sécurité et permet la transformation des déchets ultimes. On ne peut pas ne pas en tenir compte…